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Focus sur une thématique pointue à travers le regard aiguisé d’experts en la matière

Publié le 15 décembre 2025
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décembre 2025

Economie circulaire et décarbonation

Economie circulaire et décarbonation
Un nouveau vocabulaire et de nouvelles pratiques à définir
Un nouveau vocabulaire et de nouvelles pratiques à définir

Décarbonation, circularité, réemploi : autant de mots qui constituent le nouveau champ lexical de la construction. Le mouvement est en marche avec ses défis et ses apprentissages.

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Jeanne Pernot

Responsable du domaine Développement durable et Normalisation à l’ILNAS

« Le secteur de la construction est en pleine transformation, notamment en raison des exigences rigoureuses en matière d’efficacité énergétique prescrites par la directive européenne EPBD (Energy Performance of Buildings Directive). La normalisation devient un levier majeur pour accélérer la décarbonation et intégrer l’économie circulaire dans les procédures du secteur de la construction. Les normes techniques offrent un langage commun, des méthodes partagées et des exigences mesurables permettant ainsi aux différents acteurs de travailler sur une base fiable et comparable à l’échelle nationale, européenne et mondiale.

Un ensemble conséquent de normes opérationnelles sont déjà disponibles. à titre d’illustration, en ce qui concerne la performance carbone, les normes européennes EN 15978 (nouvelles versions en cours de ratification) ou encore EN 15804 encadrent l’analyse du cycle de vie et les déclarations environnementales des produits. Elles permettent une évaluation de l’empreinte carbone des bâtiments, depuis les matériaux jusqu’à l’exploitation. Du côté de l’économie circulaire, l’ISO 20887 apporte un cadre pour analyser la démontabilité, la réversibilité et le potentiel de réemploi.

Ces normes sont développées au sein de comités techniques, comme le CEN/TC 350, respectivement l’ISO/TC 59/SC 17. Toutes parties prenantes luxembourgeoises intéressées peuvent participer, à travers l’ILNAS, garantissant ainsi une représentation des intérêts nationaux sur la scène internationale. Contribuer à ces groupes de travail, c’est aider à façonner les pratiques de demain et veiller à ce que les réalités du terrain soient intégrées aux futures normes techniques.
La normalisation devient un véritable catalyseur : elle donne au secteur les outils nécessaires pour construire des bâtiments décarbonés, circulaires et pleinement alignés avec les objectifs européens ».


Jeannot Schroeder

Managing Director de +ImpaKT, part of SWECO

« La circularité est un mot qu’on utilise trop ! Tellement, qu’à force, tout devient circulaire : les matériaux, les produits, les territoires, les circuits d’approvisionnement… Le mot a fini par en perdre sa force car, quand tout est circulaire, plus rien ne l’est vraiment !

Il est temps de faire évoluer notre langage. Derrière la circularité, il y a des réalités concrètes : des objets qu’on peut mieux utiliser, réparer, démonter, transformer. Des matériaux qu’on réutilise vraiment. Des ressources qu’on préserve au lieu de les extraire, encore et encore.

Peut-être faut-il inventer une « circularité 2.0 ». Une approche plus honnête, plus ancrée dans le réel. Moins de discours, plus de précision. Parler de réparabilité, de durée de vie, d’impact sur les ressources. Parce qu’à trop vouloir tout englober sous un grand mot, on vide ce mot de son sens.

Changer le langage, c’est déjà changer la manière d’agir. Et au Luxembourg nous avons développé le PCDS (Product Circularity Data Sheet) qui permet cette précision nécessaire pour générer le changement systémique ».


Régis Bigot

Architecte et Innovation Project Manager chez Neobuild GIE

« Circularité et décarbonation, entre autres vocables censés représenter une volonté forte de la maîtrise d’ouvrage, de la maîtrise d’œuvre (ou mieux, des deux) à diminuer l’impact environnemental des projets de construction, sont aujourd’hui quelque peu dévoyés.

En quelques temps, nos activités et métiers respectifs semblent avoir généré, comme par miracle, des infrastructures et des bâtiments toujours plus circulaires, durables, frugaux… alors que, soyons de bon compte, l’ampleur du chemin à parcourir semble chaque jour plus colossale et complexe. Chaque matin peut révéler une contre-vérité qui nous fait douter du bien-fondé de ce que nous croyions comme certitude immuable la veille.

La collaboration entre nous toutes et tous est plus que jamais cruciale afin de garantir au secteur, non pas son équilibre, mais une réforme (profonde) qui puisse le réinventer, le réenchanter et lui permettre de s’adapter aux fluctuations croissantes de notre environnement.

