
Un regard neuf sur le monde de l’entreprise
Lancé en 2022, le Digital Challenge crée un pont entre jeunes et entreprises pour favoriser l’inclusion et mieux comprendre les attentes des talents de demain.
Interview d’Ana Catarina Mendes Pinto et Mélissa Strauss, Project Managers Youth and Education chez IMS – Inspiring More Sustainability.
Qu’est-ce que le Digital Challenge ?
Ana Catarina Mendes Pinto : C’est une initiative portée par IMS Luxembourg, en partenariat avec l’ONG CARE Luxembourg, avec le soutien financier du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, de la Maison de l’orientation, du Fonds social européen, de la Chambre des Métiers et de la Fondation Sommer.
Concrètement, ce sont des journées d’immersion pour des jeunes de 16 à 19 ans, au sein d’organisations de tous secteurs et de toutes tailles : ONG, associations, institutions culturelles, entreprises… Parmi lesquelles, on retrouve notamment ArcelorMittal, l’IFSB ou encore Goblet Lavandier & Associés.
Pendant cette journée, les jeunes travaillent sur une question concrète émise par l’organisation, liée soit au digital ou au développement durable. Il s’agit d’un défi rencontré par l’organisation, sur lequel elle souhaite avoir un regard extérieur et des pistes de réflexion nouvelles.
L’objectif est de faire découvrir aux jeunes un secteur qu’ils ne connaissent pas - car les premières expériences professionnelles se font souvent via le réseau familial -, de renforcer leur confiance en eux et de commencer à construire leur propre réseau.
Pour les entreprises, c’est une opportunité de rencontrer la génération Z et de mieux comprendre ses attentes.
Quels types de défis ont été abordés lors des précédentes éditions ?
Mélissa Strauss : Beaucoup de challenges tournent autour de l’intelligence artificielle : son utilisation, son impact. D’autres sont liés à la réduction de l’empreinte carbone, à la communication sur les réseaux sociaux, au recrutement : comment attirer les jeunes, comment les inciter à suivre ou à rejoindre une organisation ? Ce sont des questions transversales, très présentes, parce qu’elles touchent directement la génération concernée. Et qui est mieux placée qu’elle pour y répondre ?
Quels sont les besoins de cette génération sur le plan professionnel ? Et qu’est-ce qui la distingue des générations précédentes ?
ACMP : Les jeunes veulent de l’équilibre : ils sont très engagés dans leur travail, mais souhaitent préserver leur vie personnelle. Ayant grandi avec les réseaux sociaux, ils sont sensibilisés aux problématiques sociales et écologiques. Ils aiment s’impliquer, échanger, participer aux décisions, mais une fois la journée terminée, ils veulent pouvoir décrocher.
La quête de sens est également centrale pour eux. Ils veulent des métiers en phase avec leurs convictions. C’est pour cela que les organisations ont tout intérêt à communiquer de manière transparente sur leurs engagements, notamment ceux liés au développement durable.
Contrairement à leurs aînés, ils osent dire ce qui ne leur convient pas. Ils sont très conscients du contexte de polycrise actuel et ne veulent pas sacrifier leur vie au travail. Le travail, pour eux, doit être une source d’épanouissement, une manière d’expérimenter et d’apprendre, de se découvrir et de grandir. Alors qu’avant, il était perçu avant tout comme un moyen de faire vivre sa famille.
MS : Les jeunes n’hésitent pas non plus à changer de voie. On dit qu’un jeune aujourd’hui aura plus de cinq métiers différents au cours de sa carrière, et ce chiffre ne cesse de grimper parce qu’ils n’hésitent pas à comparer les conditions de travail, les valeurs des entreprises, la mission proposée, et choisissent ce qui correspond à leurs aspirations du moment.
Bien sûr, le salaire reste un critère important. Mais aujourd’hui, il s’inscrit dans un package expérientiel plus large : flexibilité, ambiance de travail, conditions, localisation, accessibilité, soutien en cas d’imprévu, etc.
La formation est également essentielle : les jeunes veulent développer leurs compétences, y compris leurs soft skills, et ils attendent que l’entreprise contribue à leur évolution.
Peut-on tirer des clés de ces observations pour rendre un secteur perçu comme traditionnel comme la construction, attractif pour la génération Z ?
ACMP : Il faut d’abord casser les clichés. Le secteur de la construction a une image très ancrée, transmise par les générations précédentes. Mais cette image ne reflète plus toujours la réalité : aujourd’hui, il y a des femmes dans le secteur et on y utilise des technologies avancées. Il faut montrer cette modernité, cette diversité, notamment via les réseaux sociaux.
82 % des candidats, tous âges confondus, se renseignent en ligne avant de postuler (étude Hellowork, 2018). Il est donc essentiel que les entreprises communiquent sur leurs pratiques, leurs valeurs, leur quotidien.
MS : L’IFSB, par exemple, participe au Digital Challenge depuis 2022. Ils font découvrir aux jeunes leurs outils immersifs, expérimenter leur casque de réalité virtuelle. Ça leur montre que ces métiers peuvent être innovants et permet de déconstruire leurs idées reçues.
Il est important d’aller à leur rencontre, d’interagir avec eux. Le Digital Challenge facilite cela, car on travaille l’intelligence collective, donc l’objectif n’est pas d’obtenir LA solution, mais de se placer dans une démarche de cocréation, un échange qui inclut le point de vue des jeunes et permet de mieux comprendre comment ils fonctionnent et abordent les nouveaux défis.
Concrètement, comment une entreprise peut-elle susciter davantage l’intérêt de cette génération ?
ACMP : En améliorant son environnement de travail. Certaines contraintes sont incompressibles, mais l’idée n’est pas de répondre à 100 % des attentes. C’est d’identifier les leviers sur lesquels on peut agir et de progresser.
Il faut être à l’écoute, ne pas seulement recueillir un avis, mais montrer qu’on en tient compte, qu’il peut déboucher sur des actions concrètes.
Le rapport à la hiérarchie a changé. Cette génération a envie de participer aux prises de décisions, de s’engager. Donc si on leur propose des missions qui ont du sens, s’ils peuvent évoluer, apprendre, contribuer, alors ils s’investiront pleinement.
Prochaine édition : le mercredi 29 octobre 2025.
Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #72 - juillet 2025