
Transition digitale et environnementale : l’union fait la force
Le LIST, le CRTI-B et Neobuild conjuguent à nouveau leurs forces pour fédérer un écosystème élargi d’acteurs publics et privés autour du rendez-vous phare annuel dédié à l’innovation, au service d’une construction plus intelligente, durable et collaborative.
Table ronde avec Sylvain Kubicki, Research Group Leader Sustainable Urban and Built Environment au LIST, Gilles Christnach, directeur du CRTI-B, et Luc Meyer, directeur de Neobuild
La fusion, cette année, de deux évènements – Construction durable pour des villes résilientes et BIMLux – souligne le lien indéfectible entre transitions numérique et écologique.
Comment le BIM a-t-il fait son entrée au Luxembourg ?
Sylvain Kubicki : Si on remonte aux prémisses, la première conférence professionnelle organisée sur le sujet remonte à 2005, à l’initiative du CRP Henri Tudor et de son ex-département « construction », le CRTI-B. Cela fait donc une vingtaine d’années maintenant que des séances d’information à destination des professionnels du secteur de la construction se tiennent. La collaboration des acteurs de la construction était la question centrale. Alors que les technologies émergeaient (échanges électroniques, plateformes, modélisation BIM) on se posait la question de mieux concevoir, construire, plus efficacement et qualitativement.
Où en est-on aujourd’hui ?
Gilles Christnach : Le BIM commence à être appliqué, mais on observe différentes vitesses d’intégration et d’utilisation, avec une réelle différence entre les grandes et les petites structures.
La vraie question est surtout : comment utiliser cette méthodologie et la combiner à tous les besoins du secteur pour en faire quelque chose de convergent ? En effet, toutes les approches se rejoignent à un certain moment, nous devons tous échanger des données et des documents, et tout cela passe par cette méthodologie.
Luc Meyer : Dans l’acronyme BIM, le « I » est essentiel car l’information est la variable qui va pouvoir être exploitée, monitorée et mise en commun pour créer une plus-value en termes de construction durable. Placée au centre de cette démarche, la collaboration vise à aller au-delà de la simple production d’informations, pour assurer la diffusion de données pertinentes et impactantes.
SK : Avant même de parler de performances énergétiques ou de circularité, c’est la collaboration qui était au cœur du sujet quand on a commencé à évoquer le BIM il y a 20 ans. Dans la sphère de la recherche, nous développions alors une plateforme de collaboration électronique, car le problème du secteur de la construction - qui était clairement identifié comme responsable d’une baisse de productivité – résidait dans la difficulté à collaborer et le fait de devoir ressaisir l’information tout au long des processus de conception et de construction. C’est ce besoin que nous avons d’abord adressé et qui, petit à petit, a été supporté par le BIM. Aujourd’hui, on voit qu’il est possible d’aller beaucoup plus loin. C’est la raison pour laquelle le BIM devient incontournable : non pas parce qu’on l’impose mais parce que ses usages le nécessitent et que chaque acteur impliqué peut en tirer des profits.
GC : C’est aussi pourquoi, nous insistons sur le fait que le BIM n’est pas un simple outil qui concentre les données nécessaires à l’ensemble de la chaîne de valeur d’un projet de construction, mais bien une méthodologie de collaboration sur laquelle se greffent énormément d’applications.
LM : On parle beaucoup d’intelligence artificielle ces derniers temps. Mais qui dit « artificielle » dit avant tout « données ». Et si nous ne sommes pas capables, nous-mêmes, de collaborer avec intelligence, nous ne pourrons pas créer une intelligence artificielle véritablement efficace… Car l’IA ne peut fonctionner sans données issues de l’humain : c’est à partir de celles-ci qu’elle nourrit ses algorithmes et apprend à trouver le meilleur chemin à suivre.
Pourquoi le LIST, le CRTI-B et Neobuild ont-ils décidé de collaborer en organisant des évènements communs autour du BIM et de ses applications pour une construction et des villes plus durables ?
LM : Jusqu’à présent, nous dispersions nos forces en organisant des conférences chacun de notre côté, parfois en collaboration avec l’un ou l’autre. Nous voulons désormais collaborer sur différentes thématiques, fédérer autour de l’innovation à travers un événement qui diffuse la bonne information. La bonne information est une information scientifique - le volet recherche est ici représenté par le LIST -, qui peut-être qui harmonisée par de bonnes pratiques et conduire à des standards - d’où la présence du CRTI-B – et qui s’ancre dans les besoins concrets du secteur – un rôle que Neobuild assume en articulant la recherche appliquée, la structuration et la mise en œuvre sur le terrain.
GC : J’ajouterais que l’information n’est utile que si elle est complète. Alors, plutôt que d’organiser des séminaires chacun dans son coin, avec nos limites respectives qui nous forcent à être incomplets, mieux vaut se réunir pour pouvoir proposer une approche holistique et faire le transfert d’une thématique à l’autre.