Pour parler « vrai », bien construire ne devrait être ni une mode, ni un luxe, ni un argument commercial, ni un faire-valoir qui tendrait à s’établir comme une performance, mais plutôt un contrat de société qui profite au plus grand nombre et qui s’inscrit en complément à une thématique autrement plus urgente, l’accès au logement ».


Ariane Bouvy

Gestionnaire du Circular Innovation HUB de Wiltz

« L’économie circulaire vise à préserver la valeur des ressources en les maintenant le plus longtemps possible dans le circuit. En alliant réemploi des matériaux et écoconception – c’est-à-dire en pensant les bâtiments pour qu’ils puissent être réparés, transformés et démontés -, on utilise les ressources au mieux, on limite les extractions, les déchets et la pollution, on diminue les impacts environnementaux et on s’approche ainsi du sommet de la « montagne de valeur » de l’économie circulaire.

Nous travaillons activement sur le réemploi des matériaux, le challenge étant actuellement d’intervenir sur des bâtiments qui n’ont pas été conçus pour être démontés. Chaque fois que nous faisons l’exercice de démonter un bâtiment existant pour réutiliser ses matériaux dans un autre, notre input nourrit la conception des projets futurs. Le partage d’expérience est fondamental dans une démarche d’économie circulaire.

La décarbonation est indissociable de la circularité. Si l’on se limite au seul prisme du carbone, on risque d’oublier la fin de vie des matériaux. Or, un matériau à faible empreinte carbone, s’il finit en déchet, perd tout son sens. Il faut donc adopter une vision holistique, qui intègre le réemploi, la transformation et la prolongation de la durée d’usage des matériaux ».


Patrick de Cartier d’Yves

Head of Engineering chez Seco Luxembourg

« En tant que garant de la qualité technique des projets de construction, Seco apporte une contribution précieuse à la décarbonation du secteur. En effet, augmenter la durée de vie des bâtiments et maintenir les constructions existantes sont les leviers les plus efficaces en matière de décarbonation. Si une déconstruction/reconstruction s’avère inévitable, nous mettons à profit notre connaissance pointue des matériaux pour émettre des avis quant à leur aptitude au réemploi. Ce service, complémentaire au contrôle technique, permet de prendre les bonnes décisions, tant techniques qu’environnementales.

Pour s’adapter aux nouveaux modes de construction, nos compétences évoluent également, avec une expertise interne accrue pour la construction bois. Ce mode constructif, bien que puits de carbone, permettant une décarbonation rapide, se heurte à la limite des ressources disponibles.

Notre expertise technique est également très appréciée de l’industrie dans le domaine des matériaux innovants, tels que les briques en terre crue, mais aussi les bétons avec des liants alternatifs au ciment, tels que les pouzzolanes ou encore les cendres issues des incinérateurs d’ordures ménagères (https://www.ashcycle.eu/).
C’est bien la combinaison entre la sobriété dans l’utilisation des ressources, l’innovation vers les matériaux biosourcés ou alternatifs, et la décarbonation de l’industrie des matériaux de construction qui permettra de construire les bâtiments zéro carbone de demain ».

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #75 - décembre 2025

Politique du territoire et décarbonation
Politique du territoire et décarbonation

Et si le "où" pouvait induire un nouveau "quoi" avant de se perdre dans le "comment" ? L’Accord de Paris, signé en 2015, paraît comme le dernier moment d’un optimisme global : la conviction que coordination et promesse suffiraient à inverser le changement climatique. Un narratif collectif fondé sur l’action et la responsabilité partagée.

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Or, au lieu d’une imposition internationale, il proposait une énigmatique déclinaison opérationnelle : chaque nation invitée à improviser sa propre mise en œuvre du salut commun. C’est dans ce blanc de page, celui d’un narratif de décarbonation projeté vers 2050, que le ministère de l’Aménagement du Territoire de Claude Turmes lançait, en 2020, une consultation internationale : un dialogue compétitif cherchant à explorer comment le territoire, loin d’être simple décor, pourrait accompagner, induire, contraindre et incarner la forme même de cette courbe de décarbonation.

