
BIPV ou quand la toiture et la façade deviennent productrices d’électricité
En tant que solutions qui permettent de réduire l’empreinte carbone des bâtiments, les panneaux photovoltaïques intégrés ou appliqués au bâtiment s’intègrent parfaitement dans la stratégie nationale de décarbonation visant la neutralité carbone d’ici 2050. Entrevue avec Bruno Renders, co-président du Conseil National pour la Construction Durable.
« Quand on parle de l’impact carbone d’un bâtiment, on se focalise souvent sur les émissions opérationnelles liées à l’énergie et à l’eau consommées lors de son utilisation. Pourtant, 60% de l’impact carbone sont dus aux émissions incorporées qui comprennent l’énergie grise liée à l’extraction des matières premières, à la fabrication des matériaux, à leur acheminement et à leur mise en œuvre. C’est donc sur les deux plans qu’il faut agir, et sur ce dernier point avant tout », indique Bruno Renders, co-président du Conseil National pour la Construction Durable (CNCD) en charge de l’élaboration d’une feuille de route construction bas carbone pour le Luxembourg.
« Pour le faire, il existe plusieurs solutions, qui peuvent être combinées. On peut, par exemple, envisager de réduire les masses - donc les épaisseurs – de matériaux ou encore d’utiliser des matériaux biosourcés, décarbonés ou à empreinte carbone réduite pour construire les bâtiments. Mais seul le BIPV - acronyme de Building Integrated Photovoltaics ou photovoltaïque intégré au bâtiment - permet de réduire les besoins en énergie d’un côté et de produire de l’électricité verte de l’autre ».
Des façades et toitures actives
Il s’agit, en l’occurrence, de concevoir et de réaliser des bâtiments – et, plus spécifiquement, de travailler sur leur enveloppe - avec une approche holistique et multifonctionnelle.
« Je défends le concept des fonctions nobles des bâtiments qui vise à utiliser les matériaux de construction et les bâtiments en promouvant plusieurs fonctions, si possible actives et circulaires. Le BIPV en est un bel exemple. »
Bruno Renders, co-président du Conseil National pour la Construction Durable (CNCD)
Concrètement, il s’agit de remplacer les éléments de façades, toitures ou menuiseries traditionnels par des modules qui remplissent les mêmes fonctions architecturales et techniques, mais sont dotés en plus de cellules solaires. « Au CNCD, nous nous intéressons au BIPV parce qu’il couvre à la fois le volet émissions incorporées et le volet émissions opérationnelles », explique-t-il. « Un panneau de façade combine aujourd’hui une fonction esthétique et une fonction mécanique de protection. Le BIPV y ajoute la production d’électricité. Il permet donc de réduire l’empreinte carbone du bâtiment à plusieurs titres : d’abord en produisant de l’énergie renouvelable, ensuite en cumulant plusieurs fonctions et en limitant le nombre de couches qui constituent l’enveloppe, ce qui est une manière d’optimiser le volume des matériaux mis en œuvre ».
« Dans le cadre de sa politique d’électrification, il y a une réelle volonté de la Commission européenne, notamment à travers le projet BIPV Boost, d’utiliser le maximum de surfaces disponibles pour produire de l’énergie décarbonée. Avec nos usages qui évoluent, la demande augmente. Pourtant, on ne peut pas créer des champs d’agri-pv partout au Luxembourg et il faut trouver d’autres solutions. Les bâtiments, vu la surface globale qu’ils présentent que ce soit en toiture ou en façade, offrent des approches intéressantes », souligne-t-il.
BAPV : la solution légère et souple
Une alternative qui retient elle aussi l’attention du CNCD dans ce contexte est le BAPV – Building Applied Photovoltaics ou photovoltaïque appliqué au bâtiment. Il consiste en l’installation de panneaux légers et souples sur les structures existantes. Cette solution se prête idéalement aux toitures qui n’ont pas été dimensionnées pour résister à des charges trop lourdes, sachant qu’un panneau léger pèse moins de 5 kg, là où un panneau standard a un poids moyen de 28 à 35 kg environ pour une production quasi-similaire.
En Europe, on estime à près de 4.000 millions de mètres carrés la surface de toitures disponibles. Or, 40 à 80 % d’entre elles ne sont pas compatibles avec les solutions photovoltaïques traditionnelles. Pourtant, l’évolution réglementaire souhaitée par l’UE dans le cadre de la révision de la directive EPBD (Performance Energétique des Bâtiments, ou le futur Energy Pass) conduira à ce que tous les bâtiments existants soient équipés de panneaux solaires dès 2028. Plusieurs pays et régions, y compris limitrophes, ont déjà intégré cette obligation sur les bâtiments neufs.
Au Luxembourg, plusieurs projets impliquant cette technologie innovante ont déjà été réalisés ou sont en train de l’être. À titre d’exemple, l’Institut de Formation Sectoriel du Bâtiment (IFSB) s’est doté de deux installations BAPV. Outre la production d’énergie verte, cette initiative vise à proposer des formations qui placent les panneaux légers au cœur de la pédagogie, notamment leurs systèmes d’ancrage pensés pour éviter de percer la toiture, ce qui permet d’éviter la création de points faibles dans la couverture et de maintenir les garanties assurancielles.
Les installations ont été conçues par la société Clearnanotech, hébergée au sein de l’écosystème CDEC à Bettembourg qui propose tout type de solutions BIPV et BAPV : panneaux de façade, d’ombrage (ombrières) ou de toiture personnalisables, disponibles dans de nombreux coloris, opaques, semi-transparents ou transparents, dans différentes finitions et dimensions, de manière à permettre un rendu architectural quasiment identique à celui d’une façade ou d’une toiture classique.
Une voie vers la résilience énergétique
Soulignons que ce type de produits est largement subsidié par le ministère de l’Économie, dans le cadre d’appels à projets réguliers, permettant de compenser le surcoût par rapport à des panneaux standards.
« Produire de l’énergie photovoltaïque sur les toits et les façades des bâtiments, l’autoconsommer, la stocker, la partager est donc aujourd’hui non seulement utile, rémunérateur, mais également synonyme d’une forme de souveraineté et d’indépendance énergétique que nous devrons intégrer. C’est ce que je qualifie de résilience durable et décarbonée », conclut Bruno Renders.
Mélanie Trélat
Ne manquez pas la prochaine édition de Meet&Build, dédiée au BIPV, le 21 octobre à 9h00, à l’IFSB. Inscription gratuite en ligne