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Focus sur une thématique pointue à travers le regard aiguisé d’experts en la matière

Publié le 10 juin 2025
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juin 2025

Matériaux de construction

Matériaux de construction
Sommaire du dossier
Introduire la notion de robustesse dans notre quotidien
Introduire la notion de robustesse dans notre quotidien

Architecte & Innovation Project Manager NEOBUILD GIE

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Sur fond de profonds basculements, entre autres socio-économiques, environnementaux ou géopolitiques, ce début de 21e siècle nous secoue, et pas qu’un peu. Olivier Hamant, biologiste et directeur de recherche à l’INRAE, nous questionne sur nos sociétés ultra-optimisées, organisées autour de la notion de performance qui combine deux termes, efficacité (atteindre un objectif) et efficience (avec le moins de moyens) ; cette performance « à tous les étages » n’est jamais remise en question, alors qu’elle constitue parfois inconsciemment le fondement de pratiquement toutes nos actions (y compris bienveillantes) et qu’elle nous conduit inévitablement vers des comportements nocifs de compétition, d’amoindrissement des ressources, de fragilisation de nos sociétés et écosystèmes, ou d’abandon de valeurs importantes.

Cette performance n’est pas durable et Olivier Hamant nous invite à explorer le concept de robustesse : vivre dans un monde qui sera de plus en plus fluctuant, amortir les aléas du quotidien, c’est ce que réalise d’excellente manière et sans notre concours le monde du Vivant depuis des milliards d’années, et nous pouvons nous en inspirer.

Malgré son côté parfois aléatoire, désordonné, inefficace, inachevé et... peu « performant », le Vivant réalise et perpétue un complexe et subtil équilibre qui nous apparaît comme élaboré, économe, résilient ; la performance n’intervient que lorsque nécessaire, et pas perpétuellement. Être robuste, c’est être stable à court terme et viable à long terme. Cette notion de robustesse, associée à celles de coopération et de circularité, définit le Vivant et il est grand temps, en tant que constructeurs, de nous en inspirer dans nos pratiques respectives, au risque de sombrer dans un monde qui en deviendrait totalement dépourvu, donc invivable.

Avec l’aimable relecture d’Olivier Hamant.
Un excellent printemps à vous toutes et tous.

Les matériaux, fondations de bâtiments plus durables
Les matériaux, fondations de bâtiments plus durables

Pour répondre aux objectifs de neutralité carbone, la consommation de matériaux dans le bâtiment doit être repensée, ce qui place le secteur face à un défi à la fois culturel et systémique. L’éco-conception, le réemploi, la préfabrication ou encore l’industrialisation jouent un rôle moteur dans cette transition.

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Paul Schosseler

Responsable de la cellule construction durable au ministère de l’Économie

« Pour réduire l’impact environnemental de la construction, connaître la composition des matériaux et la manière dont ils sont mis en œuvre est primordial. Pour y parvenir, les outils digitaux sont incontournables, mais les approches diffèrent en fonction des bâtiments.

Pour le bâti existant, le ministère de l’Environnement a introduit un inventaire de matériaux de déconstruction pour identifier les éléments réutilisables. Malheureusement, les possibilités de réemploi ne sont pas encore suffisamment explorées aujourd’hui et nous avons surtout recours au recyclage. Pour l’atteindre un taux de réutilisation significatif, il faudra mettre en place des plateformes physiques et digitales regroupant les matériaux et toutes les données qui y sont liées, mais aussi montrer l’exemple à travers les marchés publics.

Pour les nouvelles constructions, les maquettes numériques permettent d’établir directement cet inventaire. Elles recensent aussi bien les quantités que la qualité des matériaux, car il est essentiel de ne pas réintroduire de polluants chimiques dans les nouveaux bâtiments.

La clé pour une construction circulaire est de consommer moins de matériaux, de meilleure qualité, et de concevoir des bâtiments pensés pour la l’adaptation et la déconstruction. La préfabrication et l’industrialisation des procédés sont des solutions pour maîtriser la qualité et les coûts ».


Ralf Köhler

Business Relationship Manager, Luxembourg Wood Cluster

« L’innovation dans les technologies et matériaux de construction est essentielle pour répondre aux exigences croissantes de durabilité et de résilience climatique. La construction biosourcée constitue une voie prometteuse vers la décarbonation, la circularité et un habitat plus sain. Les priorités d’innovation incluent l’optimisation des matériaux biosourcés, le développement des outils d’analyse du cycle de vie et le fait d’encourager les méthodes de construction modulaires et à faible émission carbone.

Ces avancées ouvrent de nombreuses opportunités, tant pour réduire l’empreinte environnementale que pour développer de nouveaux marchés, emplois et compétences dans l’économie verte. Un soutien renforcé est indispensable pour accélérer cette transition.

Les programmes nationaux de R&D du Luxembourg jouent un rôle clé dans cette dynamique. En finançant des projets innovants, ils favorisent les synergies entre recherche et industrie. Luxinnovation, en collaboration avec Neobuild, soutient activement cet écosystème en connectant les acteurs, en accompagnant les projets pilotes et en facilitant le transfert de connaissances entre secteurs ».


Jérôme Dierickx

Directeur de TerraMatters GIE

« L’économie circulaire vise à réduire le gaspillage des ressources en prolongeant la durée de vie des produits. Elle s’appuie sur plusieurs modèles de valorisation : réutilisation, recyclage, reconditionnement, remanufacturing. Mais ces modèles impliquent une transformation profonde des systèmes. Le béton, par exemple, pourrait être recyclé, mais les infrastructures nécessaires sont inexistantes ou insuffisantes dans certains pays, comme au Luxembourg.

Au-delà des limites techniques, le vrai défi reste le manque de données fiables, standardisées et partagées sur les produits. Sans ces informations, il devient quasi impossible d’envisager une revalorisation efficace ou une éco-conception en amont.

Le PCDS (Product Circularity Data Sheet), norme ISO 59040, comble ce vide. Il structure les données circulaires d’un produit, renforce la transparence entre acteurs et devient un outil clé pour favoriser la réutilisation, le recyclage et guider les entreprises vers des produits plus durables ».


Alain Mestat

Associé directeur Luxinvest Capital Advisors SA

« Face aux ambitions croissantes du Luxembourg en matière de durabilité, le secteur de la construction doit aujourd’hui repenser en profondeur ses pratiques et ses choix de matériaux.

Réduire l’empreinte carbone de l’environnement bâti ne peut se faire sans une véritable transformation des solutions utilisées. Il est désormais essentiel d’adopter des matériaux innovants, capables d’allier performance technique, durabilité et responsabilité environnementale. De nombreuses alternatives émergent, répondant à ces enjeux sans compromis sur la qualité.

À travers son engagement, Luxinvest Capital Advisors, cabinet de conseil luxembourgeois souhaite soutenir cette transition indispensable, en favorisant l’implantation de technologies de rupture sur le territoire. L’innovation matérielle n’est plus une option, mais une condition pour construire un avenir résilient, en phase avec les objectifs climatiques du pays et les attentes d’une société toujours plus consciente de son impact ».


Pedro Martins

Fondateur et dirigeant d’Action Wear

« Côté recyclage, nous avons pris l’initiative de mettre un conteneur de récupération des articles usagés devant notre magasin (pour les clients de passage uniquement) et l’éco-conception est au cœur de notre démarche. Nous cherchons en permanence à intégrer dans notre gamme des produits qui contiennent des matériaux certifiés, recyclés, équitables et durables. Nous sommes désormais sous-licenciés Fairtrade et proposons des vêtements en coton 100 % équitable, issu d’usines certifiées qui garantissent la traçabilité de toute la chaîne ».

Propos recueillis par Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Approches sur le cycle de vie des bâtiments et leviers de décarbonation
Approches sur le cycle de vie des bâtiments et leviers de décarbonation

L’empreinte carbone du cycle de vie d’un bâtiment correspond à la quantité totale de gaz à effet de serre (GES) émise tout au long de la vie du bâtiment, depuis sa construction jusqu’à sa démolition.

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Elle comprend premièrement une phase de construction - extraction des matériaux, fabrication, transport, mise en œuvre, deuxièmement une phase d’exploitation correspondant à l’utilisation du bâtiment (consommations d’énergie), sa maintenance et le remplacement de certains matériaux et troisièmement, une phase de fin de vie comprenant la démolition/le démantèlement, le gestion des déchets, le recyclage ou la mise en décharge.

Figure 1 : représentation du cycle de vie d'un bâtiment (source : www.carbonfootprint.eu)
Figure 1 : représentation du cycle de vie d’un bâtiment (source : www.carbonfootprint.eu)

Elle est généralement évaluée sur une période de 50 ans et s’exprime en équivalent CO₂ (kg ou tonnes CO₂e), et permet d’évaluer l’impact environnemental global du bâtiment. L’approche sur le cycle de vie des bâtiments met en évidence les émissions dites incorporées, liées aux matériaux de construction. Ces émissions représentent la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre d’un bâtiment sur son cycle de vie.

Pourquoi l’approche sur le cycle de vie ? La part des matériaux dans les émissions sur le cycle de vie

Au cours des vingt dernières années, des avancées significatives ont été réalisées en matière de réduction de la consommation énergétique des bâtiments, en particulier dans le secteur du neuf. Cette dynamique a été largement impulsée par la directive européenne 2002/91/CE sur la performance énergétique des bâtiments, puis renforcée par les directives 2010/31/UE et 2018/844. Leur transposition dans les législations nationales a progressivement imposé des exigences plus strictes en matière de performance thermique, de récupération de chaleur, d’efficacité des systèmes techniques et d’intégration des énergies renouvelables. Ces évolutions réglementaires ont permis une réduction substantielle des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre associées aux usages opérationnels des bâtiments (chauffage, climatisation, ventilation, éclairage, production d’eau chaude sanitaire).

Figure 2 : empreinte carbone par catégorie d'éléments de construction
Figure 2 : empreinte carbone par catégorie d’éléments de construction

En revanche, en l’absence de cadre réglementaire contraignant, les émissions liées aux matériaux de construction sont restées globalement stables sur la même période ; or, ces émissions incorporées représentent aujourd’hui entre un tiers et deux tiers du total des émissions d’un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie. Ce levier reste largement sous-exploité dans les projets standards, bien qu’il constitue l’un des gisements de réduction de l’empreinte carbone les plus importants et les plus accessibles à court terme.

Les émissions incorporées dans un bâtiment peuvent être classées en grandes catégories, correspondant aux différents éléments de construction et équipements techniques. En première position d’un bâtiment construit traditionnellement, c’est le gros-œuvre qui représente la part la plus significative des émissions, variant entre 25 et 50 % selon la proportion de volume bâti en sous-sol par rapport à celui hors-sol. Ensuite les équipements techniques comprenant des matériaux à forte intensité carbone comme le cuivre, l’acier ou l’aluminium présents dans les réseaux (tuyaux, gaines, chemins de câble, etc.), qui représentent le second poste d’émissions le plus important. En troisième position, les parachèvements intérieurs qui, en raison de leur renouvellement plus fréquent - par exemple tous les 10 ans pour les moquettes, génèrent également une part importante des émissions. Enfin les façades occupant la quatrième place, avec des éléments tels que les menuiseries, les protections solaires ou les bardages. Aucune « catégorie » ne peut donc être négligée dans la recherche d’une réduction de l’empreinte carbone des bâtiments.

Figure 3 : empreinte carbone des bâtiments selon le mode de construction (source : Energie et Environnement SA)
Figure 3 : empreinte carbone des bâtiments selon le mode de construction (source : Energie et Environnement SA)

Empreinte « carbone incorporé » pour différents types de bâtiments

Les émissions incorporées dans les matériaux de construction varient en fonction du type de construction (traditionnelle en béton, en bois, mixte) et du volume bâti en sous-sol. Elles sont également influencées, dans une moindre mesure, par l’affectation du bâtiment. La figure 3 présente les émissions incorporées de différents types de bâtiments, exprimées en kg de CO2 par m2 de surface utile, sur un cycle de vie de 50 ans. Parmi les tendances identifiables, il ressort notamment que les bâtiments à structure en matériaux biosourcés présentent des émissions incorporées inférieures à celles des bâtiments à structure traditionnelle ; qui plus est, l’impact négatif corrélé à la présence de sous-sols est également clairement visible.

Figure 4 : influence du ratio vitré sur l'empreinte carbone des bâtiments (source : Energie et Environnement SA)
Figure 4 : influence du ratio vitré sur l’empreinte carbone des bâtiments (source : Energie et Environnement SA)

Réduction des émissions incorporées, l’impact de la conception architecturale

Lors de la planification d’un bâtiment, la réduction de son empreinte carbone repose sur deux approches complémentaires : la conception bas carbone et la réduction de l’intensité carbone des matériaux. La première, qui permet la réduction la plus significative, doit être initiée le plus tôt possible dans le processus de conception. La conception bas carbone repose sur une approche rationnelle, choisissant les matériaux les plus adaptés à chaque fonction et exploitant leurs caractéristiques propres : le choix du bon matériau au bon endroit. Les matériaux à forte intensité carbone, tels que le béton ou l’acier, trouvent également leur place dans cette conception, car ils possèdent des propriétés intrinsèques, comme la résistance mécanique et la sécurité incendie, difficilement atteignables par des matériaux biosourcés. Cette démarche peut notamment être appliquée à la conception des façades. Celles-ci se composent d’éléments transparents, souvent dotés de protections solaires, faits de matériaux comme le verre et l’aluminium, qui sont relativement intenses en carbone. À côté, les éléments opaques peuvent varier considérablement en termes de composition et d’intensité carbone.

La figure 4 illustre le fait que les émissions incorporées d’un bâtiment augmentent de manière linéaire avec le ratio vitré. La pente de cette relation entre empreinte carbone et ratio vitré est d’autant plus prononcée que l’intensité carbone des éléments opaques est faible. En ce qui concerne les matériaux, un parallèle avec les principes d’une alimentation saine peut être établi : un matériau à faible intensité carbone est souvent local, naturel et peu transformé.

Figure 5 : leviers de décarbonation (source : www.carbonfootprint.eu)
Figure 5 : leviers de décarbonation (source : www.carbonfootprint.eu)

Les leviers de décarbonation et leur impact

Les leviers de décarbonation peuvent être abordés suivant trois approches : améliorer, substituer et repenser. La première approche consiste à utiliser les méthodes traditionnelles en les améliorant, la deuxième repose sur le remplacement des moyens traditionnels par des moyens innovants et la troisième suppose un changement fondamental de vision.

Par exemple, l’usage d’un béton « bas carbone » entre dans la première catégorie, le remplacement du béton par du bois dans la deuxième, quand un levier de la troisième catégorie consisterait plutôt à réfléchir à la nécessité de construire ou non un nouveau bâtiment et à chercher une solution alternative. Les leviers de décarbonation peuvent ainsi être classés suivant leur niveau d’impact sur le processus de planification et de construction, ainsi que par rapport à leur potentiel de réduction.

Les mesures comme la réduction des impacts en chantier ou celles concernant des matériaux présents en moindre quantité dans le bâtiment sont généralement simples à mettre en œuvre et ont un impact limité mais sensible sur le bilan (gestes simples). Le choix de matériaux traditionnels moins carbonés permet de réduire facilement l’empreinte carbone du bâtiment sans impacter le reste du processus. Le choix d’un mode de construction en bois ou d’une architecture adaptée à la conception bas carbone entrainent des réductions plus importantes mais doivent être prises en compte dès le début (valeurs sûres). La rénovation, la réduction des places de stationnement ou l’adaptation de la programmation sont quant à elles des mesures fortes qui seront à envisager dans le cadre d’une réduction drastique des émissions (innovations majeures). Enfin, les solutions émergentes sont les mesures à moindre impact qui reposent sur des choix plus engagés de la part des concepteurs et occupants.

Textes et illustrations : Julien L’Hoest, administrateur chez Energie et Environnement
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Réemploi et technologies : vers une construction circulaire et performante
Réemploi et technologies : vers une construction circulaire et performante

Parmi les leviers majeurs de la décarbonation du secteur du bâtiment, le réemploi des matériaux se distingue par son potentiel immédiat et concret. Longtemps considéré comme une pratique artisanale ou expérimentale, le réemploi entre désormais dans une nouvelle ère.

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Une ère portée entre autres par des avancées technologiques qui permettent de répondre aux exigences de massification, de qualité et de compétitivité. Un changement de paradigme est en marche : il s’appuie sur l’alliance entre expertise technique et innovations numériques.

Réemploi : d’une logique expérimentale à une ambition industrielle

Au Luxembourg, le recours à des matériaux de seconde vie reste encore limité à quelques projets pilotes. Mais les exemples inspirants ne manquent pas dans les pays voisins. La filière s’organise, se professionnalise, et surtout, s’industrialise. Quelques exemples :

  • En France, Resya a développé une machine mobile pour le nettoyage et la remise en état de briques, facilitant leur réintégration rapide dans de nouveaux projets tout en réduisant l’empreinte carbone en amont.
  • En Suisse, l’EPFL a développé un processus de réemploi de dalles et voiles en béton armé à travers des projets pilotes. Une mise en pratique du réemploi du béton sur une échelle plus grande pourrait prochainement voir le jour au Luxembourg.
  • Au Royaume-Uni, le réemploi de profilés métalliques est désormais une pratique courante, soutenue par une logistique et une traçabilité structurée, vu l’existence d’un cadre normative européen concernant le réemploi d’acier structurel.
  • En Belgique, la plupart des matériaux de second œuvre de réemploi sont désormais disponibles en seconde main, avec des quantités suffisantes pour imposer des clauses concernant le réemploi dans plusieurs marchés publics.

Le Luxembourg, bien que moins avancé, n’est pas en reste. L’imposition concernant l’inventaire des matériaux, s’il est mené dans le but de les proposer au réemploi permet une démarche circulaire et constitue donc une avancée notable. Ces inventaires, assortis d’informations techniques précises, facilitent la mise en marché et l’usage de ces matériaux dans des projets neufs ou en réhabilitation. Il n’existe cependant pas encore d’incitant vers ces inventaires orientés réemploi.

Réhabiliter plutôt que reconstruire : priorité à la sobriété structurelle

L’un des gestes les plus efficaces pour limiter l’impact environnemental d’un projet reste la réhabilitation, dès lors qu’elle permet de conserver les éléments de gros œuvre. Ce principe, bien intégré par les gestionnaires d’infrastructures (ponts, tunnels, viaducs), s’appuie sur des campagnes de monitoring structurel pour guider les décisions.