Trajectoires du futur

Les potentielles trajectoires nationales de neutralité carbone se lisent comme des fictions politiques. La première, radicale, imagine la rupture ; une décarbonation immédiate, brutale. La seconde, pragmatique, trace une pente douce, continue et linéaire : un atterrissage maîtrisé. La troisième, différée, repousse tout changement jusqu’au « hard landing » ; la version polie du collapse. Ces courbes ne sont pas des chiffres, mais des récits du temps. Entre inertie et radicalité, la transition devient champ de tension entre désir et contrainte. Planifier revient à choisir une politique du tempo : négocier ou encaisser le changement.

Nouvelle métaphysique du carbone

Pour le Luxembourg, la trajectoire commence haut : près de 16 tonnes de CO₂ par habitant en 2021, à réduire à environ 6 t/CO₂/cap d’ici 2050. Une compression du quotidien, une miniaturisation du confort.

Deux voies s’affrontent : la « 1,5 °C life », fondée sur la transformation des usages, et la « 1,5 °C tech », croyance dans la machine réparatrice, le Deus Ex Machina contemporain. Entre foi technologique et discipline du désir, l’Europe cherche un équilibre entre renoncement et invention. Les émissions négatives introduisent une nouvelle métaphysique, constante dans les bilans et trajectoires : il ne s’agit plus seulement de réduire, mais d’absorber. Peut-être demain par la machine, mais aujourd’hui encore par le sol, la forêt, la matière, le paysage. Le salut ne se joue ainsi pas exclusivement dans la ville, mais dans ce qui l’entoure.

Politique du paysage

Ambrogio Lorenzetti, au XIVe siècle, peignait déjà l’interdépendance entre ville et campagne dans son Allégorie du Bon Gouvernement. Sept siècles plus tard, la question demeure : comment gouverner l’équilibre entre extraction et régénération ? L’écologie cesse d’être un secteur ; elle devient la matrice du politique. Le territoire n’est plus administré : il juge.

Réinventer le territoire

Le Luxembourg, pris isolément, ne fonctionne pas. Chaque jour, des dizaines de milliers de frontaliers alimentent une économie qui déborde les frontières. Le territoire fonctionnel est transfrontalier, mais aussi liquide et dépendant des flux de la conjoncture. Face à cela, émerge une lecture alternative : la région bio-fonctionnelle, fondée non sur la souveraineté mais sur la continuité et interdépendance écologique, écosystémique. Une géographie de bassins versants et de sols, un corps collectif plutôt qu’un diagramme politique. Les nouvelles cartographies, nourries par les données et les algorithmes, ne décrivent plus : elles projettent des capacités d’autosuffisance. Elles mesurent ce que le territoire peut produire, absorber, recycler, et simulent une bio-région capable de se nourrir, de construire, de se maintenir à échelle critique.

Le non-bâti comme infrastructure

Le paysage non construit révèle donc une double puissance : productive et atmosphérique. Il produit des matériaux, de la nourriture, de l’autonomie (à condition d’un changement radical de régime alimentaire). Il absorbe aussi : séquestre du carbone, restaure les équilibres. Le non-bâti devient ainsi infrastructure lente, invisible, mais essentielle : machine de réparation atmosphérique et de cohésion territoriale.

Une archéologie de l’étalement

Or, depuis les années 1950, le Luxembourg traite son sol comme une réserve foncière, non comme un système vivant. Un demi-hectare consommé chaque jour, 15 % du territoire déjà artificialisé ; presque le double de 1990. Un pays devenu archéologie en temps réel de l’étalement. Un (sub)urbanisme à volonté, sans mesure, où le territoire n’est pas planifié, mais dévoré.

Une nouvelle culture de la planification

Considérant la capacité du paysage à séquestrer, produire, régénérer, considérant la croissance comme donnée structurelle, une équation se dessine. Elle ne se résout qu’à une condition : l’émergence d’une culture de la planification capable de préserver tout en développant. Le sol cesse alors d’être support : il devient donnée active. Son usage se détermine selon sa capacité de régénération. La planification devient architecture des flux : culture alimentaire, matière et carbone en un même métabolisme. Un territoire pensé pour intensifier, non s’étaler.

TDR : la limite comme devise

Les transferable development rights (TDR) déplacent la planification vers le symbolique. Ils dissocient droit de propriété et droit à construire. Ce dernier devient valeur abstraite, négociable, mobile. La planification se transforme en économie de compensation : densifier ici pour préserver ailleurs. La contrainte devient devise, la rareté ressource. La durabilité cesse d’être morale : elle devient système d’échanges raffinés entre espace, valeur et désir. Le TDR incarne une économie de la sobriété : une écologie des équivalences.