LM : Le but est d’adresser un message à tous les acteurs, de manière globale. Un entrepreneur n’a pas les mêmes besoins qu’un architecte et un architecte n’a pas les mêmes besoins qu’un ingénieur, mais il faut réunir tout cet écosystème pour dégager différentes collaborations autour d’une approche logicielle, thématique, de recherche de bien commun autour de l’innovation.
SK : Nos conférences par le passé - BIMLux et Construction durable pour des villes résilientes (CDVR) - ont toujours joué sur deux niveaux : la vision stratégique d’une part avec les processus innovants, le volet opérationnel d’autre part. Ce sera encore le cas dans nos événements à venir : nous continuerons à proposer un programme qui abordera ces deux axes à destination d’un public large dans les bureaux et entreprises.
Justement, à quoi ce nouvel événement ressemblera-t-il concrètement ?
GC : Nous souhaitons créer une sorte de « foire » qui permettra aux visiteurs de trouver la panoplie d’informations la plus complète possible et de découvrir des choses qui ne les auraient pas forcément intéressés a priori, mais qui leur permettront éventuellement de développer leurs prestations, leurs compétences, leurs implications, etc.
Le programme de l’événement actuel se compose de 36 sessions qui vont de l’information initiale jusqu’au workshop technique. Il sera intensifié, en fonction des retours d’expérience que chacun aura de ses membres.
Au niveau de la fréquence de l’événement, nous nous alignerons également sur les besoins de nos secteurs respectifs. On peut très bien s’imaginer, outre un événement annuel, mettre en place des workshops ou des conférences complémentaires, en fonction de l’actualité, pour pouvoir diffuser les informations utiles le plus rapidement possible et au plus grand nombre de personnes.
Quelles seront les nouveautés par rapport aux conférences BIMLux et CDVR ?
SK : Nous avons élargi la chaîne de valeur des acteurs que nous voulons attirer car les problématiques d’innovation touchent un spectre beaucoup plus large que ce qu’on entend communément par « secteur de la construction ». Je pense en particulier au secteur bancaire, aux assurances, aux consultants RSE, etc.
LM : L’idée de départ est d’adresser de nouvelles thématiques et de rassembler de nouveaux acteurs. Au-delà des acteurs déjà cités par Sylvain, nous envisageons aussi d’intégrer la Chambre Immobilière, la FEDIL, la Fédération des Artisans, la Klima Agence, le CGDIS ou l’ITM, pour n’en citer que quelques-uns. L’idée étant que chacun ait son mot à dire et puisse s’impliquer dans une organisation que nous souhaitons très participative, à travers des retours sectoriels très ciblés. Nous sommes en train de définir un cadre ouvert, évolutif, afin d’instaurer une vision d’ensemble, un dialogue commun, au lieu de rester sectoriellement bloqués. Nous voulons que chacun apporte sa pierre à l’édifice, là où il est compétent, pour avancer, de manière conjointe, dans la même direction et arriver à une finalité commune. Le but, c’est que chaque innovation puisse « se matérialiser » et créer une plus-value pour l’entreprise qui va l’appliquer.
SK : Quand nous avons construit le programme de l’évènement de cette année, nous avons essayé de faire en sorte qu’il y en ait pour chaque profil. En associant BIMLux et CDVR, nous offrons un tout : le BIM et le digital peuvent être appliqués à des problématiques comme le passeport des matériaux, la circularité, l’efficacité énergétique, les smart buildings, et plus encore. Nous avons besoin de données pour prendre des décisions qui nous amèneront à construire de nouveaux quartiers durables. Dans la plupart des sessions, nous nous appuyons sur des retours d’expérience de projets luxembourgeois, mais aussi des retours sur la recherche appliquée qui préfigurent les prochaines manières de concevoir, de construire ou d’utiliser les outils. Il y a aussi des restitutions d’expériences de projets de recherche qui sont conduits à l’échelle européenne - Interreg, Horizon, par exemple -. Cela nous permet de mettre en avant les initiatives des acteurs luxembourgeois, mais aussi d’enrichir l’écosystème national avec les expériences faites ailleurs. Nous pourrions étendre encore davantage cette ouverture vers des initiatives d’innovation européennes non commerciales.
GC : Cela va dans les deux directions : nous voulons montrer comment les initiatives menées au-delà de notre pays peuvent nous inspirer, comment ces expertises et approches différentes peuvent être traduite au Luxembourg, mais aussi ce que le Luxembourg – parce qu’il est un petit pays agile et dynamique - peut apporter comme innovation.
LM : L’enjeu est aussi de clarifier les rôles de chacun au sein de cet écosystème - chercheurs, industriels, institutions - pour créer un cadre de collaboration lisible et efficace. Cette approche, propre au Luxembourg, favorise des innovations « à la carte », co-construites et applicables, où chaque acteur du secteur, de l’ingénieur à l’artisan, trouve les outils pour mieux bâtir ensemble.
SK : Le LIST, le CRTI-B et Neobuild sont complémentaires, nous avons donc toutes les cartes en main. Il s’agit désormais de bien identifier les rôles de chacun pour suivre notre vision partagée. Avec nos partenaires, nous sommes convaincus de réaliser un pas majeur dans cette direction en 2025.
Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #74 - novembre 2025