Ces campagnes, fondées sur l’observation dans le temps, s’enrichissent de technologies innovantes :

  • suivi de la corrosion des aciers ou des déformations différées des bétons,
  • mesures à distance par lidar,
  • suivi en temps réel à l’aide de capteurs connectés haute précision.

La montée en puissance de ces dispositifs permet des diagnostics structurels précis, conditionnant des choix de réhabilitation fiables, durables et moins émissifs en carbone. Les premiers projets de réhabilitation de bâtiments fondés sur ce type d’observations sont en cours au Luxembourg, préfigurant une évolution majeure des pratiques.

L’intelligence artificielle : nouveau levier pour la filière du réemploi

Si les outils numériques optimisent déjà la conception et la gestion de chantier, l’intelligence artificielle (IA) ouvre également de nouvelles perspectives pour les filières de réemploi.

Des start-ups comme par exemple SwissInspect proposent désormais :

  • des diagnostics automatisés de pathologies structurelles (fissures, éclats, affaissements) à l’aide de drones couplés à de l’analyse d’image,
  • des outils de reconnaissance de matériaux et d’évaluation de leur potentiel de réutilisation,
  • des plateformes d’aide à la décision pour les inspecteurs, grâce au traitement automatisé de données complexes.

Ces outils rendent plus efficace l’identification, la caractérisation et la traçabilité des matériaux récupérables, en particulier sur des sites étendus ou en environnement contraint. Ce croisement entre low-tech (matériau réemployé) et high-tech (analyse IA, capteurs, drones) ouvre la voie à un changement d’échelle nécessaire.

La transition vers une économie circulaire dans la construction ne pourra réussir sans une transformation de nos outils, de nos processus, et de nos mentalités. L’intégration des technologies dans les pratiques de réemploi, mais aussi dans les stratégies de réhabilitation, offre une voie concrète pour atteindre les objectifs de neutralité carbone tout en garantissant performance technique, traçabilité et fiabilité.

L’avenir du secteur se dessine à l’intersection du pragmatisme constructif et de l’innovation. Le réemploi, allié à l’intelligence technologique, devient alors un vecteur de progrès, autant pour l’environnement que pour la compétitivité de la filière.

Patrick de Cartier d’Yves, Senior Project Engineer chez SECO
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

4 femmes – 4 matériaux
4 femmes – 4 matériaux

Elles sont ingénieures chez Schroeder & Associés, passionnées par la matière, et chacune a son matériau de cœur.

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Interview de Anna Gidt, Lynn Lecorsais, Alina Gritcenko et Faiza Benyahia, ingénieures chez Schroeder & Associés

Anna Gidt travaille l’argile, un matériau ancien qu’elle aborde avec une précision presque artisanale. Lynn Lecorsais, associée, voit dans le bois une ressource vivante, durable, qu’elle connaît dans ses moindres détails. Alina Gritcenko, formée entre la Russie, les Pays-Bas et le Luxembourg, explore les structures en béton avec un regard international, curieuse de tout ce que la matière peut raconter. Faiza Benyahia, spécialisée en acier, a pris bon exemple sur Gustave Eiffel entre autres et essaie de pousser les limites de l’acier.

Quatre femmes, quatre parcours, quatre approches de l’ingénierie – unies par une même exigence et un lien avec leur matière de prédilection.

Quel a été le déclic pour travailler avec votre matériau (argile, bois, béton, acier) en particulier ?

Anna Gidt : Ce qui m’a attirée vers l’argile, c’est sa simplicité et son authenticité. Le déclic a eu lieu lors de projets personnels : d’abord la maison unifamiliale de ma sœur, puis la rénovation de mon propre logement. Dans les deux cas, j’ai choisi l’argile, ce matériau naturel aux origines millénaires. Même si son utilisation reste marginale dans le bâtiment, je suis persuadée que son rôle va grandir.

Lynn Lecorsais : Le bois m’a toujours fascinée, tant pour ses qualités techniques qu’écologiques et esthétiques. Sa polyvalence en fait un matériau très libre d’emploi, ce qui en fait un allié précieux dans de nombreux projets de construction.

Alina Gritcenko : Ce choix s’est imposé naturellement à travers ma profession. Dans le cadre de mes activités au sein du service Bâtiments - Ouvrages d’Art, je travaille notamment sur des ponts, qui, au Luxembourg, sont souvent conçus en structures mixtes. Cela signifie que l’on utilise à la fois le métal – les poutres en acier – et le béton sous forme de dalles en béton armé, liées par des dispositifs de connexion.

Faiza Benyahia : Ce qui m’a poussée vers l’acier, c’est avant tout l’enthousiasme communicatif de mon professeur, spécialiste de ce matériau. Dans le hall de mon école à Clermont Ferrand en France, une série de maquettes et de posters de viaducs, de bâtiments et d’autres structures en acier m’ont réellement interpellée et donné envie d’en apprendre davantage sur ce métal. Grâce à la diversité de ses nuances, l’acier offre un éventail presque infini de possibilités en matière de construction.

Comment votre perception du matériau a-t-elle évolué avec le temps ?

Anna Gidt : Ma vision de l’argile a vraiment changé, surtout grâce à un projet marquant : la crèche de Roodt-sur-Syre. Ce chantier m’a permis de mesurer tout le potentiel de ce matériau. Il oblige à redécouvrir et adapter des savoir-faire anciens, mais une fois ces techniques apprivoisées, on se rend compte qu’il est très agréable à manipuler, autant pour les concepteurs que pour les ouvriers.

Lynn Lecorsais : Le bois était longtemps vu comme un matériau rustique, réservé aux chalets ou aux toitures. Aujourd’hui, grâce aux avancées technologiques, il s’impose dans des projets bien plus ambitieux : immeubles, écoles, bâtiments publics, passerelles… L’esthétique combinée à la durabilité fait du bois une matière désormais incontournable.

Alina Gritcenko : Au début de ma carrière, je voyais les ouvrages comme de simples volumes à dimensionner. Avec le temps, ma perception a évolué : je m’intéresse désormais à la forme des structures et à la manière dont le matériau peut s’y adapter et l’épouser. C’est cette logique d’optimisation qui guide désormais mon travail.

Faiza Benyahia : Le fer est le métal le plus abondant sur Terre, et l’acier, un alliage principalement composé de fer et de carbone. Très tôt, l’industrie sidérurgique a intégré le recyclage à son processus de production grâce à une filière dédiée : les déchets métalliques y sont récupérés, recyclés, puis transformés en produits réutilisables à l’infini. Au cours des vingt dernières années, cette filière a connu de profondes transformations, portées par la montée des préoccupations environnementales. Aujourd’hui, l’acier se réinvente : sa production privilégie l’électricité verte, sa réutilisation est facilitée par la déconstruction, et sa composition chimique a été optimisée pour en améliorer la résistance et les performances.

Comment abordez-vous la question de la durabilité et du recyclage du matériel ?

Anna Gidt : L’argile est un matériau naturellement durable : elle sèche à l’air, sans besoin d’additifs chimiques, et peut être réutilisée simplement en la réhydratant. Pour les cloisons non porteuses, les blocs d’argile sont idéaux – si le poids le permet. Et ceci aussi en cas de déconstruction. Et si elle provient de sources locales, son impact environnemental est encore réduit.

Lynn Lecorsais : Avec la montée des préoccupations environnementales, le bois est désormais considéré comme un matériau d’avenir. Il s’inscrit pleinement dans une logique d’économie circulaire : on peut le démonter, le réemployer, le revaloriser facilement.

Alina Gritcenko : Les structures mixtes (béton-acier) ont l’avantage de la longévité : les ponts sont conçus pour une durée de cent ans, ce qui amortit son impact environnemental. Grâce à des optimisations de conception, on en réduit l’empreinte carbone.

Faiza Benyahia : L’acier s’impose comme un matériau durable, permettant de prolonger la vie d’un bâtiment grâce à sa grande adaptabilité. Il facilite la réalisation de renforts, d’extensions ou de surélévations, souvent sans affecter les fondations existantes. Il permet également des transformations structurelles majeures, telles que la suppression de colonnes, rendue possible par l’utilisation de poutrelles métalliques à haute résistance. Par ailleurs, dans une logique d’économie circulaire, nous encourageons systématiquement nos clients à privilégier l’acier issu de filières de recyclage. Nous les incitons également à recourir aux énergies renouvelables durant la phase de construction, afin de réduire au maximum l’impact environnemental du matériau.

Comment travaillez-vous l’innovation dans un matériau souvent jugé « traditionnel » ?

Anna Gidt : Nous explorons de nouvelles façons d’utiliser l’argile : enduits, blocs, mais surtout à partir de déblais de chantier réemployés localement. Cela permet une valorisation immédiate de ressources disponibles. Certes, elle a ses limites – elle ne convient pas pour des structures porteuses dans le sens limité – mais elle s’associe très bien à d’autres matériaux comme le bois ou le béton.

Lynn Lecorsais : Comme mentionné précédemment, le bois s’est énormément modernisé. Aujourd’hui, grâce aux innovations techniques, il n’est plus limité à des usages traditionnels. Des concepts acoustiques innovatifs de même que les développements dans les études de comportement au feu du bois permettent des constructions ambitieuses, performantes et durables, tout en conservant ses qualités esthétiques.

Alina Gritcenko : L’innovation, dans mon domaine, se traduit surtout par l’évolution des outils de calcul et de modélisation. Le matériau composite acier-béton est un matériau éprouvé, mais les méthodes pour l’optimiser progressent sans cesse. On peut ainsi cibler son utilisation avec plus de précision et de pertinence.

Faiza Benyahia : Ces trente dernières années, l’innovation dans le domaine de l’acier s’est concentrée notamment sur l’amélioration de sa résistance et l’augmentation de ses performances mécaniques, un domaine dans lequel le Centre de Recherche et Développement d’ArcelorMittal à Esch-sur-Alzette — où j’ai eu l’opportunité de faire un stage durant mes études — a joué un rôle majeur. Par ailleurs, la résistance au feu a également connu des avancées significatives, rendues possibles grâce à de nouvelles méthodes de calcul plus poussées, permettant une optimisation toujours plus fine de ce matériau.

Quels sont les avantages de ce matériau en ingénierie ?

Anna Gidt : L’argile possède des qualités remarquables : elle régule naturellement humidité, ce qui garantit un excellent confort intérieur. Elle stocke l’humidité, est incombustible, et n’émet aucun composé nocif. Sur notre projet à Roodt-sur-Syre, elle a été appliquée comme cloisons non porteurs en maçonnerie et comme enduit sur des murs en bois avec chauffage de surface intégré : le résultat est un confort thermique doux en hiver, et une agréable fraîcheur en été.

Lynn Lecorsais : Le bois offre de nombreux avantages. En tant que ressource renouvelable, il a la capacité de stocker le CO₂, ce qui en fait un matériau particulièrement respectueux de l’environnement. Sa légèreté et sa modularité le rendent très performant sur le plan technique, tout en facilitant sa mise en œuvre. Préfabriqué, il permet un montage rapide et propre sur les chantiers. Enfin, son aspect esthétique contribue à créer des ambiances chaleureuses, naturelles et apaisantes, ce qui renforce son attrait dans l’architecture contemporaine.

Alina Gritcenko : Les structures mixtes sont plus légères et plus efficaces que celles faites uniquement d’un seul matériau, ce qui permet de réduire le poids total et d’augmenter l’efficacité de l’ouvrage. Grâce aux dalles préfabriquées, la rapidité d’exécution est accrue. On peut même construire un pont sans interrompre sur une longue durée le trafic ferroviaire – une approche que nous appliquons souvent au Luxembourg.

Faiza Benyahia : L’acier présente de nombreux atouts en ingénierie. Sa légèreté permet de concevoir des structures de grande portée tout en supportant des charges importantes, ce qui en fait un matériau idéal pour des projets ambitieux comme les ouvrages d’art, les complexes sportifs ou les piscines. À cela s’ajoute une excellente résistance, qui renforce encore sa pertinence dans des constructions exigeantes.

Avez-vous un projet marquant où ce matériau a été utilisé ?

Anna Gidt : Absolument : la crèche de Roodt-sur-Syre. C’est un projet emblématique où bois et argile se complètent parfaitement. L’argile provient des déblais de chantiers locaux, elle n’est pas cuite, ce qui permet une construction réversible et durable. C’est un très bel exemple d’économie circulaire appliquée au bâtiment.

Lynn Lecorsais : Plusieurs projets me viennent à l’esprit, démontrant que l’utilisation du bois dans la construction des écoles et structures d’accueil se prête particulièrement, permettant de créer un cadre durable, naturel et sain pour les enfants. La nouvelle école à Steinsel, celle à Wobrécken ou encore l’école de Mertzig sont des projets où le bois a été valorisé sous toutes ses formes, dans une logique de durabilité.

Alina Gritcenko : Oui, je pense au pôle d’échange Midfield à Howald, un pont d’une soixantaine de mètres qui surplombe les voies ferrées et relie plusieurs modes de transport. Grâce à l’emploi de dalles préfabriquées et de l’acier corten, nous gagnons en efficacité, en rapidité et en durabilité, tout en limitant les perturbations du trafic.

Faiza Benyahia : L’un des projets qui m’a le plus marquée est sans aucun doute l’arène sportive réalisée en 2012 pour la King Saud University en Arabie Saoudite. C’était une expérience très enrichissante, tant sur le plan technique qu’humain. Cette arène, avec une portée impressionnante de 150 mètres, ne pouvait être réalisée qu’en acier. Le matériau a été produit au Luxembourg avant d’être acheminé jusqu’en Arabie Saoudite pour le chantier. Cela montre également la flexibilité du matériau aussi bien dans la conception que dans la logistique.

Article paru dans Neomag #71 - juin 2025
Photo couverture : Faiza Benyahia, Anna Gidt, Alina Gritcenko et Lynn Lecorsais (de g. à d.)

Vers une filière structurée du béton recyclé au Luxembourg
Vers une filière structurée du béton recyclé au Luxembourg

Face aux défis environnementaux et à la nécessité de préserver les ressources naturelles, le secteur de la construction au Luxembourg adopte de plus en plus des pratiques durables. Dans cette perspective, prolonger la durée de vie des bâtiments grâce à la rénovation et à la réutilisation des matériaux apparaît comme une priorité.

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En complément, le développement du béton recyclé contribue à réduire la dépendance aux granulats naturels et à structurer une filière circulaire plus efficiente.

Une étude, commanditée par le ministère de l’Économie et le ministère de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité et financée à travers le Fonds Climat Énergie, a permis d’évaluer le potentiel de la filière du béton recyclé, en identifiant à la fois ses opportunités et les défis à relever pour son développement. Luxinnovation GIE a assuré la consultation des parties prenantes et la préparation du dossier d’appel d’offres, tandis que l’étude a été menée par Schroeder & Associés en collaboration avec l’Université du Luxembourg. Sa supervision a été assurée par un comité de pilotage rassemblant des experts du ministère de l’Économie, du ministère de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité, de l’Administration des bâtiments publics, de l’Administration de l’environnement, ainsi que des représentants de Luxinnovation et de Neobuild GIE. De nombreux acteurs de la filière, notamment des producteurs de béton et de ciment, des entreprises de déconstruction et des gestionnaires de plateformes de recyclage, ont également contribué à cette étude à travers des entretiens et des analyses de terrain.

Un contexte propice mais des ressources limitées

Actuellement, une grande partie des granulats issus de la déconstruction est réutilisée dans une approche de downcycling (fait de réutiliser ces matériaux dans des applications de moindre qualité ou performance que leur usage d’origine), notamment pour la réalisation de remblais routiers et de sous-couches. Bien que cette approche permette de valoriser une partie des déchets de construction et de déconstruction, elle reste insuffisante au regard des objectifs de l’économie circulaire. Elle permet toutefois de substituer, au moins partiellement, l’usage de granulats primaires qui auraient autrement nécessité une extraction ou une importation pour la construction routière. En effet, cette utilisation à faible valeur ajoutée limite l’autonomie du Luxembourg en matériaux de construction et engendre un impact environnemental conséquent, lié à la forte dépendance aux granulats primaires importés.

L’étude souligne que les déchets de construction et de déconstruction constituent une ressource sous-exploitée. Malgré un volume significatif, avec un gisement estimé de béton recyclable situé entre 252 000 et 300 000 tonnes par an (hors quantités non déclarées ou recyclées directement sur site), l’intégration de ces matériaux dans la production de béton recyclé reste aujourd’hui très marginale.

L’étude souligne que le taux de valorisation (produits résiduels construction/déconstruction), fixé à 70 % en 2020 par la réglementation nationale et européenne (en poids de déchets non contaminés), ne reflète pas pleinement la réalité du secteur luxembourgeois. Bien que ces éléments soient souvent réutilisés dans des applications sous-valorisées comme les remblais et les sous-couches routières, le taux de recyclage global atteint environ 90 % (hors terres d’excavation) selon l’Administration de l’environnement. Ce pourcentage regroupe les déchets de construction et de déconstruction, incluant les matériaux minéraux, les déchets métalliques, le verre, les plastiques et le bois en comprenant les opérations de remblayage utilisant des déchets en substitution à d’autres matériaux.

L’enjeu est donc de favoriser le « recyclage plus noble » en intégrant ces matériaux dans la fabrication de béton (structurel ou non, préfabriqué ou non), afin de maximiser leur valeur ajoutée et de réduire l’extraction de granulats primaires.

Pour y parvenir, il est nécessaire de renforcer la traçabilité des matériaux, d’adapter le cadre réglementaire pour favoriser l’usage de granulats recyclés et de développer des incitations économiques encourageant les acteurs de la construction à adopter ces solutions. Seule une approche globale associant réglementation, infrastructures et accompagnement des professionnels permettra de lever les freins liés au sourcing et d’accélérer la transition vers une filière du béton recyclé performante au Luxembourg.

Bases légales et normatives : des avancées nécessaires

Le cadre réglementaire européen, notamment la directive-cadre sur les déchets et la taxonomie verte, encourage une transition vers une économie circulaire.