RURALIA résilient & SUBURBIA sublime

Afin de vérifier la théorie, deux cas d’études dans des conditions typomorphologiques différentes, ont été simulés en analysant les documents d’aménagements et en attribuant des applications architecturales concrètes :

Bettendorf, comme épitome du contexte rural, Helfent, comme exemple de la condition suburbaine / périphérique.

  • Bettendorf : l’archétype rural avec un tissu en déclin mais une structure spatiale intacte. Fermes abandonnées, granges vacantes, vastes empreintes scellées : autant de réservoirs de densité. Réhabilitées en hybrides productifs, rez-de-chaussée agricoles ou artisanaux, logements au-dessus, elles recomposent une ruralité compacte. Bettendorf 2050 : un village dense et socialement cohésif ainsi que productif, exploitant durablement son paysage par forêts et économie du bois et éventuellement des bassins d’algues.
  • Helfent : la condition suburbaine composée d’un archipel de boîtes commerciales et de pavillons. Ici, la transition passe par la libération des surfaces scellées. Les parkings deviennent fonciers de projet ; les tours à structures adaptables remplacent les hangars en panneaux sandwich. Les socles s’activent, mêlant habitat, production, loisirs. La périphérie devient un quartier 15 minutes, métabolique, connecté au paysage.

Conclusion

La décarbonation n’est pas un chapitre de plus dans l’aménagement du territoire : c’est potentiellement le renversement de l’alphabet de la planification. Passer d’une culture d’extension à une culture du métabolisme, de l’intensification ; troquer la surface contre le cycle, la forme contre le flux, l’addition contre la limite. Le territoire devra devenir organe - productif, séquestrant, régénératif -, et la planification une éthique opératoire du soin : calibrer les usages à la capacité du sol, densifier pour préserver, compter le temps autant que l’espace. Décarboner, ici, ce n’est pas seulement réduire : c’est réapprendre à vivre dans les limites, à composer avec ce que le territoire peut encore offrir, absorber, régénérer. C’est passer d’une logique de conquête à une logique d’entretien, d’une politique de la maîtrise à une politique de la dépendance éclairée.

La décarbonation esquisse ainsi une politique du territoire : une politique qui ne sépare plus l’écologie du projet, ni la matière du pouvoir. Une approche qui cherche moins à améliorer qu’à deprogrammer : rompre avec le statu quo de l’éternel médiocre, où la planification ne fait que reproduire sa propre inertie.

Ici, il s’agit d’inventer une nouvelle culture du projet, capable de penser à l’échelle des défis. Non plus ajuster, mais reconfigurer. Non plus planifier le connu, mais rendre praticable l’inimaginable.

Et si, finalement, le où développer induit un nouveau quoi bâtir, avant de se perdre dans le comment construire ?

Philippe Nathan, architecte, associé-fondateur de 2001, un studio développant territoires, bâtiments, espaces et idées. www.2001.lu
Article paru dans Neomag #75 - décembre 2025

Le point sur la feuille de route construction bas carbone
Le point sur la feuille de route construction bas carbone

Lancée en septembre 2023 et chapeautée par le CNCD, la stratégie de décarbonation du secteur de la construction vise à accompagner l’ensemble des parties prenantes du secteur de la construction dans la mise en œuvre des objectifs de l’Union européenne en matière de réduction des émissions de CO2

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Quel était l’objectif de la 1re phase de la stratégie de décarbonation de la construction visant à atteindre les objectifs de – 55 % d’émissions de CO2 d’ici 2030 et de neutralité carbone à l’horizon 2050 ?

Les projets de la feuille de route, menés entre septembre 2023 et fin 2025, ont servi à collecter des données nécessaires pour pouvoir définir le point de départ et fixer des seuils d’empreinte carbone applicables aux bâtiments neufs à partir de 2030. Le CNCD étant, par définition, un organisme public-privé qui regroupe cinq ministères et tous les acteurs privés de la chaîne, nous l’avons fait de manière collaborative, au sein de séminaires et de groupes de travail et de réflexion.

Où en est-on aujourd’hui ?

Nous disposons de données fiables. Elles sont en cours d’interprétation. Les données des chantiers des entreprises de construction vont être croisées avec celles des architectes et ingénieurs car la vision qui consiste à séparer la conception de l’exécution est obsolète : pour mener des actions pertinentes, nous avons besoin d’une approche transversale qui prend en considération à la fois les émissions incorporées – l’énergie grise liée à la construction d’un bâtiment – et les émissions opérationnelles – celles qui sont liées à son usage. Il faut travailler sur l’ensemble de la chaîne.

