
Une démonstration de sobriété constructive et énergétique
En juin 2025, à Bettembourg, s’est tenue l’inauguration de l’immeuble de bureaux Dellizotti. L’événement a débuté par une conférence où l’équipe de maîtrise d’œuvre a détaillé les caractéristiques du projet. Près d’une centaine de participants, venus du Luxembourg, des pays frontaliers et des Pays-Bas, étaient présents.
Paul Schosseler, directeur de la cellule construction durable au ministère de l’Économie et nouveau président de Neobuild GIE, débutait les échanges avec quelques mots de bienvenue et d’encouragement pour un futur construit plus résilient.
Rappel des piliers du projet
Le premier pilier concerne le développement conceptuel et technique collaboratif s’étant déroulé en bouw[bau]team, chaque partenaire ayant activement contribué à l’évolution du projet : résolution des détails techniques par réflexion et itération, apport d’idées novatrices, principe du consensus, le travail en équipe permet un gain de temps considérable sur la phase d’études, mais également après, l’idée étant de résoudre les aspects techniques bien en amont de la phase d’exécution. Ce qui fût rappelé et détaillé par l’architecte Yvore Schiltz du bureau AU21 et Francis Schwall, ancien directeur de Neobuild aujourd’hui responsable de coordination et d’intégration des procédés hors-site chez DZ Construct, l’entreprise générale ayant œuvré au projet.
Le projet se focalise sur une réduction importante de la consommation des ressources, tant pour le gros-œuvre que pour les fermetures et les parachèvements de l’immeuble, ce qui induit un calcul strict des besoins, l’usage de matériaux multifonctionnels - peu transformés et au possible géo et biosourcés (bois, paille, terre, chaux, caoutchouc), réemployés ou recyclés, ainsi qu’une réduction volontaire des « couches » de matériaux. Le projet est conçu pour être entièrement démontable, au mieux remontable à un autre endroit, au moins réutilisable au travers de ses composants, au pire recyclable ou compostable ; le squelette en béton armé, utile au concept énergétique par sa forte masse, est ainsi entièrement préfabriqué in situ et assemblé mécaniquement, facilitant son démantèlement ultérieur. L’enveloppe du bâtiment, conçue en modules de façade préfabriqués « bois-paille-terre », partage ce principe d’assemblage ; comme le rappelle Julien Lefrancq de l’entreprise PailleTech, l’enveloppe est thermiquement très performante, perspirante, étanche à l’air, et littéralement « déposée » et « arrimée » à la superstructure avec la plus grande précision. Cette façade séquestre à elle seule près de 100 tonnes de carbone.
Le projet profite d’une grande systématisation et simplification dans sa conception : répétitivité et simplicité des composants (structure, façades, éléments de menuiseries, etc.), organisation spatiale suivant un plan libre permettant une grande flexibilité d’usages, peu d’encastrements techniques, réduction volontaire de finitions jugées peu ou non nécessaires.
Autre pilier fondamental, le concept énergétique 22-26
Aucun système de chauffage, de refroidissement ni de ventilation mécanisée (hormis pour les sanitaires) ; c’était évidemment le principe technique majeur, en première luxembourgeoise, pour lequel nombre d’inscrits s’étaient déplacés, y compris de loin. Axel Meier, directeur de 22-26 GmbH et Brunello Favilla, architecte et coordinateur système, avaient fait le déplacement depuis Lustenau en Autriche pour présenter les résultats de l’étude et les principes de conception ayant prévalu. Ce n’est pas sans une pointe d’humour que Gilles Christnach, directeur du CRTI-B, puis ensuite Élise Rein de Betic Part of Sweco ont rappelé la nécessité d’adapter la législation et les outils de certification en vigueur au Luxembourg afin que demain, il soit rendu possible aux concepteurs – architectes et ingénieurs - d’user de ce concept (ou d’autres) qui supprime une grande part des installations techniques et qui réduit considérablement les opérations de maintenance dans le temps. Une approche trop dogmatique ou trop restrictive de la façon dont la technique de nos bâtiments doit être conçue empêche parfois (souvent ?) aujourd’hui aux bonnes idées et aux solutions simples de voir le jour, raison pour laquelle - à l’image de ce qui se produit en d’autres endroits d’Europe - il est nécessaire de repenser la globalité de l’approche législative, la preuve des performances pouvant être validée par le calcul.
La conférence s’achevait avec l’intervention de Stéphane Hardy, venu présenter la stratégie déployée par l’entreprise Hydro quant au recyclage de l’aluminium au Luxembourg (utilisé pour les menuiseries extérieures), et les explications de Ralph Baden, biologiste de la construction, venu détailler l’ensemble des mesures sanitaires déployées dans le cadre du projet, confortant le bienfondé des choix opérés.
Une visite des lieux stimulante
La visite intégrait les séances de questions et réponses des participants ; en guise de premières impressions et parmi les avis entendus, nous avons recueilli un consensus large quant au confort et quant au bien-être ressentis ; choix des matériaux, lecture claire de l’intention architecturale et du parti de démontabilité, simplicité et générosité des espaces, étonnement face à l’absence des techniques sont quelques-uns des commentaires positifs qui nous sont parvenus. Aux personnes encore sceptiques quant au bon fonctionnement thermique, hygiénique et opératif de l’ouvrage, rendez-vous durant la saison froide pour l’expérimentation !
Article paru dans Neomag #72 - juillet 2025