La norme FprEN1992-1-1 n’étant pas encore en vigueur, la référence actuelle au Luxembourg reste le document national d’application, dénommé ILNAS EN206:2013+A2:2021/prDNA-LU:2022, qui représente le complément national à la norme européenne EN206 pour dans le domaine du le béton. Y sont distingués trois types de granulats récupérés : lavés, concassés et grossiers recyclés. Seuls les granulats grossiers (≥ 4 mm) sont pris en compte, sans recommandation pour les sables recyclés. Selon la classe d’exposition, jusqu’à 30 % des granulats peuvent être remplacés par des granulats recyclés de type A (origine connue). Les granulats de type B sont limités aux classes X0 à X2 et aux bétons jusqu’à classe de résistance C30/37.

L’étude souligne également l’importance d’un contrôle qualité rigoureux des granulats recyclés pour garantir des performances équivalentes au béton traditionnel. L’enjeu est d’établir des standards précis adaptés aux besoins nationaux, tout en harmonisant les pratiques avec les réglementations européennes.

Un gisement exploitable mais sous-évalué

L’évaluation du gisement de béton recyclable repose sur des analyses géospatiales et des projections démographiques. L’étude estime que les bâtiments en fin de vie au Luxembourg pourraient générer plusieurs centaines de milliers de tonnes de béton recyclé chaque année, offrant une opportunité significative pour le secteur.

Cependant, l’absence de cartographie détaillée de ces stocks de béton et des flux de démolition freine une planification efficace. Une meilleure identification des sources potentielles de granulats recyclés permettrait d’optimiser la gestion des matériaux et d’anticiper leur intégration dans la chaîne de valeur.

Les acteurs de la filière et leur rôle clé

La mise en place d’une filière du béton recyclé implique une coordination entre plusieurs acteurs :

  • producteurs de béton et cimentiers : ils doivent adapter leurs procédés pour intégrer une part croissante de granulats recyclés tout en assurant la conformité aux normes de résistance et de durabilité ;
  • entreprises de déconstruction et gestionnaires de plateformes de recyclage : un tri plus poussé et efficient des matériaux dès la déconstruction est essentiel pour garantir une qualité optimale des granulats ;
  • administrations et maîtres d’ouvrage : le secteur public peut jouer un rôle moteur en intégrant des critères de circularité dans les marchés publics et en favorisant l’utilisation de béton recyclé dans les infrastructures.

L’étude propose également de développer un réseau de plateformes locales de recyclage, afin de limiter les coûts et l’impact du transport des matériaux.

Freins et leviers pour une filière durable

Malgré un contexte favorable, plusieurs freins entravent encore le développement du béton recyclé :

  • coût et compétitivité : l’impact économique du béton recyclé sur le long terme reste à ce jour incertain. En Suisse, son coût de production est similaire à celui du béton traditionnel, mais les disparités économiques entre 2 pays limitent la pertinence d’une comparaison généralisée.
  • manque de confiance des acteurs : certains professionnels restent sceptiques quant aux performances du béton recyclé, notamment pour des applications structurelles notamment vis-à-vis de la qualité et de la durabilité des granulats recyclés, limitant leur acceptation sur les chantiers ;
  • l’absence de filière organisée et structurée pour la récupération et le traitement des granulats recyclés, empêchant une mise à disposition régulière et en quantité suffisante des matériaux mais aussi un manque de coordination entre les parties prenantes freine le déploiement d’un modèle économique viable ;
  • un déficit d’infrastructures de tri et de transformation dédiées, rendant la séparation des fractions réutilisables plus complexe et coûteuse ;
  • un manque de visibilité sur les gisements disponibles, lié à l’absence d’une cartographie précise des matériaux issus des bâtiments en fin de vie.

Pour lever ces obstacles, l’étude recommande plusieurs actions stratégiques :

  • mettre en place une certification nationale garantissant la qualité du béton et des granulats recyclés en instaurant un cadre normatif clair ;
  • inciter financièrement les acteurs via des subventions éventuelles pour encourager l’utilisation de granulats recyclés ;
  • renforcer la sensibilisation et la formation des professionnels afin d’intégrer progressivement le béton recyclé dans les pratiques courantes ;
  • développer des marchés de débouchés en intégrant le béton recyclé dans les cahiers des charges des grands projets d’infrastructure.

Perspectives et prochaines étapes

L’étude conclut sur l’importance de développer une stratégie nationale baptisée « R-Béton Lux », visant à structurer une filière performante du béton recyclé. Cette initiative pourrait inclure la création d’un label qualité, l’optimisation des circuits de collecte et la mise en réseau des acteurs.

Enfin, dans le cadre du Green Deal européen, le Luxembourg a une opportunité unique d’être précurseur en matière d’économie circulaire appliquée au béton. Un engagement concerté des autorités, des industriels et des maîtres d’ouvrage permettra d’accélérer cette transition vers une construction plus durable et résiliente.

Schroeder & Associés : Elise Mathien, Fabio Proietti et Marc Feider, avec l’appui de l’équipe communication
University of Luxembourg, Department of Engineering : Prof. Dr.-Ing Markus Schäfer et Dr. Jeff Mangers
Neobuild GIE : Régis Bigot et Luc Meyer

Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Vers des infrastructures durables avec l'Earth Friendly Concrete
Vers des infrastructures durables avec l’Earth Friendly Concrete

Un nouveau matériau – Earth Friendly Concrete (EFC) – émerge comme une solution de rupture pour décarboner l’environnement bâti sans compromis sur la performance.

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Rencontre avec Alain Mestat, associé directeur Luxinvest Capital Advisors SA

Fort de plus de sept ans d’applications réussies et de solides références européennes, l’EFC est désormais prêt pour une production locale au Luxembourg, portée par l’élan de Luxinvest Capital Advisors.

Une révolution du béton : la technologie géopolymère à l’œuvre

Développé par l’entreprise australienne Wagners, l’EFC est un béton géopolymère qui substitue le ciment Portland traditionnel par des sous-produits industriels tels que les cendres volantes et le laitier de haut fourneau granulé et broyé (GGBFS). Cette innovation permet une réduction des émissions de CO₂ allant jusqu’à 70 % par rapport aux mélanges à base de ciment de type CEM I, faisant de l’EFC un matériau clé pour une construction durable et le développement d’infrastructures neutres en carbone.

Contrairement au béton conventionnel, qui contient de l’hydroxyde de calcium et est vulnérable aux attaques acides, l’EFC est exempt de calcium. Ce changement apparemment simple dans la chimie du liant améliore considérablement la résistance à une large gamme de défis chimiques et environnementaux.

La carbonatation du béton abaisse son pH, exposant les armatures à la corrosion. Au Luxembourg, la norme ILNAS-EN 206:2013+A2:2021 impose des exigences pour limiter ce risque (classes d’exposition XC1 à XC4). Grâce à sa composition sans hydroxyde de calcium, l’EFC améliore la résistance à la carbonatation et prolonge la durabilité des structures notamment pour les infrastructures critiques telles que les ponts, les stations d’épuration et les milieux marins, où la durabilité et la performance sur le cycle de vie sont essentielles.

« Supériorité » technique

L’Earth Friendly Concrete (EFC) surpasse le béton traditionnel sur des critères techniques majeurs : il offre une résistance à la flexion jusqu’à 30 % supérieure à celle d’un béton CEM II standard, limitant ainsi la fissuration et contribuant à une meilleure capacité. Avec un taux de retrait réduit à environ 350 µε, il minimise les mouvements internes et les risques de microfissures tout comme les caractéristiques de finition de surface.

Grâce à sa réaction géopolymère à faible chaleur d’hydratation, l’EFC limite l’élévation des températures internes lors de la prise, ce qui réduit significativement les gradients thermiques en particulier dans les coulées massives.

Grâce à sa matrice géopolymère spécifique, l’Earth Friendly Concrete (EFC) atteint 90 % de sa résistance à la compression en seulement 7 jours, contre 28 jours pour un béton conventionnel. Cette cinétique accélérée de développement de résistance permet de réduire significativement les délais de décoffrage et de mise en charge, optimisant ainsi les cadences de construction. Ce matériau peut être est une solution pour la réalisation de nombreuses applications : infrastructures, tunnels et ponts, sols industriels, stations d’épuration, ainsi que pour la préfabrication d’éléments tels que dalles, poutres et canalisations de VRD. Il constitue ainsi un levier concret pour soutenir une économie de la construction plus durable, résiliente et à faible impact environnemental.

Une expérience éprouvée en Europe

L’EFC a déjà été utilisé dans plus de 250 000 m2 d’infrastructures à travers le monde, avec des références solides en Allemagne et au Royaume-Uni, y compris dans des projets phares comme le métro de Londres. Ces réalisations témoignent de la maturité technique du matériau. Cette reconnaissance est consolidée par l’obtention de plusieurs certifications délivrées par l’Institut allemand de la technologie du bâtiment (DIBt), notamment l’approbation Z-3.15-2157 pour le liant géopolymère « Wagners EFC Binder » destiné à la fabrication du béton, et l’approbation Z-42.1-606 pour les tuyaux en béton géopolymère « next.beton » destinés aux réseaux d’évacuation des eaux usées. Par ailleurs, une demande d’approbation technique européenne a été soumise et est en cours d’évaluation, avec une décision attendue prochainement.

Le rôle de Luxinvest Capital Advisors

Luxinvest travaille étroitement avec EFC depuis plus de 12 mois pour poser les bases de ce déploiement. « Notre mission est de rassembler les acteurs clés – publics et privés – afin de concrétiser cette initiative au niveau local. Le Luxembourg dispose de l’ambition, de l’écosystème et des compétences nécessaires pour devenir un leader de la construction durable et un centre de production régional de référence », déclare Alain Mestat. Au-delà de la production, Luxinvest ambitionne également de créer un centre de compétence basé au Luxembourg, servant de pôle de formation, de recherche et d’innovation pour le béton géopolymère et les matériaux de construction durables dans la Grande Région.

Le Luxembourg est-il prêt pour production locale en vue ?

Une installation locale – nécessitant seulement 1.500 m2 et un investissement de moins de 3 millions d’euros – pourrait produire suffisamment pour satisfaire une demande annuelle de 300 000 m³.

L’initiative recherche activement des entreprises de production de béton, de ciment, de construction, promotion, planification d’infrastructures, des municipalités et autorités de marchés publics pour rejoindre le mouvement.

En collaborant, les partenaires ont l’opportunité de participer activement à la transition régionale vers des matériaux de construction de nouvelle génération, tout en tirant parti d’un avantage stratégique de premier entrant sur un marché en pleine évolution.

Conclusion

Alors que le Luxembourg renforce son engagement en faveur de l’économie circulaire et accélère sa transition vers une économie verte, l’Earth Friendly Concrete (EFC) représente une opportunité stratégique. Alliant avancées techniques, responsabilité environnementale et viabilité économique, cette technologie est prête à jouer un rôle clé dans l’évolution de la construction durable au Grand-Duché.

Propos recueillis par Luc Meyer, directeur de Neobuild GIE
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Le biochar, état des lieux et applications pour la construction
Le biochar, état des lieux et applications pour la construction

Le biochar, produit par pyrolyse de biomasse, est un résidu solide (ressemblant au charbon) d’origine végétale qui a le potentiel de transformer durablement certaines activités du secteur de la construction.

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Ce matériau, obtenu en pyrolysant (carbonisation en l’absence d’oxygène et sous des températures comprises entre 300 et 900°C) des déchets issus de la biomasse (déchets verts, agricoles, forestiers, boues d’épuration, etc.) se distingue par sa capacité à séquestrer et stocker du carbone de manière stable pendant des centaines, voire des milliers d’années. Cette caractéristique en fait un atout précieux dans la lutte contre le changement climatique, en contribuant à réduire l’empreinte carbone des matériaux de construction.

Du biochar dans nos routes

Dans le cadre du projet Interreg NWE CASCADE, le CDEC (Conseil pour le Développement Economique de la Construction) mène plusieurs projets pilotes innovants pour démontrer le potentiel du biochar dans le domaine de la construction. L’un d’entre eux se concentre sur l’intégration du biochar dans l’asphalte à destination de la réalisation de voiries, en collaboration avec deux partenaires : Karp Kneip et l’IFSB. Ce pilote vise à étudier les effets de l’incorporation du biochar sur les propriétés de l’asphalte, notamment en termes de résistance à l’usure, d’amélioration des propriétés mécaniques, mais également en termes de durabilité globale et de bilan carbone.

Du biochar dans nos éléments de construction en béton

L’autre projet mené par le CDEC se concentre sur l’utilisation du biochar dans le béton, en partenariat avec Contern SA et la LUGA. Nous le savons, le béton - majoritairement au travers de l’un de ses composants, le ciment - est un matériau globalement très carboné et très consommateur d’énergie(s) et, dès lors, l’introduction de biochar pourrait contribuer à améliorer son bilan environnemental. L’étude visée se concentre sur l’obtention de classes de résistance en adéquation avec les besoins du bâtiment.

Les résultats de ces deux pilotes serviront de base pour évaluer le potentiel du biochar à grande échelle dans l’écosystème de la construction luxembourgeoise, et pourraient inspirer des pratiques plus durables et innovantes pour un secteur en pleine transition vers la neutralité carbone.

Camille Hermans, Bioscience engineer, Sustainability Project Officer CDEC
Romain Guillaud, Innovation Project Manager CDEC

Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Innover avec la nature : Robin, le choix durable des professionnels exigeants
Innover avec la nature : Robin, le choix durable des professionnels exigeants

Au Luxembourg, Robin fait figure de pionnier. Seul fabricant national de peintures, l’entreprise s’impose aujourd’hui comme un acteur incontournable de la construction et de la rénovation durables. Son engagement ? Allier performance technique, responsabilité environnementale et esthétique.

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Une vision qui séduit un nombre croissant de professionnels exigeants en quête de solutions fiables et responsables.

Une vision élargie de la finition

Historiquement reconnue pour la qualité de ses peintures, Robin a su faire évoluer son offre pour répondre aux nouveaux défis de la construction. « Notre métier ne se limite plus à la couleur », explique Gérard Zoller, CEO. « Nous accompagnons les professionnels sur l’ensemble des besoins liés à la finition, à la décoration et à l’isolation ».
L’entreprise distribue désormais un éventail complet de solutions, à la fois techniques et décoratives. L’offre sélectionnée s’inscrit dans la philosophie de Robin – Excellence, Écologie, Équité – en faisant la part belle aux références issues d’une démarche responsable : parquets provenant de forêts gérées durablement, sols en liège ou stratifiés sans PVC, tapis en fibres recyclées, enduits naturels, papiers peints et systèmes d’isolation écologiques haute performance.

Le respect du territoire au cœur de la démarche

Ancrée à Useldange, au cœur de la nature luxembourgeoise, Robin affiche un attachement profond à son territoire. Cet enracinement se manifeste aussi bien dans ses engagements que dans ses créations. Les collections de peintures ‘Art de la Nature’ et ‘Terre & Tradition’ en sont l’illustration concrète : elles s’inspirent du patrimoine naturel et architectural du pays pour offrir une palette de teintes locales, singulières et harmonieuses.

Art de la Nature : l’élégance d’une peinture responsable

Déclinée en 151 teintes exclusives, la collection ‘Art de la Nature’ incarne l’ambition de Robin de remplacer progressivement tout dérivé pétrolier par des ressources renouvelables. Disponibles dans de multiples finitions, les peintures de cette gamme sont toutes formulées à base d’eau.

En émulsion murale mate 100 % biosourcée ou, plus récemment, en version peinture à la chaux, elles séduisent autant les architectes que les artisans en s’intégrant aussi bien dans des projets de rénovation patrimoniale que dans des intérieurs contemporains. Une collection de choix pour les professionnels soucieux de conjuguer esthétique et écoresponsabilité.

Terre & Tradition : ancrage national et performance technique

Avec ‘Terre & Tradition’, Robin offre une réponse chromatique aux enjeux de l’intégration paysagère. Cette collection de 81 teintes pour façades, conçue sur la base de pigments récoltés sur l’ensemble du territoire, permet à chaque bâtiment de s’accorder naturellement à son environnement, rural ou urbain.

Outre leur ancrage national, ces peintures présentent des caractéristiques techniques de haut niveau : respirabilité des murs, résistance aux UV et tenue exceptionnelle aux intempéries. De quoi garantir une performance durable en privilégiant l’harmonie visuelle.

UdiRECO Dry : l’isolant qui remplit tous les critères

Autre nouveauté marquante : la distribution au Luxembourg du système d’isolation UdiRECO Dry, développé en Allemagne et entièrement composé de fibres de bois naturelles. Sans colle ni traitement chimique, ce panneau s’adapte facilement aux irrégularités des murs jusqu’à 20 mm, en intérieur comme en extérieur.

Simple à poser – sans sous-structure ni pare-vapeur –, le système assure une excellente isolation thermique et acoustique, tout en accélérant les chantiers. Il représente une réponse particulièrement performante aux défis de la rénovation énergétique, secteur stratégique pour les ambitions climatiques du Grand-Duché.

C’est aussi sur le plan financier qu’UdiRECO Dry se distingue. Isolant 100 % écologique, il permet de cumuler les subventions de l’État dans la catégorie d’aides la plus favorable, le dispositif Enoprime et une aide additionnelle dans de nombreuses communes. Une option pragmatique pour les maîtres d’ouvrage qui souhaitent maximiser leurs aides tout en affirmant leur engagement écologique.

Une offre à haute valeur ajoutée

En conjuguant exigence technique, conscience environnementale et excellence de service, Robin dépasse aujourd’hui le simple statut de fournisseur. L’entreprise propose une vision globale de la construction durable, cohérente avec les attentes des prescripteurs, artisans et distributeurs les plus engagés.

Mais au-delà de la qualité des produits et de leur dimension écologique, c’est la fiabilité du service de Robin et de ses 100 collaborateurs engagés qui fait toute la différence.

Accompagnement technique, conseils personnalisés, disponibilité des stocks, réactivité logistique… autant d’atouts qui renforcent la confiance des professionnels et facilitent leur quotidien.

Peintures Robin
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025


Légende image : UdiRECO Dry, l’isolation écologique haute performance disponible chez Robin

Un isolant en vrac à base de fibre de bois locale
Un isolant en vrac à base de fibre de bois locale

La jeune entreprise belge Lenoo vient de lancer sur le marché une innovation en matière d’isolation : un produit aux performances thermiques et acoustiques excellentes qui, en plus, est issu de l’upcycling de chutes industrielles locales de MDF, s’inscrivant ainsi dans une logique d’économie circulaire.