Que va-t-il se passer par la suite ?

Une fois ces données analysées, nous déterminerons, avec l’autorité publique, des seuils compréhensibles, atteignables, qui serviront de base à un cadre adapté aux réalités du secteur.

Nous travaillerons en parallèle sur la mutation des compétences des entreprises de toute la chaîne et de leurs salariés, pour leur permettre de mettre en œuvre les solutions qui émaneront de ces réflexions.

Ce sera d’ailleurs le dernier point : trouver des voies de décarbonation. Elles peuvent être réglementaires, liées à la conception, à l’usage, aux compétences, aux matériaux, à la technique... Elles sont multiples et nous faisons partie de ceux qui pensent qu’il est parfaitement jouable de réduire dès aujourd’hui les émissions d’un bâtiment avec les solutions qui existent. Ce n’est pas seulement une question de moyens financiers. Il s’agit avant tout de repenser notre manière de penser et de faire.

La collaboration, la transversalité sont des notions qui reviennent souvent…

Il existe plusieurs façons de résoudre les problèmes, mais la plus efficace est de le faire en croisant les points de vue des ministères concernés, des concepteurs et des entreprises de construction, car un obstacle administratif ou réglementaire peut très bien passer inaperçu pour un architecte ou un ingénieur, alors qu’il constitue un vrai blocage pour une entreprise d’exécution. Et, à l’inverse, certains éléments considérés comme des freins par les concepteurs ou par l’autorité publique peuvent être facilement levés par une entreprise, simplement parce qu’elle a déjà de la solution.

C’est là que l’échange collaboratif et transversal a toute son importance. Nous devons nous concentrer sur les solutions, la levée des obstacles et l’accompagnement de l’ensemble des acteurs de la construction durable, et agir sur plusieurs leviers.

La prochaine étape passera par une approche non plus en silos, mais par un travail conjoint entre l’OAI, le CDEC et le gouvernement, pour permettre aux différentes parties prenantes de partager leurs contraintes, mais aussi les solutions qu’ils identifient. Nous allons donc avancer de manière beaucoup plus collective.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #75 - décembre 2025

Du recyclage au cyclage
Du recyclage au cyclage

Intégré depuis peu au sein du groupe international SWECO, +ImpaKT peut désormais s’appuyer sur un large panel de compétences techniques pour devenir un one-stop-shop regroupant tous les services d’engineering du bâtiment. +ImpaKT ne renie pas son ADN pour autant : l’économie circulaire reste au cœur de son approche à chaque étape du projet.

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Quel est le lien entre économie circulaire et données ?

Le défi est de saisir le réel potentiel circulaire d’un produit. Les données sur lesquelles nous nous basons actuellement pour caractériser la circularité proviennent encore souvent de l’économie linéaire. À titre d’exemple, la Ellen MacArthur Foundation a créé un indice de circularité qui mesure la préservation de la matière à travers un processus, en prenant en compte ce qui entre dans un processus et ce qui en ressort, mais sans considérer la réparabilité ou un meilleur usage du bien. C’est donc une description qui n’est circulaire qu’en termes de kilogrammes de matière, et non en termes d’usage. C’est pourquoi nous avons créé le PCDS - Product Circular Data Sheet -, un outil qui vise à introduire un nouvel ensemble de données qui permettent de qualifier les attributs circulaires d’un produit comme : est-ce qu’il provient de matières premières vierges, réutilisées ou recyclées ? Est-il facile à réparer, à démonter ? L’idée est de comprendre dans quelle mesure il a été conçu pour une économie circulaire.

Que manque-t-il pour que les « vrais »principes de l’économie circulaire passent dans la pratique ?

Depuis des années, on construit encore et encore des projets pilotes. Ce n’est pas ce qui manque pour passer à l’échelle. Ce qui manque, c’est la standardisation, et ça passe par la normalisation des données, du langage qu’on utilise quand on parle d’économie circulaire.

C’est l’économie circulaire 2.0 ?

C’est l’amorce de l’économie circulaire 2.0. La standardisation peut sembler ennuyeuse, pourtant on doit passer par là : imaginez un carrefour sans signalisation, ou la logistique sans les containers - nous avons créé un système extrêmement efficace autour de ces unités standards : les bateaux, les trains, les camions sont faits pour les transporter ; les sites de stockage sont dimensionnés pour les accueillir. C’est de cela dont nous avons besoin en économie circulaire - de standardisation - pour permettre un échange facile des données et créer une véritable économie de services autour. Aujourd’hui, la création de données dans un contexte circulaire coûte trop cher, tout comme la logistique à l’ancienne lorsque le bateau n’était rempli qu’à 75 %. Standardiser permettrait de rendre abordables les données sur toute la chaîne de production. C’est donc le sujet sur lequel nous devons travailler dans les années à venir.

