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Tout est possible, il suffit d'agir

Tout est possible, il suffit d’agir

Eurosolar Lëtzebuerg milite pour une énergie renouvelable, produite localement, gérée démocratiquement et accessible à tous. Son action s’inscrit à la fois dans une vision écologique, économique et citoyenne de l’avenir énergétique du Luxembourg.

Interview de Paul Zens, président d’Eurosolar Lëtzebuerg asbl

Eurosolar est partenaire de la LUGA – Luxembourg Urban GArden, exposition éphémère de jardins urbains, installations paysagères et artistiques, projets agricoles et lieux de vie qui s’articule cette année autour du thème « rendre visible l’invisible ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

À cette occasion, nous sponsorisons une Smart Flower, une installation solaire photovoltaïque qui, comme une fleur, suit les rayons du soleil tout au long de la journée. Il s’agit d’une installation à la fois artistique et technologique qui nous invite à repenser notre manière d’aménager les espaces urbains en y intégrant davantage de photovoltaïque et de végétation. Pour rendre nos villes plus vivables, atténuer les effets des canicules et réguler le climat urbain, il faut miser sur le végétal. Chacun le sait : en pleine chaleur, il fait toujours plus frais en forêt. C’est cette logique qui doit être appliquée en ville.

Dans le cadre de notre participation à la LUGA, je ferai également un roadshow – deux conférences seront organisées, l’une à Ettelbruck, l’autre à Luxembourg-Ville – pour rappeler les enjeux climatiques actuels, les impacts du réchauffement et présenter les solutions concrètes qui existent.

Que pensez-vous du plan de préfinancement des installations photovoltaïques qui va être introduit par le gouvernement ?

Nous saluons le principe de préfinancement qui est très utile. C’est en quelque sorte un tiers payant photovoltaïque qui permet à davantage de ménages d’accéder à l’énergie solaire. En revanche, nous regrettons que l’installation de batteries seules ne soit pas couverte par le mécanisme de cofinancement. C’est une occasion manquée, car beaucoup de personnes qui ont installé leurs panneaux il y a dix ou quinze ans ne les ont pas couplés à une batterie, simplement parce que ce n’était pas dans les usages à l’époque, et ces installations n’ont aujourd’hui plus accès aux tarifs d’injection subsidiés. Ajouter une batterie aurait tout son sens pour optimiser l’autoconsommation, donc pour soutenir la transition énergétique. Il est d’autant plus regrettable que désormais, le calcul des aides soit séparé : d’un côté le photovoltaïque, de l’autre la batterie – alors qu’auparavant, le calcul était « aggloméré ».

Les subsides sont l’argent du contribuable et il mérite d’être utilisé avec bon sens. Cette discussion ne peut se faire qu’avec un regard global. Le fonds monétaire international a publié un rapport montrant que les énergies fossiles ont reçu 7 000 milliards de dollars de subventions en 2022, pour une industrie qui engrange des bénéfices colossaux – on parle de 30 à 35 milliards de dollars par jour, depuis 50 ans – et qui contribue directement au réchauffement climatique et à la pollution de l’air. Alors, tant que les énergies fossiles sont encore largement subventionnées, pourquoi remettre en cause les aides aux énergies renouvelables ? Certes, elles génèrent elles aussi des bénéfices, mais dans des proportions sans commune mesure avec celles des fossiles.

Un autre cheval de bataille d’Eurosolar est les coopératives énergétiques…

Les batteries sont indispensables pour mieux gérer les flux d’énergie. Sans solution de stockage, l’excédent d’énergie produite est perdu. C’est pourquoi nous soutenons l’installation de batteries domestiques, et plus encore celle de batteries collectives, à l’échelle de quartiers, qui ont un impact bien plus significatif, tout simplement parce qu’elles sont plus puissantes.

Ce que l’on observe actuellement, c’est qu’entre 7 et 9 heures, la consommation augmente, les panneaux solaires commencent à produire, les batteries se remplissent et, à 11 heures, elles sont déjà saturées alors que la production continue d’augmenter. Il nous faut donc des capacités de stockage plus importantes, mais aussi un système de gestion intelligent.

Une idée – un peu folle peut-être – serait de coordonner le chargement des batteries selon l’orientation des installations photovoltaïques pour étaler le stockage dans le temps, selon la course du soleil.

D’ailleurs, avec l’arrivée du Leneda, le nouveau compteur intelligent de Creos qui permet à chaque utilisateur de connaître sa consommation d’électricité, ce type de coordination devient envisageable. Si les batteries étaient elles aussi connectées à ce système, et que les gestionnaires de réseau avaient un accès temporaire pour charger ou décharger les batteries en fonction des besoins du réseau, on gagnerait en efficacité collective.

Le 26 mars, lors de notre évènement « Neue Perspektiven für Energiegenossenschaften », Pascal Lang, directeur d’une coopérative énergétique allemande, a présenté des projets ambitieux. Sa coopérative compte 2 500 membres et une douzaine d’employés, là où nos 12 ou 13 coopératives en rassemblent à peine 1 200 au total. Parmi les pistes évoquées : le développement de réseaux de chaleur à l’échelle de quartiers, comme celui en cours à Beckerich. Au-delà du confort thermique, ils permettent d’envisager des alternatives de stockage innovantes : sodium, carbone, batteries thermiques. Mais pour que cela fonctionne, il faut une vraie collaboration entre communes, promoteurs et coopératives, et surtout, intégrer ces idées dès la planification.

En résumé, les planificateurs, urbanistes et maîtres d’ouvrage devraient réfléchir dès la phase de conception à des solutions de stockage d’énergie à grande échelle. Chaque nouvelle construction est une opportunité, et trop de maisons neuves se contentent encore de quatre panneaux symboliques.

Qu’en est-il de la rénovation ?

Il est essentiel de s’occuper de l’existant, car il représente une valeur énergétique considérable : on parle beaucoup de production d’énergie, mais on oublie souvent l’énergie grise utilisée pour produire les matériaux, les transporter, démolir puis reconstruire. Démolir un bâtiment pour en bâtir une nouveau, c’est un désastre en matière d’énergie grise : il en faut pour la destruction, puis encore pour la construction. La rénovation a un impact bien moindre. Elle offre aussi un bénéfice économique local : ce sont des petits chantiers, confiés à des artisans et des entreprises de proximité. En outre, les pompes à chaleur ou le photovoltaïque ne sont pas réservés aux maisons neuves. Avec une bonne isolation thermique, ces technologies s’intègrent parfaitement à l’existant.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025