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Une entreprise à taille humaine, locale et flexible

Lenoo est un fabricant d’isolant biosourcé, basé à Neufchâteau, en Belgique, à une cinquantaine de kilomètres du Luxembourg.

À l’origine de l’entreprise, trois associés aux compétences complémentaires : deux ingénieurs de formation scientifique qui travaillent depuis un peu plus de deux ans sur la mise au point des produits et le troisième, juriste, qui intervient en support administratif ou sur toutes les réflexions concernant, entre autres, la propriété intellectuelle.

Un produit biosourcé et circulaire

Lenoo est aussi le nom du produit développé et commercialisé par l’entreprise du même nom : un isolant en vrac fabriqué à partir de fibre de bois issue, non pas de déchets tout venant, mais de chutes de production de panneaux MDF et de découpe de menuiseries. Des chutes qui sont, normalement, vouées à être détruites ou incinérées, et dont Lenoo récupère les fibres, en les passant à travers un système qui fonctionne en cascades, pour en faire de l’isolant à insuffler.

En transformant en matières premières des produits considérés comme des déchets, Lenoo fait de l’upcycling et réalise une action positive pour l’environnement.

La démarche va plus loin encore : la jeune entreprise travaille avec des fournisseurs locaux pour raccourcir sa chaîne d’approvisionnement et éviter les transports inutiles. Son principal fournisseur est situé à plus ou moins 80 km de l’usine de production de Neufchâteau.

Des performances techniques compétitives

La fibre de bois en vrac de Lenoo est utilisée en insufflation entre deux panneaux de bois, dans des bâtiments en ossature bois, in situ ou en préfabrication. Elle peut également être soufflée dans les greniers, dans les combles perdus. Des solutions en panneaux sont à l’étude.

Quand il est mis en œuvre, la densité de Lenoo est beaucoup plus élevée que celle d’un produit traditionnel : de 60 à 100 kg par m3, ce qui confère au matériau une inertie thermique répartie de manière homogène dans l’enveloppe du bâtiment, un atout aussi bien en hiver qu’en été. En période estivale notamment, cette propriété permet une meilleure temporisation face aux pics de chaleur. Concrètement, l’épaisseur et la densité de l’isolant agissent comme un amortisseur thermique. Cet effet s’exprime à deux niveaux : d’une part, un excellent déphasage, qui retarde l’entrée de la chaleur, et d’autre part, une forte atténuation, qui limite l’intensité du pic thermique. Résultat : la variation de température à l’intérieur n’est que de 0,5 à 1,5 °C, ce qui est très faible comparé à la plupart des isolants minéraux ou issus de la pétrochimie.

Outre ses atouts thermiques, la structure fibreuse du matériau et sa haute densité permettent d’atténuer les sons et d’offrir des performances acoustiques intéressantes, contribuant au confort des occupants des bâtiments.

Une solution pour des bâtiments plus durables

Enfin, Lenoo affiche un bilan carbone particulièrement favorable. L’analyse du cycle de vie reprise dans la déclaration environnementale de produit affiche clairement une consommation négative de carbone : moins 0,338 kg de CO2 par kg d’isolant.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Dalles de plancher en bois et terre comprimée, deux solutions décarbonées
Dalles de plancher en bois et terre comprimée, deux solutions décarbonées

Outre leur fonction de séparation et de franchissement, de support de charges ou d’intégration de techniques diverses, les dalles ou planchers exercent un rôle considérable dans le confort thermique et acoustique des constructions.

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Le béton représente souvent une solution de choix, largement plébiscitée au Luxembourg et qui agrège beaucoup d’avantages ; mais lorsque l’on souhaite mettre en place une solution décarbonée, c’est le bois qui s’impose le plus souvent, avec cependant des griefs récurrents : le manque de masse, avec des implications comme une faible d’inertie thermique et, souvent, une complexité à résoudre les aspects phoniques et à respecter les considérations relatives au feu. Nous n’aborderons pas ici les systèmes en acier, en terre cuite ou autres planchers hybrides.

Sous les pieds, (de) la terre

Quant à l’usage de terre crue en dalle, disons simplement qu’au Luxembourg, il est probablement absent (nous ne parlons pas de chapes de remplissage en terre ou de revêtements de sol du type terrazzo de terre). Il existait jadis (et il existe encore dans certaines régions, notamment en France) la technique du plancher « à quenouilles » : sur une structure porteuse en bois faite de poutres/solives, sont disposées des quenouilles qui prennent la forme de cylindres de 10 à 15 centimètres de diamètre environ, et qui se comportent comme des mini-hourdis (claveaux) sur une petite portée ; on les fabrique en enroulant autour d’un bâton de châtaignier, de hêtre ou de chêne (refendu en section triangulaire) une barbotine d’argile mélangée à des fibres (souvent du foin). Les quenouilles encore humides sont disposées et serrées côte à côte sur les solives, avant une éventuelle chape supérieure de répartition, assez fine, et le revêtement de sol. La finition de la sous-face consiste souvent à lisser la barbotine ou à l’enduire avec une fine couche d’argile ou de chaux. Solution très économe et durable principalement utilisée en restauration du patrimoine ou en éco(auto)construction, elle est évidemment difficilement compatible avec les standards de nos chantiers contemporains : d’une part parce que les contraintes mécaniques sont évidemment plus élevées, d’autre part parce qu’il paraîtrait illusoire de pouvoir produire à coût maîtrisé des surfaces importantes.

D’autres systèmes existent bien entendu : songeons aux voussettes maçonnées en briques de terre crue s’appuyant sur poutrains ou solives de natures diverses, ou encore aux diverses variantes de planchers mixtes en bois (bambou ou autre) et terre damée - éventuellement renforcée à l’aide de roseaux ou autres fibres végétales ; ces exemples restent exceptionnels sous nos latitudes et appartiennent au registre d’approches plus « exotiques ».

Le système Terradek de l’entreprise Terrabloc

Pour sa solution de planchers en bois et terre crue, Terrabloc – en collaboration avec B+S Ingénieurs, BATJ et le LEMS de l’HEPIA (Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève), a choisi de développer un système à poutrains et hourdis/claveaux, en s’appuyant sur le principe statique de l’arc, ou plutôt de la voûte. Les poutrains/solives préfabriqué(e)s en bois lamellé-collé sont espacé(e)s à entraxes réguliers de 900 mm ; ils possèdent un profil spécifique, permettant aux claveaux de réaliser le transfert des forces et une portée entre poutrains de 700 mm. Les claveaux, de dimensions 895x200x150 mm, sont réalisés en terre comprimée (déchets terreux d’excavation), stabilisée à raison de 4 % de ciment CEM II dans une première version ou 2 % de liant Oxabrick Loko (mélange de sels minéraux, voir https://oxara.earth/) en variante, selon un profil en arc, chaque claveau pesant 33 kg. Au centre du claveau, l’épaisseur s’affine pour atteindre 110 mm. Les claveaux sont disposés côte à côte et un panneau en bois de 10 mm d’épaisseur achève de recouvrir et de protéger l’ensemble, agissant comme diaphragme et reprenant les actions horizontales (vent ou séismes).

Le poids propre du système est d’environ 300 kg/m2. Cette masse de terre permet de mieux répondre aux problématiques évoquées auparavant (performances thermique et acoustique) et y ajoute le confort d’une régulation hygrométrique et sanitaire naturelle bien connue de la matière « terre ». L’ingénieur Marcio Bichsel du bureau B+S Ingénieurs souligne l’importance d’une jonction précise entre le bois et la terre afin que le transfert des forces s’effectue correctement et que la terre travaille en compression pure. Afin de valider la résistance au feu, un prototype complet de 2,7 x 4,5 mètres est parti en laboratoire, sanctionnant le système constructif d’un classement REI90’. La production industrielle dans l’usine de l’entreprise Cornaz à Allaman permet déjà de fabriquer 6 900 m2 de planchers par semaine de production, de quoi alimenter sans problème les chantiers de grande ampleur.

Le système de l’entreprise Rematter AG

Découverte au salon Bau Munich cette année, l’autre initiative suisse a pour sa part choisi la voie de la dalle de plancher bois-terre entièrement préfabriquée ; ces dernières sont construites à partir d’un cadre composé de poutres en bois massif, les vides étant remplis d’un matériau terreux compressé. Un panneau trois-plis supérieur participe à la rigidité et au bon comportement mécanique de l’ensemble. Toutes les connexions sont assemblées à sec ou vissées, sans colle, permettant en fin de vie un démontage et une réutilisation de tous les composants. Les dalles de plancher sont exécutées à l’aide de robots, dans un environnement contrôlé. Ce processus d’automatisation garantit des prix compétitifs et une qualité élevée et constante et les éléments préfabriqués ne nécessitent pas de temps de séchage, permettant un montage immédiat. Les avantages et performances liés à l’usage du bois et de la terre sont évidemment similaires au système de Terrabloc.

En termes de performances, Rematter annonce des planchers acceptant une charge utile jusqu’à 5 kN/m2, une résistance au feu REI60’ et un indice d’affaiblissement acoustique (plancher brut uniquement) de Rw = 50 dB.

En conclusion

Les deux systèmes décrits permettent dorénavant de concevoir des planchers structurels préfabriqués en matériaux bio et géosourcés issus de filières locales, recyclables et/ou réemployables. Le tout avec un bilan environnemental exceptionnel, sans concéder aux exigences de confort et dans le respect des normes et aspects réglementaires. Nonobstant les considérations budgétaires, le choix de l’une ou de l’autre solution dépendra des conditions d’exécution du chantier/projet, des portées à franchir, des charges d’exploitation qui devront être respectées et de la préférence esthétique de la maîtrise d’œuvre.

Régis Bigot, Architecte & Innovation Project Manager Neobuild GIE
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025


Illustration : ©Leo Fabrizio

La laine, une matière oubliée réhabilitée dans l'isolation
La laine, une matière oubliée réhabilitée dans l’isolation

Il fut un temps où chaque matière avait une valeur, où la laine de mouton, précieuse et dense, était utilisée avec respect, du fil au feutre, du vêtement à l’habitat.

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Aujourd’hui, tandis que nos sociétés cherchent à réinventer leur rapport à la matière, à l’énergie et au territoire, certaines entreprises tracent de nouveaux sillons en puisant dans cet héritage. C’est le cas de Woolconcept®, un acteur belge engagé qui restitue à la laine de mouton sa juste place dans le monde du bâtiment, en tant qu’isolant biosourcé d’origine animale, sain, local et profondément ancré dans une logique de circuit court.

Une matière noble, à la richesse insoupçonnée

Isoler avec de la laine, c’est faire le choix d’un matériau vivant, à la fois performant, naturel et régulateur. Car la laine ne se contente pas d’isoler thermiquement : elle respire, elle interagit avec son environnement. Naturellement hydrophile, elle peut absorber jusqu’à 30 % de son poids en humidité sans perdre ses qualités isolantes, régulant et équilibrant ainsi les variations hygrométriques dans les murs ou les toitures. Cette capacité unique permet, dans certaines configurations constructives complexes, de se passer partiellement, voire totalement, d’un frein ou pare-vapeur tout en conservant un excellent équilibre hygrothermique.

Mais la laine va encore plus loin. Grâce à la kératine qu’elle contient, elle a le pouvoir rare de neutraliser les composés organiques volatils (COVs) présents dans l’air intérieur, ces polluants souvent invisibles qui nuisent à notre santé. Elle agit ainsi comme un purificateur naturel, une qualité essentielle à une époque où la qualité de l’air intérieur devient une priorité de santé publique.

Une filière oubliée… à reconstruire et en reconstruction

Cette matière aux vertus extraordinaires est aujourd’hui massivement négligée. En Belgique, 70 % à 80 % des éleveurs jettent ou brûlent leur laine, faute de débouchés, d’industries locales ou de valorisation économique. Une hérésie écologique autant qu’économique. Car cette laine, issue de petits cheptels rustiques, parfois mélangée de races anciennes, est d’une qualité idéale pour l’isolation. Dense, résistante, elle demande simplement à être revalorisée avec soin.

C’est tout le travail qu’entreprend Woolconcept®. En travaillant main dans la main avec des éleveurs locaux, l’entreprise organise la collecte de la laine belge, triée, nettoyée et transformée en panneaux isolants dans un circuit le plus local possible. Une manière de reconnecter le monde agricole et les bâtisseurs, dans une dynamique vertueuse.

Traitex, dernier bastion d’un savoir-faire européen

Le nettoyage de la laine, une étape cruciale, se réalise chez Traitex à Verviers. Ce dernier lavoir de laine en Europe occidentale perpétue un savoir-faire unique : le lavage industriel à l’eau chaude, sans produits agressifs, permettant de débarrasser la fibre de sa graisse (la lanoline) tout en préservant ses propriétés.

À ce jour, la quasi-totalité des fabricants européens d’isolants en laine (thermiques ou acoustiques) dépendent de Traitex pour laver leur matière première. Allemands, Suisses ou Autrichiens, pour ne citer que les plus connus, font ainsi appel à ce savoir-faire belge, à deux pas du Luxembourg, engendrant malheureusement des allers-retours logistiques importants, la laine voyageant parfois plusieurs centaines de kilomètres avant de revenir à son site de transformation.

Dès lors, quoi de plus logique de privilégier la proximité de Traitex avec Woolconcept® pour favoriser ces entreprises qui inscrivent leur action dans une logique de réindustrialisation douce, en relançant une filière à taille humaine, locale, maîtrisée, à rebours des logiques globalisées.

Revaloriser la laine dans les territoires qui la produisent

Au-delà de la fabrication, Woolconcept® s’attache à réancrer l’usage de la laine dans les régions d’où elle provient. Là où les moutons broutent, là où les paysans tondent chaque printemps, l’isolant peut revenir dans les murs et toitures des maisons. C’est une forme de boucle territoriale : du champ au chantier, sans détours.

Cette dynamique est particulièrement forte dans des régions comme les Ardennes belges, où le pastoralisme est encore vivant, ou encore le sud du Luxembourg, où le cheptel ovin, bien que plus modeste (environ 20 000 têtes, selon les derniers chiffres), pourrait lui aussi devenir partie prenante d’une filière circulaire et locale.

Un isolant biosourcé pour demain

Dans un monde en transition, où chaque geste de construction devient un acte écologique, la laine s’impose comme une solution d’avenir profondément enracinée dans notre histoire. Isolant biosourcé par excellence, elle conjugue efficacité thermique, régulation de l’humidité, assainissement de l’air, et surtout cohérence territoriale.

Avec Woolconcept®, l’isolant devient narratif. Il raconte la vie d’un mouton, le geste d’un berger, le travail d’un artisan. Il parle de paysage, de culture, de transmission. Il nous rappelle que bâtir, c’est aussi prendre soin – du lieu, du vivant, et de ceux qui y habitent.

Régis Bigot, Arch. & Innovation Project Manager Neobuild GIE
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Crédit photo : Woolconcept®


Woolconcept® est aujourd’hui en recherche de prescripteurs, architectes, artisans et acteurs du bâtiment souhaitant intégrer ces isolants biosourcés dans leurs projets, notamment au Grand-Duché de Luxembourg, territoire propice à l’innovation en matière de construction durable. Pour toute information complémentaire, veuillez contacter l’entreprise directement : info@woolconcept.be ou Régis Bigot de Neobuild GIE : r.bigot@neobuild.lu

Compostboard : panneaux circulaires biodégradables en fibres naturelles
Compostboard : panneaux circulaires biodégradables en fibres naturelles

Basée aux Pays-Bas, Compostboard est une entreprise avant-gardiste assez récente spécialisée dans la fabrication de panneaux rigides biodégradables, conçus pour répondre aux exigences croissantes en matière de durabilité dans les secteurs du bâtiment, de l’aménagement intérieur et du design éphémère.

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Portée par une vision claire de l’économie circulaire, Compostboard développe des matériaux à la fois performants, esthétiques et entièrement compostables, en rupture avec les standards industriels classiques.

Au cœur de sa technologie se trouve une combinaison de fibres végétales naturelles et de liants biosourcés, soigneusement sélectionnés pour leur faible impact environnemental et leur biodégradabilité intégrale. Les fibres utilisées proviennent principalement de ressources agricoles locales ou résiduelles dans un rayon de 150 km (Pays-Bas et Belgique) : chanvre, lin ou encore fibres de plants de paprika. Ces matières premières, non alimentaires et rapidement renouvelables, offrent une excellente rigidité et stabilité dimensionnelle aux panneaux.

Pour lier ces fibres, Compostboard emploie des résines modifiées à partir de déchets de l’industrie de l’alimentation animale. Ces liants assurent la cohésion structurelle sans recourir à des additifs toxiques ou à des colles à base de formaldéhyde, couramment (et heureusement de moins en moins) utilisées dans l’industrie des panneaux traditionnels. Le résultat : un matériau 100 % biodégradable rigide, homogène, sain, hygro-régulant, sans émissions nocives de COVs et compatible avec le compostage. La densité des panneaux est de 400 kg/m³ ; les produits sont disponibles en trois couleurs de base et détiennent une classe de réaction européenne au feu D-s1-d0 et une empreinte carbone négative équivalente à - 6,89 kg/m2

Les panneaux Compostboard peuvent être usinés, découpés ou thermoformés, ce qui en fait une solution polyvalente pour les professionnels du design, de l’architecture ou de l’événementiel. Leur apparence naturelle et leur texture fibreuse évoquent une esthétique brute et authentique, tout en offrant un support personnalisable selon les usages.

Compostboard illustre ainsi une transformation profonde des matériaux de construction et de conception : un retour à des ressources simples, locales et naturelles, pensées dès l’origine pour s’inscrire dans un cycle de vie fermé, sans déchets. Une réponse concrète aux défis environnementaux, portée par l’intelligence de la matière et le respect du vivant.

Article paru dans Neomag #71 - juin 2025


www.compostboard.bio

Vers une meilleure compréhension des isolants biosourcés
Vers une meilleure compréhension des isolants biosourcés

Le marché des isolants biosourcés est en pleine croissance. De récentes études ont permis de mieux quantifier les performances de ces matériaux.

