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Un concours d'architecture pour la reconstruction d'écoles au Népal

Un concours d’architecture pour la reconstruction d’écoles au Népal

L’architecte Marcin Lukasz Tecza, le designer Martin Dieterle, l’asbl luxembourgeoise AEIN - Aide à l’Enfance de l’Inde et du Népal et les forces vives de Neobuild GIE se sont associés pour réfléchir ensemble à un modèle d’école qui puisse être envisagé indépendamment de la typologie du terrain ou des conditions climatiques.

Un climat aléatoire

De tempéré à subtropical, tantôt sec, tantôt humide, jusqu’à très froid ou très chaud, le climat peut être rude et capricieux au Népal. Le pays est fréquemment soumis à des aléas d’inondation et des tremblements de terre, et la demande en (re)construction d’écoles, de logements et autres typologies est importante et constante, avec des moyens extrêmement faibles.

Questionner la flexibilité des constructions

Dans les collines du Népal où la distance isole et les saisons divisent, nous avons pensé qu’une école ne pouvait pas se résumer à un bâtiment monofonctionnel. Elle doit être un abri, un point de départ, une structure commune où les enfants apprennent, les femmes se réunissent, les anciens parlent ; un village dont les habitants rêvent à voix haute. Le projet s’articule autour d’un toit protecteur sous lequel s’organise la vie : la pluie continue de la mousson ou le soleil trop agressif ne sont plus qu’un souvenir lointain.

En choisissant d’ériger cette structure de toiture indépendante en premier lieu, une fois la couverture achevée, la construction des classes peut se planifier et s’exécuter au gré des besoins de la communauté et en fonction de la disponibilité des matériaux. Le nombre, la taille, la géométrie ou la disposition spatiale des classes et des autres fonctions/locaux sous la toiture n’a dès lors plus d’importance, le plan étant libéré de toute contrainte. À partir de là, la communauté ne construit pas seulement des murs, elle construit du sens.

Se protéger face aux aléas climatiques et géologiques

Autre axe de développement du projet, la plateforme surélevée du sol qui ne craint ni les inondations, ni les glissements de terrain, ni les rongeurs. Sa structure totalement indépendante du reste du projet permet une souplesse statique face aux éléments naturels ainsi qu’une reconstruction aisée si nécessaire. Organisée sur une trame évolutive, elle se joue des terrains plus accidentés que l’on peut rencontrer en montagne par exemple.

Questionner l’usage de nos ressources et de la technologie

Les ressources disponibles étant faibles et difficilement transportables, l’équipe du projet s’est longuement questionnée sur leur choix et s’est naturellement positionnée en faveur de matériaux bio et/ou géosourcés couramment rencontrés dans le pays. Avec un terrain fictif d’implantation du projet assez vaste, il a été choisi de cultiver le bambou sur place pour le transformer et l’utiliser pour une majorité d’applications : structure de la plateforme, planchers et toitures des locaux, coffrage et renforcement des murs (colonnes intégrées) et structure de la toiture.

Le chanvre est également cultivable à de nombreux endroits ; il permettra de fournir la chènevotte nécessaire à la fabrication de bétons en chaux-chanvre, envisagés pour l’isolation des murs et des toitures. La fabrication de briques de terre crue stabilisées ou non est une autre activité largement répandue au Népal, qui servira à réaliser les maçonneries intérieures des locaux.

Pour la réalisation des fondations lourdes, en fonction des ressources régionales disponibles, le projet envisage soit l’usage de la pierre naturelle massive, soit l’usage de briques interconnectables en béton, maçonnées à sec, fabriquées in situ à l’aide de coffrages métalliques démontables et réutilisables qui seront conçus puis importés depuis le Luxembourg.

Les fenêtres et les portes extérieures proviendront d’éléments récupérés, porteurs d’histoires en d’autres lieux. Leur disparité et leur arrangement aléatoire en façade apportera une richesse de composition contrastant avec les aspects plus réguliers de la structure de toiture.

L’équipe de conception s’est également penchée sur des stratégies de ventilation naturelle des locaux ainsi que sur les aspects de production et de récupération d’énergie avec des systèmes simples : murs Trombe, fours solaire, panneaux photovoltaïques robustes (disponibles sur place) et âtres au bois sont autant de solutions simples et éprouvées qui apporteront un confort accru, considérant qu’au Népal, le chauffage n’est souvent qu’une idée abstraite.

Une école qui enseigne, pas seulement au travers des livres, mais également au fil de son développement. Une école qui se transforme en lieu de vie, en lieu d’échanges, en structure de soins, en refuge… construire pour et par la communauté et qui se développe avec les ressources locales.

Des pratiques universelles

Si l’exercice semble très éloigné de notre quotidien, il entend cependant questionner nos pratiques constructives. Il tend à prouver que lorsque les contraintes matérielles, environnementales et humaines sont élevées, la créativité, l’expérience et le bon sens collectifs permettent de dégager des solutions enthousiasmantes. Rendez-vous fin juin pour la proclamation des résultats.

Article de Régis Bigot, architecte & Innovation Project Manager chez Neobuild GIE
Article paru dans Neomag #72 - juillet 2025

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Publié le mardi 12 août 2025
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