Pour accélérer la transition, il faut de la standardisation. Mais qui doit travailler sur cette standardisation ?

Il faut une volonté politique pour exiger et supporter la normalisation, et c’est ensuite à des organismes comme l’ILNAS - Institut Luxembourgeois de la Normalisation, de l’Accréditation, de la Sécurité et qualité des produits -, le CEN - Centre Européen de Normalisation -, ou l’ISO – International Organization for Standardization - de prendre le relais pour créer des standards techniques adaptés reconnus au niveau international.

Vous étiez récemment à la foire Pollutec à Lyon, qui est consacrée à la dépollution. Quel est votre retour d’expérience ?

Cela m’a conforté dans l’idée que nous avons vraiment besoin d’une nouvelle définition de l’économie circulaire. Une définition dont on a le courage d’exclure le recyclage. Car tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, il n’est rien d’autre qu’une pratique pure et dure d’économie linéaire : c’est un business lucratif qui profite de la masse de déchets que notre fonctionnement actuel génère : plus on crée de déchets, plus on crée de PIB.

À cette foire, manquaient les concepteurs, alors que l’industrie du recyclage était bien là avec la promesse de pouvoir tout recycler. Mais ce n’est jamais qu’une « réaction » : d’abord on crée un nouveau produit (trop) complexe, on le lance sur le marché, et c’est seulement ensuite que nous nous posons la question du recyclage. Le recyclage vient toujours trop tard. Ce n’est pas de l’économie circulaire, mais de l’économie linéaire qui essaie de tourner en rond.

Le recyclage génère aussi de la confusion : il laisse supposer qu’on peut continuer sans changer nos habitudes, puisque tout serait recyclable. Mais, le véritable problème, c’est que le produit a été fabriqué sans tenir compte de la préservation des matériaux.

Les batteries sont un bon exemple. C’est un domaine dans lequel il y a beaucoup d’innovation : on cherche à réduire les coûts, passer à l’échelle, augmenter la performance et la capacité de stockage d’électricité par kilogramme de matière, et on investit des sommes d’argent considérables pour y parvenir. On met de nouveaux types de batteries sur le marché. Et quelques années plus tard, on se demande comment les recycler. C’est alors qu’on se rend compte que les usines et les traitements qu’on avait imaginés pour les batteries précédentes ne sont pas adaptés aux nouvelles batteries et requièrent de nouvelles installations.

Il faudrait remplacer le concept de « recyclage » par celui de « cyclage », un mot qui permettrait de décrire la volonté de préserver la qualité des matériaux pour un meilleur usage, alors que le recyclage est souvent du downcycling, avec une perte de la qualité intrinsèque. À Pollutec, j’étais à la fois impressionné par la technologie mise en œuvre pour parvenir à tout recycler et désemparé devant toute l’ingéniosité déployée pour traiter un problème qu’on a nous-mêmes créé au lieu d’utiliser cette intelligence à éviter de créer ce problème. Ce n’est pas du tout la bonne approche.
Et pour faire le lien avec les nouveaux sets de données relatifs à l’économie circulaire : le recyclage, finalement, est un des sous-indicateurs de l’économie circulaire et probablement pas le meilleur pour décrire la réelle circularité des produits.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #75 - décembre 2025

Ingénierie et décarbonation : « La transition se construit aujourd'hui »
Ingénierie et décarbonation : « La transition se construit aujourd’hui »

Réduire l’impact environnemental du bâti n’est plus une option. Pour Schroeder & Associés, bureau d’ingénieurs-conseils luxembourgeois, c’est un moteur de transformation. Avec sa stratégie Schroeder 2030, l’entreprise a fait de la décarbonation non pas une contrainte, mais une opportunité d’innovation et de performance durable.