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Évaluation des performances en conditions réelles

Les performances de six isolants semi-rigides biosourcés (laine de mouton, lin, chanvre-cellulose, textile recyclé, herbe, lin-coton-chanvre) ont été comparées à celles d’une laine de roche semi-rigide conventionnelle. Un mur constitué de sept modules (de 1,2 m de côté et de 20 cm d’épaisseur) équipés de divers capteurs (température, flux thermiques et humidité) a été construit dans une maisonnette expérimentale à ossature en bois (voir figure 1). Les conditions climatiques à l’intérieur de la maisonnette ont été régulées de sorte que la température ambiante y soit de 18 °C et le taux d’humidité relative de 85 %, pour correspondre à des conditions rencontrées dans des locaux mal ventilés.

Les valeurs mesurées sur site ont révélé que tous les modules respectaient le critère PEB, à savoir une résistance thermique R supérieure ou égale à 4,18 m2.K/W (voir figure 2). Ces valeurs n’ont pas différé de plus de 10 % des valeurs théoriques. En période estivale, lors de fortes variations de température, tous les isolants ont affiché des performances thermiques similaires.

Les mesures effectuées ont révélé que l’intérieur des parois avait conservé des conditions saines (humidité du bois < 20 % et humidité relative de l’isolant < 90 %), ce qui confirme l’importance d’une mise en œuvre soignée, avec placement correct du pare-vapeur (résistance de diffusion de la vapeur d’eau Sd ≥ 5 m), pare-pluie ouvert à la vapeur, isolant initialement sec, …

Impact sur la régulation de l’humidité relative intérieure

Testés individuellement, les isolants biosourcés présentent de bonnes performances hygroscopiques. Pour vérifier celles-ci en conditions réelles, deux parois ont été testées dans une chambre climatique. L’une d’elles contenait de la fibre de lin, l’autre de la laine de roche. Des panneaux OSB étaient présents du côté intérieur des parois. Bien que nous recommandions systématiquement la présence d’un pare-vapeur, plusieurs essais ont été réalisés sans cette membrane, afin de mieux comprendre les phénomènes de transferts d’humidité. Certaines configurations ont été testées avec ajout d’un panneau de finition (plâtre ou argile), dans le but d’étudier l’impact du revêtement intérieur.

Les tests consistaient à simuler, dans une section de la chambre climatique, un climat hivernal en continu et, dans une autre section, un climat intérieur avec une brusque augmentation d’humidité toutes les 24 heures pour reproduire les conditions d’une salle de bain non ventilée, par exemple. L’air de la pièce a ensuite été entièrement renouvelé sur un temps court et la capacité du mur à relarguer l’humidité accumulée a été mesurée.

Dans les configurations étudiées, la régulation de l’humidité relative du côté intérieur de la paroi est principalement influencée par le panneau OSB, puis par le panneau de finition (avec un impact plus fort pour les panneaux en argile que ceux en plâtre) (voir figure 3). L’isolant ne joue qu’un rôle secondaire. En pratique, un pare-vapeur est obligatoire pour les parois en contact avec l’extérieur. D’autres essais ont confirmé que sa présence réduisait encore plus l’impact de l’isolant sur la régulation de l’humidité intérieure.

Impact sur le confort estival

En raison de sa densité, la laine de bois a un déphasage thermique théoriquement plus élevé que la laine de roche. Pour évaluer cet impact à l’échelle d’un système complet, deux parois comprenant de la laine de bois ou de la laine de roche ont été testées dans des conditions simulant une journée estivale caractérisée par de fortes variations de température. L’impact de la finition intérieure a également été étudié en comparant des plaques de plâtre de 12,5 mm avec des plaques d’argile de 22 mm.

Pour cette configuration, les tests ont révélé que le type d’isolant semi-rigide avait un impact assez faible sur le déphasage thermique et sur la température maximale mesurée contre la paroi entière (voir figure 4). L’inertie thermique de la paroi était davantage influencée par la finition intérieure, et en particulier par les plaques d’argile, car plus épaisses et plus denses. Cette observation confirme les modélisations réalisées précédemment par Buildwise et par l’EMPA (*). Afin d’améliorer le confort estival, il faudra donc d’abord prévoir des protections solaires externes et une ventilation nocturne efficace. Si l’objectif reste d’optimiser l’inertie thermique, on se tournera vers des isolants dont la densité est supérieure à 100 kg/m³ (fibres de bois rigides, chaux-chanvre, …) ou on adaptera le type ou l’épaisseur de la finition intérieure (double épaisseur de plâtre, panneau d’argile, …).

Conclusion

L’utilisation d’isolants biosourcés constitue une véritable alternative aux isolants traditionnels. On retiendra néanmoins que l’isolant ne définit pas à lui seul les performances de la paroi complète. Ceci vaut tout aussi bien pour les performances hygroscopiques, thermiques, sécurité incendie et acoustique. Par conséquent, il est nécessaire d’avoir une vue globale des systèmes constructifs.

Cet article a été rédigé dans le cadre du projet Interreg Circular Biobased Construction Industry subsidié par l’Union européenne.

V. Claude, ing., chef de projet, laboratoire Matériaux de construction, Buildwise
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025 (pour voir l’article illustré).

Des alternatives durables aux pénuries de matériaux
Des alternatives durables aux pénuries de matériaux

Dans un contexte de coûts élevés et de disponibilité limitée de certains matériaux de construction, il est temps de chercher des alternatives plus durables.

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Le réemploi des matériaux de construction, l’utilisation de produits locaux et biosourcés et le recours à de nouvelles solutions plus performantes, plus efficaces ou de meilleure qualité profiteront non seulement à votre entreprise, mais aussi à la société et au climat.

Le recyclage

En Belgique, la plupart des déchets de construction sont recyclés depuis bien longtemps déjà. Ce faisant, on s’efforce aujourd’hui de réinjecter les déchets recyclés dans des boucles fermées où ils seront utilisés à leur valeur la plus élevée. L’exemple le plus connu est probablement celui de l’utilisation de granulats recyclés dans le béton. D’autres matériaux tels que le PVC, les plaques de plâtre, le bitume de toiture, les revêtements de sol et la peinture sont de plus en plus recyclés.

Le réemploi

Une alternative plus circulaire consiste à récupérer et à réemployer les matériaux issus des travaux de démolition. Ceux-ci peuvent provenir soit du même chantier, soit d’autres chantiers, soit d’entreprises proposant d’ores et déjà une gamme de matériaux de réemploi. Vous trouverez ces entreprises sur des plateformes telles qu’Opalis, qui permet de rechercher des fournisseurs par catégorie de matériaux. On y retrouve aussi des informations plus techniques ainsi que le prix des matériaux, lequel peut ainsi être comparé avec le prix de leurs équivalents neufs. Sur Opalis, le prix de poutres en pin pouvant atteindre 2,8 m de long s’élève ainsi à 3,5 euros/m pour les sections de 6 x 16 cm et à 8,5 euros/m pour les sections de 8 x 24 cm. Les matériaux issus de projets de démolition se vendent également de plus en plus souvent sur des marketplaces, tels que Rotor DC, BatiTerre et Retrival.

Les matériaux locaux et biosourcés

Les matériaux locaux (enduits à base d’argile, briques crues, …) et biosourcés (laine de bois, chaux-chanvre, cellulose, …) dépendent moins des chaînes d’approvisionnement étrangères. Ils peuvent s’avérer intéressants pour certaines d’applications. Depuis quelques années, bon nombre de ces produits et matériaux font l’objet d’un approvisionnement continu et professionnel. Embuild.Brussels et Embuild Wallonie ont cartographié les principaux fournisseurs de matériaux d’isolation. Vous pouvez accéder à cette carte en scannant le code QR ci-contre.

Exemple de réemploi

À l’occasion de la démolition d’un grand immeuble de bureaux, l’entreprise DEMOCO a récupéré environ 4 000 m2 de plancher surélevé. Une grande partie de ces éléments ont été réemployés dans un projet de rénovation à Bruxelles. En raison des fortes hausses de prix que nous avons connues au cours des derniers mois, le prix des matériaux récupérés par cette entreprise en 2021 s’avère moins élevé que celui des matériaux neufs identiques disponibles sur le marché en 2022. Il faut cependant tenir compte du fait que le démantèlement, le stockage et la validation des propriétés techniques des matériaux de réemploi impliquent également un certain coût.

J. Vrijders, ir., chef du laboratoire Solutions durables et circulaires, Buildwise
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025


Buildwise à votre service !
Bien entendu, ces alternatives doivent présenter les performances techniques requises pour l’usage prévu. Buildwise aide le secteur à s’y retrouver par le biais des différentes Antennes Normes subsidiées par le SPF Économie et, plus particulièrement, la nouvelle Antenne Normes dédiée à l’impact environnemental et à l’économie circulaire.

Matériaux durables et bien-être : bâtir pour les générations futures
Matériaux durables et bien-être : bâtir pour les générations futures

Dave Lefèvre, architecte associé de Coeba, et Anne Stemper, experte en écologie du bâtiment, associée de L’Ikken, explorent comment des choix de matériaux et de conception transforment l’expérience des usagers tout en réduisant l’impact environnemental. Leur vision engageante redéfinit les pratiques de construction pour un avenir durable et humain.

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Rencontre avec Dave Lefèvre, architecte associé de Coeba, et Anne Stemper, experte en écologie du bâtiment, associée de L’Ikken

Une nouvelle approche architecturale

« Les matériaux influencent directement le comportement des occupants ». Cette affirmation de Dave Lefèvre trouve un écho concret dans la maison relais d’Angelsberg (dans la commune de Fischbach), l’un des projets phares de Coeba. Conçue à partir d’enduits à l’argile et de bois, cette construction innovante combine durabilité et impact social. « Depuis le déménagement, nous avons reçu des retours confirmant une amélioration positive du comportement de certains enfants et jeunes. Ce projet montre comment l’architecture et les matériaux façonnent leur comportement de manière significative », explique-t-il.

Ce bâtiment n’est pas qu’une construction. Il réunit une école et une maison relais, offrant aux enfants un cadre conçu pour favoriser leur bien-être. « C’était une opportunité d’introduire des réflexions écologiques et des matériaux biosourcés. Le maître d’ouvrage a non seulement adhéré, mais il a souhaité aller encore plus loin ». Ce projet a marqué un tournant pour Coeba, incitant le bureau à systématiser les choix durables dans ses futures réalisations.

Les matériaux entraînent le bien-être

Anne Stemper, spécialiste en écologie du bâtiment, insiste sur le rôle clé des matériaux dans la qualité de vie des occupants. « Dans une construction durable, tout commence par des matériaux sains. Ils doivent garantir une bonne qualité de l’air, un confort thermique optimal, et une acoustique adaptée ».

Cependant, elle met en garde : « Aujourd’hui, beaucoup de matériaux étiquetés écologiques restent nocifs pour la santé. Les composés organiques volatils et semivolatils – retardateurs de flammes, phtalates, biocides etc. – persistent dans les espaces intérieurs, même avec une ventilation performante ».

L’argile, omniprésente dans les projets de Coeba, est selon Dave Lefèvre une réponse idéale à ces problématiques. « Elle régule naturellement l’humidité et stocke la fraîcheur nocturne. Cette inertie thermique réduit la surchauffe estivale et améliore le confort intérieur ».

En hiver, l’argile agit également comme une barrière naturelle contre l’air sec, préservant un environnement agréable pour les occupants. Anne Stemper confirme : « L’acoustique est un autre avantage des matériaux biosourcés. Dans la maison relais d’Angelsberg, les enfants semblent plus sereins, et l’acoustique pourrait y jouer un rôle majeur. Bien que cela reste à démontrer scientifiquement, l’expérience de terrain est parlante ».

L’écologie face aux défis économiques

Si les matériaux naturels séduisent par leurs avantages, leur coût initial reste souvent supérieur à celui des matériaux conventionnels. « Aujourd’hui, on évalue encore les coûts à court terme », explique Anne Stemper. « Si on inclut le cycle de vie, ces solutions deviennent souvent plus économiques. Par exemple, les structures en bois peuvent être démontées et réutilisées, réduisant les déchets et prolongeant la durée de vie des matériaux ».

Pour Dave Lefèvre, cette approche circulaire est cruciale : « L’idée d’urban mining consiste à percevoir les bâtiments en fin de vie non comme des déchets, mais comme des banques de matériaux. Ce concept révolutionne la manière dont nous pensons la construction, en transformant une contrainte en opportunité ».

Une pédagogie au service de la durabilité

L’architecture durable ne se limite pas aux matériaux ou aux technologies. Elle inclut aussi une dimension pédagogique. « Dans nos projets scolaires, nous montrons aux enfants qu’il existe des alternatives au béton et aux produits synthétiques. Ces matériaux naturels leur rappellent leurs racines et les reconnectent à leur environnement ».

Anne Stemper partage cet avis : « Le bien-être, c’est aussi l’acceptation du lieu. Lorsque les occupants comprennent comment un bâtiment est conçu et avec quels matériaux, ils s’y sentent mieux. Cette affinité psychologique fait toute la différence ».

Les matériaux biosourcés offrent également un volet ludique. « Les enfants peuvent toucher, modeler et comprendre des matériaux comme l’argile ou le bois. Ce processus éducatif favorise une meilleure appropriation des espaces », poursuit Dave Lefèvre.

Réconcilier humain et environnement

L’avenir de la construction ne repose pas seulement sur des choix techniques ou économiques, mais sur une vision holistique intégrant le bien-être des occupants. « L’humain fait partie de la nature. Lorsque nous utilisons des matériaux issus de cette nature, nous créons des lieux où il se sent en harmonie ».

Ce n’est pas un hasard si les projets les plus réussis de Coeba sont ceux qui associent innovation technique et simplicité naturelle. « Le bien-être ne nécessite pas toujours des solutions complexes. Souvent, ce sont les matériaux eux-mêmes qui apportent des réponses ».

Pour Anne Stemper, cette philosophie dépasse la simple construction. « Il ne s’agit pas seulement de bâtir des bâtiments, mais de bâtir des relations entre les usagers et leur environnement ».

Sébastien Yernaux
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Photo : ©Coeba

À Wiltz, la rénovation du centre-ville prend racine dans les forêts locales
À Wiltz, la rénovation du centre-ville prend racine dans les forêts locales

Le centre-ville historique de Wiltz sera bientôt remanié pour offrir aux usagers un cadre de vie convivial et chaleureux qui mettra à l’honneur les chênes, hêtres et douglas issus des forêts locales. Le début des travaux est prévu dans les semaines à venir.

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Rencontre avec Patty Koppes, cheffe de projet en économie circulaire, Serge Muller, architecte, responsable adjoint du service technique, et Florian Deumer, responsable projets à la commune de Wiltz

Ce projet est le fruit d’un processus de participation citoyenne, qui a eu lieu entre septembre 2022 et mai 2023, et a inclus les commerçants, restaurateurs, habitants, jeunes du Lycée du Nord et responsables communaux, avec le soutien du Jugendbureau Éislek. L’intelligence collective a permis de faire émerger dix lignes directrices, qui seront également reprises dans les projets ultérieurs de la commune. Parmi celles-ci, le fait de réintroduire la nature en ville et l’économie circulaire. « Le point de départ de ce projet est une grande place grise et vide, avec beaucoup de passage et peu de végétation. Quand le soleil tape, il y fait trop chaud. Bref, elle n’est pas très accueillante. Il était dès lors relativement clair dès le départ pour nous de travailler avec du bois, qui est un matériau chaleureux, et de redonner sa place à la végétation, selon les souhaits exprimés par les citoyens. À Wiltz, tous les projets sont développés avec le service économie circulaire. C’est ainsi qu’est née l’idée de travailler avec le bois de nos forêts, respectivement de la région », indique Serge Muller, l’architecte de la commune.

Serge Muller
Serge Muller

Un axe essentiel du projet est l’utilisation de bois local pour la réalisation de l’aménagement et du mobilier urbain (bancs et bacs à plantes) qui structurera la future place. Le nouvel aménagement en bois sera représentatif du paysage forestier de la région, en mettant en valeur le chêne, le hêtre et le douglas provenant des forêts de Wiltz et alentours. « Actuellement, la place s’étend sur différents niveaux, avec de longues marches qui résultent de la topographie du site. Pour la nouvelle place, nous avons choisi de maintenir ces niveaux en travaillant avec des plateaux qui formeront un paysage en bois, composé de modules sur lesquels les personnes pourront s’asseoir ou s’allonger. Il y aura également des « cabanes » pour se mettre à l’abri quand il pleut. Les plantations existantes seront intégrées dans la structure et de nouveaux bacs seront créés pour ajouter des végétaux supplémentaires », précise-t-il.

Le choix de recourir à des essences locales, réfléchies pour chaque usage, a néanmoins soulevé plusieurs défis. Au total, près de 50 m³ de bois ont été prélevés sur pied dans les forêts de Wiltz, dont 18 m³ ont été exploités dans le cadre du projet. « Nous avons dû trouver une scierie, un transporteur, ainsi qu’une entreprise qui acceptent de traiter notre bois. Il nous fallait atteindre un certain volume critique pour que le processus soit réalisable et reste économiquement viable. Or, nous n’avions besoin que de quantités minimes de chêne et de hêtre, et il n’existe qu’une scierie au Luxembourg qui scie du douglas, ce qui restreignait notre marge de manœuvre. Pour le traitement, nous avons dû nous diriger vers une société belge située à Étalle, près d’Arlon, qui est la seule dans un rayon acceptable à proposer le processus de thermotraitement que nous avions choisi d’utiliser. Ce traitement, sans produits chimiques, consiste à « cuire » le bois pour le rendre plus résistant aux intempéries, aux sollicitations, aux insectes, etc., et allonger sa durée de vie, sans altérer ses qualités naturelles. Avant toute chose, il a donc fallu définir le volume de bois à couper en fonction des quantités minimales nécessaires pour la coupe, le transport et le traitement », explique Florian Deumer, le responsable du projet.

Dans une démarche d’optimisation du bois scié, des dimensions non utilisées dans le cadre du projet ont été découpées en sections qui pourront être transformées en d’autres éléments par l’atelier communal. « Une réflexion sur la déconstruction a été entreprise dès la conception : les éléments sont fixés mécaniquement avec de la visserie pour faciliter le démontage et le remplacement des pièces abîmées. Le projet intègre aussi une dimension expérimentale : le chêne (non-traité) et le hêtre (traité thermiquement) sont testés sur des éléments peu sollicités afin d’évaluer leur comportement à long terme en extérieur », souligne Patty Koppes, cheffe de projet en économie circulaire.

L’Administration de la Nature et des Forêts a apporté sa précieuse contribution au projet, notamment pour la définition des volumes et la sélection des essences et sujets à prélever, et le Naturpark Öewersauer a aidé à sélectionner les plantes locales qui viendront agrémenter le site, tout en favorisant la biodiversité et en résistant aux saisons.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Quand l'éphémère devient durable
Quand l’éphémère devient durable

Au-delà de présenter les traditions, modes de vie et paysages du Grand-Duché, le pavillon luxembourgeois de l’Exposition universelle d’Osaka porte un manifeste de sobriété et d’économie circulaire.

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« En travaillant sur ce projet, nous devions faire face à une certaine absurdité : dépenser des matières et de l’énergie pour créer un bâtiment qui aura une durée de vie de quelques mois. Le projet se serait fait, de toutes façons, avec ou sans nous. Dès lors, l’enjeu était de proposer un projet au moindre coût écologique et le plus vertueux possible pour la planète, dans une vision globale », explique l’architecte Arnaud De Meyer.

La maîtrise d’œuvre a donc établi une stratégie d’économie circulaire articulée autour de trois axes : refuser tout ce qui est inutile, réduire les besoins à leur strict minimum et réutiliser un maximum de matériaux - soit utiliser des matériaux de réemploi pour la construction, soit faire en sorte que les matériaux utilisés puissent être réemployés à leur valeur initiale lorsque le bâtiment sera déconstruit. « Le recyclage est le dernier recours et nous avons essayé de le limiter, dans la mesure où recycler signifie réutiliser à une valeur moindre par rapport à la valeur initiale du matériau », souligne-t-il.

Pour générer un minimum de déchets et permettre la réutilisation d’un maximum de composants, il fallait baser la conception architecturale sur des matériaux fabriqués et utilisés localement. Ce sont les matériaux disponibles qui ont dicté la forme du pavillon, et non l’inverse. « Nous avons sélectionné des éléments de construction couramment utilisés dans la construction au Japon car, premièrement, les fournitures standards sont faciles à trouver et, deuxièmement, il est potentiellement plus facile de trouver des repreneurs intéressées à les récupérer ».

Pour favoriser le réemploi, il fallait aussi éviter de transformer/détériorer les éléments. Par exemple, des panneaux de coffrage ont été utilisés « sans les découper, donc sans les dévaloriser » pour réaliser le bardage des façades du pavillon. Le même exercice a été fait avec des profilés métalliques très légers employés aussi souvent que possible dans leurs dimensions standards pour structurer les volumes.

« Nous avons tout modulé sur des trames standards japonaises afin de limiter les chutes. Pour les planchers, toitures et façades, nous avons travaillé en écailles, en faisant glisser les éléments les uns devant les autres plutôt que de les découper. Au lieu de les visser, clouer ou coller, nous avons imaginé des systèmes de pinces, de crochets ou de sangles qui permettent d’éviter les détériorations au moment du démontage et de préserver ainsi l’intégrité d’une majorité d’éléments. Nous avons volontairement tenu compte des dimensions et portées maximales imposées par les dimensions standards des profilés métalliques. Cela a limité les portées, c’est pourquoi nous avons opté pour une architecture faite d’une succession de petits volumes et des espaces de maximum 10 à 12 m de côté ».

Le choix de structures métalliques n’est pas anodin. « Au-delà de la récupération directe des profilés standards conservés, les petites pièces et chites d’acier sont à 100 % recyclables à leur valeur nominale, même si on a consommé de l’énergie au passage ». Cette structure métallique principale est doublée à l’intérieur d’une sous-construction légère qui forme une sorte de « colombage en métal » à laquelle des panneaux d’isolation thermique ont été intégrés. Le travail en couches juxtaposées permet d’utiliser un maximum de profils de longueurs standards sans devoir les recouper. Les finitions intérieures des salles sont constituées de simples tissus noirs ou de panneaux de bois standards, toujours en cohérence avec le principe de légèreté de la construction ».

Les toitures sont composées de bacs en acier nervurés, encastrés les uns dans les autres, juxtaposés pour éviter les découpes et, encore une fois, favoriser la récupération. L’ensemble des modules et des espaces extérieurs qui forment le pavillon est couvert par une membrane en PVC de plus de 1000 m2. « Dans le cadre de notre approche circulaire, nous avons essayé de consommer un minimum de matière. Même si le PVC est une matière issue de la pétrochimie, elle est extrêmement performante. Avec seulement une tonne et demie de matière, la membrane remplit à elle seule plusieurs fonctions qui auraient été accomplies par différents autres matériaux en les combinant : elle protège le pavillon du soleil, assure son étanchéité et permet de récolter les eaux pluviales pour une utilisation dans les sanitaires et l’arrosage des plantations. Elle fait partie d’un programme de recyclage mis en place par le fabricant : elle peut-être entièrement récupérée pour fabriquer de la nouvelle membrane. Mais nous avons peut-être d’autres idées pour elle, qui se concrétiseront d’ici la fin de l’Expo ».

Une des innovations importantes du pavillon est invisible. Il s’agit de la conception des fondations, 100 % préfabriquées, 100 % démontables et récupérables, composées de mégablocs en béton intégrés dans des cadres en acier rigides. Ces derniers intègreront de nouveaux aménagements du domaine Nesta de Kobe, après avoir été enlevés et nettoyés. En fin de compte, les matériaux correspondant à 80 % du poids du pavillon seront réutilisés après nettoyage et reconditionnement. Les 20 % restants seront recyclés.

La conception des structures, des fondations et de la membrane a été réalisée par le bureau d’ingénieur Ney & partners T6.

Le projet a été réalisé par une équipe internationale. « Nous ne pouvions pas nous lancer dans cet appel à projet sans avoir de partenaires japonais capables d’évaluer chacune de nos propositions selon la perception que le public japonais pourrait en avoir. Nous ne voulions pas projeter uniquement un point de vue occidental, mais nous assurer de toucher un public japonais et asiatique, sans surenchère d’effets ou de moyens. Nous voulions que chaque chose soit juste. Nous voulions aussi que des acteurs locaux puissent mener les démarches et le suivi du chantier de façon fluide, selon les usages. Du point de vue du bilan carbone, la seule chose qui est venue du Luxembourg, c’est la matière grise (et le jeu de quilles, dont une partie est de seconde main). Tout est purement basé sur des produits, des matériaux et des savoir-faire japonais. Nous nous sommes déplacés le moins souvent possible et de la façon la plus efficace possible. Nous nous sommes organisés pour que les bonnes personnes soient rassemblées, que des décisions clés soient prises et que des avancées concrètes soient réalisées à chaque déplacement », conclut Arnaud De Meyer.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Des visites inspirantes de projets et d'entreprises
Des visites inspirantes de projets et d’entreprises

Retour sur le voyage d’études au Vorarlberg. Au total, trois journées intenses en visites de projets et d’entreprises, ces 23, 24 et 25 avril.

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Tel était le programme préparé pour une cinquantaine de professionnels de la filière bois venus de Belgique, d’Allemagne et du Luxembourg pour ce voyage d’études au Vorarlberg, land autrichien exemplaire au travers de son usage raisonné du bois local, sa gestion forestière rigoureuse et l’engagement fort de tous ses acteurs tant privés que publics.

Ce déplacement s’inscrivait dans le cadre du projet européen Interreg VI W.A.V.E. (Wood Added Value Enabler) et de l’IIS (pour Initiative d’Innovation Stratégique) Valbowal, deux programmes visant à développer et reconsolider une chaîne de valeur locale, durable et circulaire en faveur du matériau bois. Cette mission était portée par les partenaires de W.A.V.E : Ligne Bois, asbl regroupant de plus de 140 entreprises wallonnes et bruxelloises issues de la construction bois et biosourcée, WFG, l’Organe de promotion économique pour l’Est de la Belgique, IZES, l’Institut allemand de recherche sur l’énergie et les flux de matériaux, DLG Bau Saar, l’association patronale du bâtiment en Sarre ainsi que l’ULiège, coordinatrice de l’IIS Valbowal. L’objectif était multiple : s’inspirer du modèle développé au Vorarlberg pour redonner accès à la ressource forestière locale, stimuler de nouveaux débouchés, démontrer la viabilité économique d’une filière bois intégrée et encourager une dynamique collective entre acteurs transfrontaliers autour d’une approche concertée et cohérente.

Le Vorarlberg, région aux multiples facettes historiques…

Aux 17è et 18è siècles, des artisans - parmi lesquels des maçons, charpentiers, tailleurs de pierres ou stucateurs, et des maîtres d’œuvres (Barockbaumeister) particulièrement sachants et habiles issus du Bregenzerwald - la région montagneuse du land Vorarlberg, inondèrent le sud de l’Allemagne, la Suisse mais aussi l’Alsace pour y dispenser leurs savoir-faire et y construire plusieurs centaines d’édifices remarquables parmi lesquelles des demeures, palais, monastères ou encore des églises ; la plupart de ces bâtisseurs provenaient de l’ « Auer Zunft » (la guilde d’Au, Au étant un village du Bregenzerwald), apparentés et regroupés en grandes familles d’artisans sur plusieurs générations. Le principe unique de transmission et de partage des savoirs ainsi que le perfectionnement des techniques selon le principe du compagnonnage firent les beaux jours de cette guilde qui compta jusqu’à près de 900 artisans et qui fut dissoute en 1868.

Cet éclat artistique et intellectuel contraste avec l’extrême pauvreté de certaines régions alpines, comme le furent jadis une partie de l’Autriche ou de la Suisse, « affublées » de terres agricoles à très faibles rendements, obligeant les familles paysannes pour subvenir à leurs besoins, à envoyer leurs enfants vers des lieux plus prospères – notamment le Wurtemberg, pour y accomplir des travaux saisonniers.

… en profonde réaction face à ses institutions

Si des passionnés du monde entier se rendent aujourd’hui volontiers dans le plus petit des Länder autrichiens pour y découvrir et y admirer une synthèse unique faite de durabilité, de tradition, de pragmatisme, d’innovation et de créativité architecturale, enveloppée dans des panoramas façon « carte postale », ce n’est pas par hasard. Dès les années 60 et 70, de nombreux concepteurs dont plusieurs autodidactes et militants s’emparent de la question relevant de la construction (écologique) et créent une architecture simple, raisonnée, faisant usage de bois local et bénéficiant d’une technicité constructive séculaire. Il s’agit de préserver le bâti existant sans sacrifier aux sirènes de la modernité « à tous crins » et à l’urbanisation débridée, tout en développant une nouvelle architecture, sensible et empreinte du lieu, sans pasticher le passé ; ils sont appuyés dans leur démarche par une législation dispensant les candidats-bâtisseurs de l’obligation de contracter auprès d’un architecte pour la construction d’une habitation individuelle… ce qui secouera rudement certaines instances, dont la Chambre nationale de l’Ordre des Architectes. Les années suivantes et le début des années 80 verront se regrouper ces concepteurs sous l’appellation « Baukünstler » (artistes du bâtiment), bien décidés à défendre leur vision face à plusieurs contrepoids institutionnels qu’ils estiment trop conservateurs. C’est en quelque sorte et en très condensé le démarrage de ce que l’on nomme aujourd’hui « l’école du Vorarlberg », un modèle de victoire régionaliste, portée par une cohésion culturelle et sociale forte ; des citoyens volontaristes, déterminés à imposer une vision pragmatique et réaliste sur des sujets de société – dont celui de la construction.

Première journée – fin d’après-midi du mardi 22 avril 2025

Pour cette première visite consécutive au voyage, Sebastian Rodemeier (ingénieur bois chez Merz Kley Partner GmbH) nous accueille et nous fait découvrir l’immeuble de bureaux « S6 » en plein cœur de Dornbirn ; réalisé en 2019 et conçu par le célèbre architecte Johannes Kaufmann – véritable promoteur local de la construction biosourcée, il est entièrement conçu en bois. La superstructure s’organise sur 5 étages (extensible à 7) autour d’une grille constructive rigoureuse dans laquelle s’organisent des poteaux et des poutres en lamibois de hêtre (Pollmeier baubuche en GL75) et des parois et planchers en CLT. Fait exceptionnel, l’entièreté des cages d’escaliers se compose également de bois, hormis les volées et paliers préfabriqués qui demeurent en béton. Les façades extérieures sont réalisées en ossature bois classique, hautement isolées et encapsulées à l’aide de panneaux résistant au feu. Un équilibrage thermique (inertie) est réalisé à l’aide de chapes semi-lourdes et de revêtements de sols en terrazzo. Le bâtiment est équipé d’une ventilation naturelle qui opère via les menuiseries extérieures.

Seconde journée – mercredi 23 avril 2025

Cette seconde journée et les suivantes marquent le début de visites intensives, exclusivement concentrées dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres.

Halle de production de l’entreprise I+R Holzbau GmbH à Lauterach

L’entreprise fondée en 1904 intervient sur l’ensemble des spécialités du bois et pratiquement l’entièreté des opérations de construction, indépendamment de l’ampleur du programme. I+R collabore par ailleurs déjà avec des entreprises luxembourgeoises sur des projets importants. Grâce au taux élevé d’automatisation et de préfabrication, elle est en mesure de répondre à des commandes importantes en volume et courtes en délais. Elle entend employer et conserver une main d’œuvre hautement qualifiée au sein de ses équipes malgré ce taux élevé d’industrialisation. Cette visite fut notamment l’occasion d’admirer les belles charpentes réalisées pour couvrir les halles complémentaires, bâties pour répondre aux commandes croissantes de l’entreprise.

Complexe scolaire à Hittisau

À la conception pour cet ensemble intégrant un bâtiment administratif, une école polytechnique et une école élémentaire, l’architecte Matthias Bär et les ingénieurs de Merz Kley Partner précédemment cités pour le premier projet de Dornbirn. La commune souhaitait favoriser l’architecture en bois ainsi qu’une collaboration étroite avec des artisans locaux. Les espaces n’étant pas occupés tout au long de l’année, ceux-ci sont mutualisés et se transforment au besoin en lieux partagés au profit des habitants, pour toutes sortes d’activités. Dans les faits, ce sont pratiquement 1 500 m³ de bois - sapins et épicéas en provenance de forêts locales (circuit très court d’une quinzaine de kilomètres), qui ont été utilisés pour la structure et les parachèvements, bien que le bourgmestre insiste sur la difficulté à mener ce type d’opération face à la concurrence (notamment internationale) sur les prix du bois ; il est même souvent nécessaire que les instances locales mettent le bois d’œuvre à disposition gratuite des transformateurs. Pour des questions de qualités sanitaire et environnementale, les bois mis en œuvre tant à l’extérieur qu’à l’intérieur demeurent non traités – en témoignent les parquets en frêne « savonnés » !

Menuiserie Markus Faißt à Hittisau

Écouter Markus raconter son métier, c’est écouter un poème, et il admet lui-même que construire en bois massif dans le respect des assemblages traditionnels n’est pas chose aisée ; chez lui, on discute fusion entre artisanat et architecture, coupe saisonnière et cycles lunaires. Les grumes de sapins blancs, d’épicéas, de hêtres ou d’essences fruitières pour la réalisation de meubles sur mesure et de placages précieux proviennent des forêts proches du Bregenzerwald, véritables espaces de biodiversité dans lesquels les arbres ont toute liberté à pouvoir se régénérer, à l’opposé de certaines monocultures productivistes frontalières ; une fois débitées, les grumes sèchent naturellement et lentement (1 cm d’épaisseur par an) dans un séchoir à ventelles ; pour l’anecdote, l’une des façades de l’atelier tout proche du séchoir rappelle le « fameux » KUB – Kunsthaus Bregenz de Peter Zumthor – et pour cause, la réalisation de ces deux derniers n’est distante que de 4 années. Mais qui donc s’est inspiré de l’autre ?

Atelier de réflexion de l’architecte Georg Bechter à Hittisau

Nous avions présenté un projet phare de l’architecte dans une édition précédente, un projet d’habitation en paille porteuse (Neomag #040 de juillet 2021). Dans son atelier de réflexion, Georg Bechter conçoit des projets mais également des luminaires minimalistes, son autre activité professionnelle. Le projet visité récupère les murs primitifs d’une ancienne grange ainsi que certaines des anciennes structures en bois tandis que les nouveaux espaces et volumes sont organisés autour de nouveaux ouvrages en bois remplis d’une isolation en paille. L’argile est omniprésente à l’intérieur, non seulement sous forme d’enduit pour le parachèvement des murs, mais également au sol sous forme de terrazzo. Une feutrine en laine de mouton disposée sur certains plafonds améliore l’acoustique des espaces de travail. Une attention particulière est portée aux apports en lumière naturelle et aux cadrages vers les paysages extérieurs, sensibles et subtils. Nous remarquons la souplesse statique prononcée du plancher en bois de la salle d’exposition, l’architecte nous expliquant avoir privilégié l’économie des matériaux au détriment de la raideur de cette structure. Nous notons enfin le traitement des façades extérieures assez intéressant et du plus bel effet, composé d’une résille de bois sobre et chatoyante.

Ensemble de logements « temporaires » en bois à Wolfurt

Au Vorarlberg comme au Grand-Duché, la question de l’abordabilité (financière) et de la disponibilité du foncier est prégnante. Jadis, les terrains demeuraient dans les familles, devenues grands propriétaires fonciers, et ne changeaient que rarement de main. Aujourd’hui c’est moins le cas, mais les prix ont graduellement augmenté pour atteindre des sommets, compliquant l’accès à la propriété des primo-acquéreurs. Pour ce projet, le propriétaire du terrain a choisi de faire construire à son compte un ensemble de logements compacts temporaires et démontables (remontables) conçus pour une durée de fonctionnement estimée à 25 années et mis en location à coût modéré ; au-delà du terme, les constructions seront en théorie démontées car une option de conservation et de revente aux occupants semble cependant envisageable. Les espaces intérieurs sont rationalisés, les fonctions partagées et mutualisables étant regroupées au sein de l’ancien bâtiment qui comprend également une unité de chauffage communautaire fonctionnant aux pellets. Les constructions sont réalisées en ossatures bois classiques, les planchers étant massifs ; en guise de fondations, nous observons des longrines préfabriquées en béton, facilement démontables et récupérables lors du démantèlement, qui ne grèvent pas le terrain.