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« Notre responsabilité, c’est d’aider à construire autrement »

« La construction est l’un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre. En tant qu’ingénieurs-conseils, nous avons l’opportunité de jouer un rôle central : chaque décision de conception influence l’empreinte carbone du projet. Chez Schroeder & Associés, nous avons compris que notre responsabilité ne s’arrêtait pas à l’exécution technique d’une mission de structures ou d’infrastructures. Elle commence dès la réflexion sur l’impact global de ce que nous concevons. Cette conviction s’est structurée dans notre stratégie RSE, articulée autour de trois piliers environnementaux : décarbonation, économie circulaire et préservation des habitats naturels. Depuis 2024, chaque projet de structure et d’infrastructure que nous étudions fait l’objet d’un calcul d’impact carbone remis au client. Cela change tout : les émissions deviennent un critère mesurable de conception au même titre que la performance structurelle ou le coût, permettant ainsi d’intégrer pleinement la durabilité dans la prise de décision ».

Une approche intégrée, de l’ingénierie au conseil stratégique

Pour Martine Schummer, la force de Schroeder & Associés tient à son approche holistique. « La décarbonation n’est pas un projet isolé, c’est un fil conducteur. Nous travaillons sur le cycle de vie complet des ouvrages, en croisant les expertises : structure, mobilité, urbanisme, techniques spéciales, énergie, biodiversité. Cette transversalité est notre marque de fabrique ». En interne, la gouvernance est structurée : un Comité RSE et un Comité Développement Durable suivent les indicateurs et orientent la stratégie, en lien étroit avec le Comité QSE. « Cette organisation nous permet d’intégrer la durabilité dans nos processus et dans nos métiers. Ce n’est pas une case à cocher : c’est un vrai métier de conseil que nous développons ». Mais l’engagement commence par l’exemplarité. «  Entre 2021 et 2023, nous avons réduit nos émissions internes de 3 594 à 2 079 tonnes de CO₂, soit – 42 %. Cela tient à une meilleure collecte des données, notamment sur les déplacements de nos collaborateurs, mais aussi à des choix concrets : mobilité douce, gestion responsable de nos achats, consommation énergétique ».


La durabilité n’est pas une option : c’est la condition d’une ingénierie tournée vers l’avenir.

Des projets concrets pour transformer les pratiques

« Chaque projet est pour nous la preuve concrète de nos engagements », souligne Martine Schummer. À Kockelscheuer, le siège de Schroeder & Associés illustre cette ambition : bâtiment certifié DGNB Gold, à énergie quasi nulle, façade modulaire en bois isolée à la cellulose, chaufferie à pellets et panneaux photovoltaïques, réduisant significativement son impact environnemental tout en offrant un espace dynamique pour les équipes.

La société mise également sur la déconstruction sélective et le réemploi des matériaux. De plus en plus de projets intègrent cette approche, valorisant les ressources locales issues de bâtiments existants. Dans le projet « Wunne mat der Wooltz » à Wiltz, une plateforme a été créée pour gérer jusqu’à 20 000 m³ de terres excavées, dont 8 000 m³ ont déjà été réutilisés pour constituer un remblai derrière un ouvrage de soutènement, tandis qu’à Bascharage, près de 150 éléments de second-œuvre et de mobilier ont trouvé une seconde vie au lieu d’être évacués comme déchets dans le cadre de la déconstruction de l’ancienne mairie. « C’est l’économie circulaire appliquée au génie civil : limiter l’impact environnemental tout en maximisant la revalorisation des ressources déjà existantes », résume Martine Schummer.

Schroeder & Associés explore également de nouvelles pistes pour réduire les émissions des bâtiments et des ressources. Sur le plan structurel, le Centre de Conférences à Mersch illustre cette approche : la superstructure, composée de plusieurs systèmes en bois (un matériau à empreinte carbone négative), reposera sur un sous-sol construit en béton recyclé et en béton à faible teneur en CO₂, intégrant un ciment spécialement choisi pour limiter les émissions. « En remplaçant une partie des granulats par des matériaux recyclés et en optimisant le type de ciment, nous réduisons significativement l’impact carbone tout en conservant la performance structurelle nécessaire, et ce sans surcoût », souligne Martine Schummer.

Le projet BELЯ, situé à Luxembourg, illustre également l’approche durable du bureau. « Il s’agissait ici de reconvertir l’ancien siège de la Banque Edmond de Rothschild en 46 logements de haut standing, en conservant la structure existante et en optimisant l’éclairage, la façade et la performance énergétique. Cette transformation de bureaux en résidentiel réduit fortement l’impact environnemental par rapport à une construction neuve, valorise les matériaux existants et montre qu’on peut allier réemploi, qualité de vie et performance environnementale », ajoute-t-elle.