Nous clôturons cette journée en prenant un peu de hauteur sur la ville de Dornbirn et le lac de Constance en empruntant le téléphérique menant au restaurant panoramique Karren. L’extension de ce restaurant consiste en une structure en acier préfabriquée composée de plusieurs modules, soutenue par de minces colonnes arrimées à la roche. Nous profitons du panorama en empruntant une structure en porte-à-faux aux planchers faits de caillebottis d’acier et aux garde-corps totalement vitrés. Certains décident de ne pas faire confiance aux ingénieurs !

Troisième journée – jeudi 24 avril 2025

Immeuble collectif Wertvollhaus Hof 30 à Schwarzenberg

C’est le maître-charpentier Harald Berchtold qui mène la visite de ce projet presque entièrement conçu en bois. Nous nous interrogeons sur la petitesse des bardeaux de sapin blanc qui ornent la façade (environ 5 cm de largeur), au sujet desquels Harald nous explique que jadis, ils étaient corrélés à la richesse de la famille : petit bardeau, famille aisée ! Le climat local favorise une croissance plus lente des arbres, augmentant leurs qualités mécaniques et leur durabilité, ce qui explique qu’un « simple » sapin blanc puisse durer 45 à 50 ans en façade, sans le moindre traitement ; aussi, des hivers rigoureux et des étés chauds empêchent le développement de champignons xylophages. Une fois à l’intérieur, nous sommes surpris par l’unique escalier de circulation, en bois massif, et sa conformité incendie : simple surdimensionnement et discussions constructives avec le service incendie nous répond Harald. Quant à la structure, elle se résume presqu’à un empilage de madriers non rabotés de section carrée (300 x 300 mm), assemblés traditionnellement et sans moyens mécaniques ni colles. Ces madriers proviennent de troncs entiers dont les « déchets » de coupes sont récupérés pour d’autres éléments du bâtiment, notamment la fabrication de planches. Nous terminons la visite par les combles où nous contemplons une sublime charpente assez atypique - faite selon les habitudes de construction locales, composée de jambes de force et d’un double entrait peu commun.

Hôtel de Ville de Hohenems

Afin d’encourager la construction vertueuse et récompenser les projets les plus méritants au travers de l’obtention de subsides, le Vorarlberg a établi un système à points (sur un total de 1 000) qui évalue les aspects durables et circulaires d’une construction. Avec un score établi à 960, la nouvelle mairie est très proche du maximum établi. Hormis le béton employé pour la cage d’escalier et les colonnes du rez-de-chaussée, préférées en cas de collision accidentelle d’un véhicule (voirie proche), la quasi-entièreté du bâtiment est faite de bois : lamellé-collé d’épicéa pour la superstructure, planchers massifs structurels à profil spécifique intégrant une laine de bois phonique (type Sohm Holzbau), parquets et cloisons de séparation en frêne, bardages extérieurs en épicéa non traité, menuiseries extérieures en sapin blanc, … tandis que les autres matériaux répondent aux préceptes du Cradle to Cradle. Ce qui surprend le plus est sans doute la minutie extrême avec laquelle les éléments sont assemblés et ajustés. Les bureaux sont disposés en périphérie afin de privilégier une lumière naturelle. Le directeur du chantier Marc Inama nous informe enfin de la rapidité d’exécution de la superstructure, soit 2 étages montés par semaine, et un dernier chiffre saisissant : le cubage total du bois nécessaire au projet correspond à 10 minutes de croissance de la forêt autrichienne, qui couvre 50 % du territoire.

Jardin d’enfants à Kreuzfeld, Altach

Les espaces extérieurs sont conçus sans voiture et nous déambulons au travers d’aménagements très qualitatifs. L’école maternelle accueille deux groupes d’âges, de 1 à 3 ans et de 3 à 6 ans, pour un total d’une centaine d’enfants. Le projet s’organise autour d’un rez-de-chaussée lumineux comprenant les bureaux, la cuisine, les espaces collectifs, les espaces de repos et de psychomotricité ; l’étage comprend les classes, chacune munie d’un accès vers une coursive extérieure couverte, et la cuisine des plus petits pour éviter les déplacements de ceux-ci entre étages. Encore une fois, le bois est roi, tant en structure qu’en parachèvement, et une attention particulière est portée aux traitements afin de garantir le plus haut degré sanitaire pour la qualité de vie des enfants et des personnels enseignants et accompagnants. Les espaces dégagent une atmosphère de sérénité et de bien-être, éléments ayant sans doute collaboré à l’obtention du Prix de construction en bois du Vorarlberg 2023 – catégorie « bâtiment public ».

École primaire Unterdorf, Höchst

Avec une conception de plain-pied, très étalée donc thermiquement déperditive, le parti architectural ne fut pas simple à défendre auprès du client nous explique Patrick Stremler du bureau Dietrich Untertrifaller Architekten. En définitive, ce choix (et l’organisation des espaces internes) fonctionne admirablement avec l’approche pédagogique Montessori qui regroupe les enfants en « clusters » ; les architectes ont veillé à ouvrir les espaces, à baigner ces derniers de lumière et à supprimer une majorité des portes. Pour ne pas allonger indéfiniment les réseaux, les espaces bénéficient de systèmes de ventilation décentralisés. L’école fait un usage extensif de CLT collé pour la structure, laissé apparent. Certains sols sont réalisés en terrazzo, choix largement rencontré tout au long des projets visités, d’autres en linoleum de teinte rouge vif, teinte choisie pour son effet stimulant et son adéquation avec les tons chauds du bois laissé exposé.

Domaine Peterhof, Zwischenwasser

Nous terminons cette riche journée en altitude, à la découverte d’un complexe hôtelier conçu par Baumschlager Eberle, accueillis par le propriétaire des lieux, Patrick Schmid. Le bâtiment principal, surmonté d’une impressionnante toiture couverte avec pas moins de 7 tonnes de cuivre exécuté à joints debouts, regroupe les cuisines, un bar et le restaurant. Nous sommes impressionnés par l’architecture sobre, élégante et finement parachevée ; tout au long des sentiers discrets, l’éblouissement se poursuit à la découverte des chalets, très justement intégrés à la topographie accidentée des lieux, recouverts de bardeaux en mélèze typiques de la région. L’architecture regorge de détails truculents, les espaces sont harmonieux et très chaleureux ; le bois est toujours omniprésent, jamais ostentatoire. Nous ajoutons ce lieu à la longue liste de ceux où il nous faudra revenir.

Quatrième et dernière journée – vendredi 25 avril 2025

Entreprise Lehm Ton Erde, Schlins

Nous quittons pour une matinée le bois ; les passionnés d’architecture en terre (et les autres) connaissent le travail pertinent et passionné de Martin Rauch - principalement au travers du pisé, bien qu’il soit céramiste de formation. Avec Sina Grasmück, nous démarrons la visite de son atelier originel d’où il démarrera ses expérimentations, pour constater que ses premiers prototypes et ouvrages en terre sont toujours bien en place, certains ragréés ou réparés, mais bien conservés. L’atelier jouxte la maison de terre construite plus tard pour sa fille, dont la modénature est assez caractéristique. Nous nous dirigeons ensuite vers la propre habitation de Martin Rauch - conçue avec la terre d’excavation du site et en collaboration avec l’architecte suisse Roger Boltshauser, que nous n’aborderons que de l’extérieur mais qui nous laisse néanmoins admirer la plastique des murs en pisé dont les lits de terre compactée sont interrompus à intervalles réguliers par des lits de tuileaux en terre cuite afin de limiter et ralentir l’érosion des façades. Depuis le garage, nous découvrons la structure du plancher du premier étage, réalisée à l’aide d’un système original et simple à poutrains et claveaux de terre cuite.

Nous poursuivons avec la visite très attendue de l’unité de production des murs en pisé de terre. L’audace de Martin Rauch a consisté à préfabriquer cette technique ancestrale de manière à la systématiser/rationaliser, à réduire la fatigue et les aléas du travail artisanal sur site et, en quelque sorte, à la « techniciser » ; l’outil de production muni de fouloirs automatisés est impressionnant, il permet de fabriquer des parois d’épaisseur comprise entre 8 et 90 centimètres sur une longueur de 50 mètres, avant qu’elles ne soient divisées en éléments plus courts, transportables sur chantier. La visite est utile, très appréciée, et rappelle que la terre est un allié de choix pour tout qui construit en bois : en apportant sa capacité à réguler l’hygrométrie ainsi qu’une faculté à apporter de l’inertie thermique, la terre contribue à créer des espaces sains et confortables.

Centre communal de Ludesch

Au sein de ce superbe projet conçu par Hermann Kaufmann, cette fin de matinée sera l’occasion d’une rencontre avec Wolfgang Mair, responsable de la filière bois du Vorarlberg. Une occasion supplémentaire de découvrir comment, depuis une contrée jadis peu « considérée » par ses voisines plus développées, s’est construite une véritable culture de l’excellence autour de la filière du bois et autour d’une conscience « populaire » de l’écologie, largement validée. La dernière visite de la prévôté de Saint-Gerold n’est pas couverte par le présent article.

Que retenir ?

La clef de voûte de la réussite de l’École du Vorarlberg tient indubitablement à une conjonction unique ; une volonté politique et citoyenne forte, qui choisit d’unifier culture, nature, artisanat et exploitation des ressources au service de la société et de l’économie locale, dans le respect de l’environnement. C’est également une leçon de pragmatisme, de dialogue et de concertation, car l’architecture qui s’y est développée a su se défaire des conventions pour se réinterpréter et se réinventer, en beauté.


Vers l’autonomie énergétique d’une région entière

Ces succès écologiques, fruits de l’engagement de toute la population en faveur de la protection de l’environnement, sont aussi à mettre au crédit d’une politique publique volontariste poursuivie dans la durée. Herbert Sausgruber, ministre-président du Land entre 1997 et 2011, a fait de la protection du climat et de la limitation des gaz à effet de serre la pierre angulaire de sa politique. Son objectif ? Atteindre l’autonomie énergétique en 2050. A cette date, l’électricité, le chauffage et les carburants devront tous être issus de ressources renouvelables locales. Pour y parvenir, les autorités misent, comme l’association française NegaWatt, sur le trio sobriété, efficacité énergétique et énergies renouvelables, explique Dominique Gauzin-Müller. Aujourd’hui, l’énergie hydraulique couvre 97 % des besoins en électricité du Land. Une centaine de centrales de chauffage à bois avec réseau de chaleur - une par commune, ont été mises en services en quinze ans. Le nombre d’installations solaires photovoltaïques encouragées par un prix de rachat très attractif est, lui aussi, en forte hausse. En 2008, 160 000 m2 de capteurs solaires thermiques pour l’eau chaude sanitaire avaient déjà été installés dans le Vorarlberg, soit 0,45 m2 par habitant, vingt fois plus qu’en France. La même année, 20 % de l’énergie nécessaire au chauffage était fournie par la biomasse. (source : texte d’Éric Tariant pour le site www.utopiesdaujourdhui.fr, sous l’aimable proposition de M. Norbert Nelles, architecte, co-fondateur du groupe Artau, professeur et ex-doyen de la Faculté d’Architecture de l’ULiège).

Textes et illustrations : ©Régis Bigot, Arch. & Innovation Project Manager Neobuild GIE ; paragraphe d’introduction par Admon Wajnblum et Aurore Leblanc, Ligne Bois asbl.
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Infrastructures sportives à Daillens (Vaud, Suisse) par localarchitecture
Infrastructures sportives à Daillens (Vaud, Suisse) par localarchitecture

Avec une attention particulière aux principes constructifs et au choix réfléchi des matériaux, le projet développé par localarchitecture agrège simplicité, cohérence, justesse et économie, sans oublier une douce poésie volumétrique. Une petite perle dans son écrin de verdure vaudoise.

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Par sa faible empreinte environnementale, le projet des nouveaux vestiaires et buvette du centre sportif de Daillens est ambitieux et précurseur, et ce malgré un programme modeste. La commune possédait depuis les années septante des vestiaires devenus trop vétustes pour être rénovés. Elle décide par conséquent de fournir de nouvelles infrastructures à son équipe de football, le FC Venoge.

Le bâtiment s’organise suivant l’axe du terrain de football et s’étire avec élégance, coiffé d’une grande toiture en métal. Fin comme une feuille de papier, son faîte souligne les crêtes du Jura en arrière-plan. Principalement construit en bois, le bâtiment d’une emprise au sol inférieure à 400 m2 accueille des vestiaires et des douches pour les joueurs, mais aussi une buvette, des locaux annexes et un espace pour le club de pétanque.

Matériaux locaux et sur mesure

Si le mélèze utilisé provient en premier lieu des forêts communales, les 1 200 bottes de paille en petit format qui isolent les parois - fabriquées sur mesure grâce à de vieilles botteleuses remises en service pour l’occasion, sont fournies par les agriculteurs du village ; c’est la dimension d’une botte qui structure l’ensemble du projet et sert de référence au développement de ses moindres détails. Les ossatures en bois massif des murs ont été préfabriquées et isolées en atelier. La structure primaire est formée de 37 portiques répétitifs en bois lamellé-collé qui se répartissent équitablement en plan, selon la dimension des bottes de paille également. Ces ossatures élémentaires en sapin sont munies de consoles de longueurs variables et supportent le bardage teinté en vert et la fine toiture de métal ondulé.

Concavité accueillante

Le corps du bâtiment, protégé par un élégant débordement de toiture courbé, se divise en quatre volumes distincts qui s’organisent symétriquement depuis l’axe du terrain de sport. Ces volumes chauffés sont séparés par des espaces traversants couverts qui offrent des lieux de rencontre pour les équipes et, au centre, un vide commun où prend place la buvette. La grande coursive d’accès est rythmée côté terrain par la structure répétitive en bois ; côté champs, elle s’étend du parking vers l’horizon agricole et représente un long espace couvert qui permet l’accès au lieu à tous les usagers. Le bâtiment est légèrement détaché du sol, d’une hauteur de banc. Un esprit pavillonnaire qui offre une assise accueillante sur son pourtour lors de matchs ou pour profiter du soleil coté Jura.

Poétique composition

Entre les cadres clairs en bois naturel de la structure porteuse, les feuilles vertes formées de panneaux en planches de mélèze s’empilent et évoquent les bottes de paille qu’elles dissimulent. La ventilation est mise en valeur par des intercalaires en bois clairs également. Des éléments venant du monde de l’agriculture, comme la tôle de la toiture ou les grilles à fumier de sol, contrastent avec la sophistication de l’architecture du bois qui rend hommage au savoir-faire, à l’artisanat et à la souplesse de ce matériau.

Réutilisation attentive

Outre l’usage de matériaux locaux limitant les transports, une attention particulière a été portée à la réversibilité des éléments de construction. Le bâtiment a été pensé dans une logique de construction simple qui permet d’imaginer simultanément son éventuelle déconstruction. Dans un élan similaire, le réemploi d’éléments de l’ancienne infrastructure a été favorisé. L’ancien lavoir à chaussures a par exemple été replacé, de même que l’une des anciennes guérites du terrain qui dissimule une pompe à chaleur extérieure. Des panneaux photovoltaïques posés en surimposition alimentent en électricité les équipements et la pompe à chaleur. Un équilibre entre consommation et production est ainsi pratiquement atteint. L’usage du béton se limite au strict minimum au travers de fondations filantes.

Inauguré en septembre 2024, ce projet incarne discrètement une démarche aboutie à une époque marquée par le souci de responsabiliser l’homme vis-à-vis de ses ressources et son cadre de vie.

Textes originaux : ©localarchitecture ; adaptations & compléments : Régis Bigot, Arch. & Innovation Project Manager Neobuild GIE
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Illustration : ©Matthieu Gafsou


Datas

Architectes : localarchitecture, Laurent Saurer, Antoine Robert-Grandpierre, Andrew Hugonnet
Maître d’ouvrage : Commune de Daillens, VD, Suisse
Ing. stabilité bois : Bureau Cambium, Yverdon-les-Bains Ingénieur civil
Ing. stabilité générale : 2M, Yverdon
Ing. HVAC : Energa SA, Yverdon-les-Bains/Lausanne
Paysagiste conseil : Pascal Heyraud sàrl, Neuchâtel

Construction bois : Amédée Berrut SA, Collombey
Préfabrication : E préfabriqué Sàrl, Pompaples
Menuiserie extérieure : Gindraux SA, Le Mont-sur-Lausanne
Menuiserie intérieure : Gallarotti Sàrl, Carouge

Récompense : Die Besten 2024, Hochparterre, Bronze Hase

La Croix-Rouge luxembourgeoise et la construction humanitaire durable
La Croix-Rouge luxembourgeoise et la construction humanitaire durable

Depuis des cases en bambou résistantes aux cyclones à Madagascar à des abris en terre au Burundi qui préviennent le déboisement, le Shelter Research Unit (SRU) de l’Aide Humanitaire de la Croix-Rouge luxembourgeoise développe des solutions innovantes pour offrir un toit aux populations vulnérables.

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Actuellement présente dans 8 pays africains ainsi qu’en Ukraine et au Népal, elle s’appuie sur une équipe d’architectes spécialisés dans les abris d’urgence et les établissements humains ; axée sur la conception de solutions sur mesure, cette équipe assure que chaque réponse soit pleinement adaptée, et tient compte des défis et des spécificités de chaque contexte de crise.

Entre innovation de pointe et sagesse de la tradition

Si l’unité devait avoir une devise, elle serait très certainement « innovation et tradition », une formule qui résume parfaitement le modus operandi de chacun de ses projets. Deux notions qui à première vue peuvent sembler opposées, mais qui selon leur expérience forment ensemble la base des meilleures solutions constructives. Dans des contextes complexes de conflits armés prolongés ou de chaos post-catastrophe naturelle, souvent marqués par des marchés locaux appauvris, des chantiers à risques et un manque de main-d’œuvre, utiliser et réinventer les ressources déjà disponibles sur place constitue bien souvent le meilleur point de départ. Simultanément, les innovations et recherches les plus récentes dans les domaines de la construction et de l’ingénierie des matériaux jouent un rôle clé. Une combinaison gagnante, selon eux, pour développer des solutions contextualisées capables de répondre aux défis multifactoriels qui se posent de plus en plus à l’architecture humanitaire.

Des solutions sur mesure pour chaque contexte

Un exemple récent au Tchad, proche de la frontière soudanaise : au cours de l’une de ses dernières missions sur le terrain, l’équipe technique a constaté, dans un des camps de réfugiés de la province d’Ouaddaï - à la frontière du conflit au Darfour -, que la plupart des ménages dans le besoin avaient reçu un abri d’urgence ; en pratique, beaucoup d’entre eux continuaient à dormir dehors, vulnérables aux intempéries. En cause, l’incompatibilité manifeste entre les matériaux standardisés utilisés dans les abris d’urgence et le climat du Sahel, marqué par des étés étouffants (températures souvent au-delà des 45 °C), ainsi qu’une saison des pluies courte et intense, provoquant presque chaque année des inondations. À la recherche d’alternatives, l’Aide Humanitaire a développé et testé, au cours des derniers mois, un nouveau prototype d’abri évolutif issu d’un concours entre étudiants (1re conférence scientifique « Innovation in Humanitarian Habitat ») organisé en 2023, et financé par la Fondation Veuve Émile Metz-Tesch (FVEMT). Pour la structure, ils ont comme d’habitude eu recours au bois, ne consommant qu’une demi-quantité relativement aux modèles déjà en usage, grâce à l’emploi de fondations sèches permettant de réutiliser les poteaux de la première structure temporaire.

Les murs - dans un premier temps prévus en nattes végétales, puis ensuite en briques de terre - offrent un contrôle passif de la température intérieure, contrastant fortement avec les bâches plastiques ou les panneaux de PVC couramment utilisés qui créent un effet de serre et contribuent, en fin de cycle, à l’augmentation de déchets urbains.

Découvrir et faire redécouvrir les matériaux biosourcés et régénératifs

Une fois les abris-test construits et les premiers résultats prometteurs obtenus, l’unité a lancé une série d’initiatives parallèles pour garantir la durabilité du modèle proposé, en renforçant les capacités et les marchés locaux et en combattant l’idée selon laquelle ces matériaux naturels seraient dépassés et contraires au progrès.

Au Tchad, même si la communauté-hôte et les réfugiés considèrent traditionnellement la terre comme un matériau de construction par excellence, le SRU a relevé une méconnaissance de certaines bonnes pratiques – comme le besoin de bien tamiser et malaxer – et a organisé des formations ainsi que des actions d’échanges techniques afin d’assurer l’amélioration de la qualité des futurs abris construits.

Bâtir l’avenir avec de nouvelles collaborations « gagnant-gagnant »

Dans un monde de plus en plus instable où les besoins humanitaires ne cessent de croître, l’Aide Humanitaire de la Croix-Rouge luxembourgeoise est convaincue que l’une des meilleures réponses réside dans la rencontre entre les dernières avancées issues des secteurs privé, académique et institutionnel, et le savoir-faire local et humanitaire.

Reprenant le projet pilote au Sahel comme exemple, un consortium entre les Croix-Rouge du Luxembourg et du Tchad, une architecte luxembourgeoise et un centre de recherche européen a été créé pour étudier une alternative à plus faible impact environnemental pour les toitures, portes et volets de ces abris. Et si ce type de collaboration devenait la norme ? Des consortiums similaires pourraient, selon les architectes de l’unité, ouvrir la voie à de nouvelles solutions pour faire face aux chaleurs extrêmes, encourager le recyclage et la réutilisation des matériaux ou même contribuer à réduire significativement l’empreinte carbone globale des opérations de construction humanitaire.

Ana Carolina Helena, gestionnaire de projets Aide Internationale de la Croix-Rouge luxembourgeoise
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Et si la maison du futur tenait dans un container ?
Et si la maison du futur tenait dans un container ?

Toujours en recherche de nouvelles formes d’habitat, CDCL s’est associée au designer Steve Krack pour le déploiement au Luxembourg d’un concept innovant : HUUS - qui veut dire « maison » en suisse allemand - est un module d’habitation mobile, léger et modulable, qui n’impacte pas les terrains restants et reste très compétitif en termes de prix.

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Interview de Steve Krack, designer du HUUS

Vous avez développé le concept HUUS. Qu’est-ce que c’est exactement ? Une tiny house ?

Je ne suis pas fan du terme « tiny house », car il désigne une petite maison, mais qui occupe un grand terrain sur une longue durée, donc qui ne tire pas pleinement parti du potentiel de ce terrain.

Je préfère le mot « module » qui reflète mieux notre concept : les modules peuvent être déplacés rapidement, en une seule opération, ils sont plus flexibles, plus réactifs, et bien plus dynamiques qu’une tiny house.

Le HUUS est, en réalité, un container maritime reconditionné. À l’origine utilisé pour le transport – vous pouvez d’ailleurs encore voir des bosses et des marques d’usure sur le prototype -, nous lui avons donné une seconde vie dans une démarche d’économie circulaire.

Pourquoi des containers ?

Parce que ce sont des éléments en métal, étanches, robustes, qui offrent un excellent rapport qualité-prix : un container de seconde main coûte entre 1 500 et 2 000 euros environ.

Quelles sont les dimensions d’une HUUS ?

Les containers standards mesurent 20 ou 40 pieds. Nous utilisons le modèle de 20 pieds, qui mesure 6,06 m de longueur, 2,44 m de largeur et 2,59 m de hauteur. Avec l’élément supérieur qui constitue l’étage, le HUSS offre une surface habitable d’environ 25 m2.

Pourquoi ne pas avoir superposé deux containers pour créer cet étage ?

Pour éviter d’altérer l’esthétique et donner une identité visuelle au module, j’ai préféré ajouter un élément avec un design spécifique, un peu comme un chapeau. C’est l’atelier de ferronnerie Besenius qui a fabriqué ce chapeau, mais pas seulement. Tout est en métal, y compris à l’intérieur : les fenêtres, comme l’îlot de cuisine ou le support du lit. Le métal est un matériau facilement recyclable, qui est aussi très simple à mettre en œuvre tout en restant économique.

Pouvez-vous nous parler de l’intérieur, justement ?

J’ai passé des années à travailler sur cet aménagement, et je trouve qu’il fonctionne vraiment bien. Il se compose d’une zone d’accueil avec un plan de travail adossé au mur qui peut servir de bureau ou de table pour prendre les repas, d’une cuisine avec un coin préparation, un coin pour le frigo et des rangements coulissants qui servent aussi de porte pour la salle de bain et les toilettes, d’un vestiaire sous l’escalier, ainsi que d’une chambre spacieuse à l’étage. À l’arrière, un local technique est accessible par l’extérieur.

Comment l’isolation a-t-elle été réalisée ?

Le prototype est isolé avec de la mousse PU, mais je ne suis pas un grand fan de ce matériau, car il est difficile à recycler. Et dans une perspective circulaire, il est important de repenser l’approche. C’est pourquoi, pour les prochains modèles, je prévois d’utiliser un isolant - utilisé notamment pour les navettes spatiales - qui permettra « d’emballer » le module de l’intérieur, et qui pourra donc être simplement « déballé » par la suite.

Pourquoi pas un isolant écologique ou biosourcé ?

Car, avec ce type de matériau, il est difficile d’obtenir des garanties. Si l’isolant laisse des espaces libres, de la condensation va vite apparaître avec le métal, et je veux absolument éviter cela. Pour garantir une durée de vie de 20 à 30 ans, je ne suis pas à l’aise avec des matériaux comme le papier, le foin ou la laine. Je veux d’abord être sûr à 1000 % du constructeur et avoir des fiches techniques claires qui garantissent les performances du produit.

Quelles sont les caractéristiques techniques du module ?

Il est équipé de deux ventilations double flux décentralisées : l’air entrant est tempéré à 19°C, tandis que l’air vicié est extrait en continu. Un boiler de 80 l assure la production d’eau chaude, et deux radiateurs électriques, fournis par notre partenaire Viessmann, permettent de chauffer l’espace.

Nous avons aussi optimisé tous les chemins de câbles afin de réduire les longueurs au strict minimum. Cette approche s’inscrit dans une démarche minimaliste en consommation de matériaux et en coûts, mais sans compromettre le confort - un point essentiel du cahier des charges de CDCL.

Côté sécurité incendie, la structure est ultra sèche, sans matériaux inflammables : rien ne prend feu.

Pas de panneaux solaires ?

Non, car la consommation énergétique est très faible : en moyenne 2 à 2,5 kWh par jour. C’est trop peu pour que l’investissement dans des panneaux soit réellement intéressant.

À qui s’adresse ce produit ?

Le marché immobilier subit une pression croissante : tout est à l’arrêt depuis 4 ans dans la construction et tout le monde s’est réfugié dans la location, où les prix ont donc grimpé en flèche. Aujourd’hui, un studio de 25 m2 peut coûter jusqu’à 15 000 euros le m2 à l’achat et se louer entre 1 000 et 1 400 euros. Autant dire que la rentabilité est quasi inexistante. En comparaison, le coût d’un module est d’environ 100 000 euros, avec un loyer compris entre 800 et 1 200 euros, donc une rentabilité bien meilleure.

Qui pourra y vivre ?

Un expatrié, par exemple, qui ne souhaite pas partager une colocation ou vivre dans une chambre chez un marchand de sommeil, mais qui veut son propre espace, pouvoir fermer sa porte et payer un loyer raisonnable.

Deuxième public : le secteur social. Ce type de logement peut offrir une 2e chance à quelqu’un qui traverse une mauvaise passe en lui permettant de disposer d’un espace personnel, sécurisé, avec une prise pour recharger son téléphone, un endroit où enfiler une cravate pour aller à un entretien, à un prix réduit.

Enfin, le tourisme : c’est un marché où le rendement est excellent. Le module offre un concept d’hébergement accessible à tous, avec une suite indépendante, sans espaces communs à partager.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Immeubles flexibles : les bâtiments modulaires d'ALHO
Immeubles flexibles : les bâtiments modulaires d’ALHO

Les défis écologiques de notre époque rendent la réorientation du secteur de la construction nécessaire. En commençant par une planification globale, l’utilisation de matériaux respectueux de l’environnement, la conservation des ressources dans la production, la construction et l’exploitation, jusqu’au démantèlement et à la réutilisation.

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ALHO s’est fixé pour objectif d’être un pionnier pour un meilleur bilan environnemental dans le secteur de la construction grâce à sa méthode de construction modulaire circulaire avec des structures de bâtiments flexibles et démontables.

Les ressources de notre planète sont aujourd’hui utilisées de manière intense, même s’il est clair depuis longtemps qu’elles ne sont souvent plus disponibles qu’en quantité limitée. Le secteur de la construction est traditionnellement l’un des secteurs économiques les plus gourmands en ressources.

Toutefois, il ne suffit pas d’aborder le thème de la durabilité des bâtiments en se basant uniquement sur la consommation de ressources lors de l’exploitation. Il est nécessaire de considérer l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, des matériaux de construction à la déconstruction et au recyclage, en passant par la conception, l’exploitation et la transformation. En effet, la fabrication des matériaux ainsi que la construction et la démolition d’un bâtiment consomment justement de grandes quantités d’énergie. Cette énergie est appelée « énergie grise » et représente près de la moitié du bilan énergétique d’un bâtiment au cours de son cycle de vie.

En comparaison, la construction modulaire ne nécessite que peu d’énergie grise. Dans ce contexte, outre la production optimisée en matière de ressources, ce sont surtout la flexibilité de la réutilisation et la facilité de la déconstruction qui ont un effet positif sur l’empreinte écologique.

La flexibilité, un critère de la durabilité

La société allemande pour la construction durable (DGNB) est l’une des institutions principales pour l’évaluation de la durabilité des bâtiments. Selon le type de bâtiment, jusqu’à 40 critères de durabilité sont pris en compte dans l’évaluation. Un critère essentiel de la durabilité selon la DGNB est la possibilité de réutilisation. Les bâtiments modulaires offrent ici des avantages considérables. La base en est l’ossature métallique autoportante du système de construction ALHO. Il en résulte la possibilité d’adapter de manière flexible les bâtiments modulaires à l’évolution des exigences et des utilisations ultérieures par des modifications du plan. Les murs peuvent être déplacés ou ouverts, la surélévation et l’extension sont possibles sans problème et en très peu de temps. Le système de construction modulaire est donc extrêmement flexible et très bien adapté aux modifications et aux changements d’affectation ultérieurs.

Les bâtiments modulaires présentent toutefois une autre particularité parmi les bâtiments permanents, car ce sont des « immeubles mobiles ». La construction modulaire en acier permet de déconstruire les bâtiments en les démontant en modules individuels, puis en les transportant vers un autre endroit où ils seront à nouveau assemblés. Grâce à l’ossature en acier, les bâtiments peuvent ainsi avoir une deuxième vie - ou une troisième, une quatrième...

Bonnes pratiques : de la modernisation à l’immeuble mobile

De multiples exemples au Luxembourg montrent à quel point les bâtiments modulaires ALHO sont flexibles lorsqu’il s’agit de les adapter aux besoins actuels, de les réutiliser sur un autre emplacement ou de les réaffecter complètement sur un nouveau site. Deux exemples peuvent être nommés.

Le premier concerne un bâtiment scolaire. En 2010, ALHO a réalisé pour la commune de Préizerdaul à Bettborn une extension avec trois salles de classe, des sanitaires et un local technique. En été 2023, le bâtiment scolaire a été déplacé à l’intérieur de Bettborn. Pour ce faire, la façade et la toiture du bâtiment, ainsi que les sols, les plafonds et les murs aux joints des modules sont ouverts. Les modules sont ensuite séparés les uns des autres et transportés vers le nouvel emplacement. Tout cela se déroule pendant les vacances d’été, de sorte que le bâtiment scolaire puisse être mis en service sur le nouveau site pour la rentrée scolaire.

Le second est un immeuble de bureaux qui se transforme en école. Le monde du travail évolue - le travail mobile ou le home office ont fait leurs preuves en pandémie par nécessité et font désormais partie du quotidien des salariés. C’est pourquoi le besoin en surfaces de bureaux stagne et que les propriétaires envisagent de réaffecter les surfaces. C’est là que les bâtiments d’ALHO jouent pleinement leur rôle de flexibilité. Ainsi, un immeuble de bureaux de trois étages, utilisé jusqu’à présent par Enovos à Strassen, y a été démonté en été 2022. Après un stockage intermédiaire - rendu nécessaire par la nécessité de conserver l’ordre des étages pour des raisons statiques - le bâtiment a été réassemblé à Clervaux. Grâce à la structure en porte-à-faux avec des murs non porteurs, il a été possible d’adapter la répartition des pièces à l’intérieur aux exigences du nouvel utilisateur, le lycée Edward Streichen. En ouvrant les murs, plusieurs anciens bureaux ont été simplement reliés pour former une salle de classe. Dans le même temps, le bâtiment a été complété par 15 modules nouvellement fabriqués et a ainsi été agrandi de 5 axes sur 3 étages.

La construction modulaire, un précurseur en matière de préservation des ressources

Les exemples décrits par ALHO démontrent que les idées d’une utilisation plus durable des bâtiments peuvent déjà être mises en œuvre dans la construction modulaire en raison de la flexibilité du système de construction. Ainsi, la construction modulaire en acier est l’un des précurseurs dans le secteur du bâtiment en matière de durabilité et d’efficacité des ressources.

Photo : Lycée Edward Streichen à Clervaux - ALHO Holding GmbH
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

Choix techniques et matériaux ambitieux : le courtier défend ses clients
Choix techniques et matériaux ambitieux : le courtier défend ses clients

Au Luxembourg, le secteur de la construction connaît une modernisation rapide, portée par des impératifs de durabilité, d’efficacité énergétique et d’innovation.

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L’introduction de nouveaux matériaux (béton bas carbone, isolants biosourcés…) et l’accroissement de l’usage de technologies connectées dans les bâtiments posent de nouveaux défis, notamment sur le plan assurantiel. Dans ce contexte, le rôle du courtier en assurances s’avère stratégique.

Lorsque vous êtes porteur d’un projet de construction, la couverture d’assurance est un sujet crucial. Le courtier intervient alors comme intermédiaire expert entre les promoteurs, maîtres d’ouvrage, entreprises, et les compagnies d’assurance. Il joue un rôle central pour sécuriser les chantiers, en anticipant les risques spécifiques liés aux matériaux innovants ou aux systèmes techniques embarqués dans les bâtiments. Un décalage persiste entre l’ambition technique croissante des projets et la capacité des assureurs à accepter ces nouveaux risques. Les garanties sont parfois limitées ou assorties de réserves car les compagnies restent parfois prudentes face à des matériaux ou procédés peu éprouvés, sur lesquels il y a encore peu de recul sur les comportements face aux sinistres. Le courtier, par sa compréhension technique du projet et sa maîtrise de l’usage sur le marché assurantiel luxembourgeois, permet de traduire ces innovations en garanties assurables. Il peut accompagner le client dans la constitution d’un dossier technique solide, dans la souscription de contrats adaptés (police Tous Risques Chantier ou assurance décennale) et dans la gestion des sinistres qui peuvent survenir durant le chantier ou pendant la période décennale.

Les sinistres sur les chantiers ou à la fin de la période de construction peuvent engendrer des situations complexes, des discussions techniques entre le maître d’ouvrage, l’architecte, les ingénieurs, les entreprises, les experts et l’assureur. Le courtier intervient alors comme médiateur, capable de défendre les intérêts de son client, de recontextualiser les choix techniques faits au départ et de faciliter l’indemnisation. Il aide également à structurer le dossier sinistre, à fournir les éléments de preuve (fiches techniques, documentation constructeur, rapports de chantier…) et à répondre aux objections éventuelles des compagnies. Dans un environnement où l’innovation peut encore faire peur, le courtier agit comme garant de la bonne foi et de la transparence du projet, tout en maintenant le dialogue avec les compagnies.

Plus qu’un simple intermédiaire, le courtier devient un acteur de confiance dans la gestion du risque, avant, pendant et après le chantier. Son accompagnement permet de faire le lien entre ambition architecturale, technologies durables et réponse assurantielle adaptée, y compris lorsque le sinistre met à l’épreuve les choix techniques les plus audacieux.

Vanessa Krackenberger, Client Manager chez AlliA Insurance Brokers Luxembourg
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

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