Former, impliquer, convaincre

La réussite de cette stratégie passe par l’humain. « La décarbonation n’est pas un département, c’est une culture d’entreprise partagée. Au sein du bureau, deux unités dédiées à la durabilité et aux ressources durables en sont le catalyseur : elles forment, outillent et accompagnent l’ensemble des métiers pour intégrer le calcul carbone et la circularité au quotidien ». Chaque ingénieur, chaque chef de projet doit se sentir acteur de la transition ». Les défis restent nombreux : inertie des habitudes, collecte de données incomplète, coûts techniques… « Mais nous avançons. La clé, c’est la pédagogie et la démonstration. Quand on montre que le bas carbone améliore la qualité du projet et sa performance économique, les mentalités changent ».

Pour Martine Schummer, la transition bas carbone n’est pas un horizon lointain : elle se joue ici et maintenant. « Notre objectif, d’ici 2030, est d’être la référence en ingénierie-conseil intégrée au Luxembourg : une ingénierie créatrice de valeur durable, qui aligne performance, innovation et responsabilité. La transition bas carbone n’est pas un supplément d’âme : c’est la condition d’une ingénierie tournée vers l’avenir. Elle demande de l’exigence, de la coopération et une bonne dose de conviction. Mais elle ouvre aussi des perspectives passionnantes pour nos métiers. C’est une transformation collective - et elle se construit aujourd’hui ».

Article paru dans Neomag #75 - décembre 2025

SECO, le « One-Stop Shop » pour vos projets circulaires et bas carbone
SECO, le « One-Stop Shop » pour vos projets circulaires et bas carbone

Depuis la pandémie du COVID-19, le secteur de la construction traverse des turbulences économiques liées aux tensions dans les chaînes d’approvisionnement. À ces dernières évolutions conjoncturelles s’ajoutent des évolutions réglementaires et environnementales qui imposent une transformation des pratiques usuelles.

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La circularité et la décarbonation deviennent-elles des priorités pour le secteur de la construction ?

Indéniablement, oui.
La transposition luxembourgeoise du Green Deal reste à prévoir, avec la modification de la Directive sur la Performance Énergétique des Bâtiments (DPEB) et l’établissement d’objectifs sectoriels nationaux en matière de réduction carbone. Notamment, un budget carbone annuel en kg eq.CO2/m2 sera à fixer pour les émissions incorporées des nouveaux projets de construction et de rénovation.

En ce qui concerne la circularité, la souveraineté de l’Europe est menacée sur plusieurs matières premières critiques et stratégiques comme les terres rares (voir le Critical Raw Materials Act) indispensables à l’utilisation de nos outils numériques, à la production et au stockage d’électricité, ainsi qu’à la fabrication du verre (borates). Le sable, indispensable à la production de béton et autres matériaux de construction, est également une ressource stratégique sous forte pression.

Une nouvelle législation européenne, le Circular Economy Act, est prévu pour adoption en 2026 et visera à établir un marché unique pour les matières premières secondaires, à accroître l’offre de matériaux recyclés de haute qualité et à stimuler la demande de ces matériaux au sein de l’UE.

On ne sait pas encore si le Luxembourg imposera un objectif de réemploi dans la construction, mais à titre d’exemple nos voisins français imposent depuis 2023 d’intégrer au moins 20 % de réemploi ou de réutilisation dans la valeur des produits achetés pour les marchés publics.

En quoi la circularité et la décarbonation peuvent se compléter ?

Une étude menée par SECO Expert, via le logiciel One Click, illustre le potentiel de décarbonation lié aux pratiques de réemploi de quatre matériaux fréquemment utilisés dans les projets de construction ou de rénovation : les cloisons amovibles, le plancher technique, le revêtement de sol souple et les luminaires intérieurs.

Pour chacun de ces matériaux, l’impact carbone évité par le réemploi a été évalué à l’aide de la méthode de l’analyse du cycle de vie (ACV). En choisissant de réemployer un composant plutôt que de le jeter et d’en acheter un neuf, on évite une grande partie des émissions liées aux phases d’extraction et de fabrication.
Jusqu’à 100 kgCO₂e/m2 évités grâce au réemploi dans ce scénario.

Cette réduction est particulièrement pertinente dans un contexte où les maîtres d’ouvrage sont de plus en plus appelés à intégrer des bilans carbone dans leurs projets et à justifier des choix durables via des certifications environnementales internationales, comme le LCBI (Low Carbon Building Initiative).

Quelles sont les principales difficultés rencontrées sur le terrain ?

La première difficulté peut apparaître comme la maîtrise et l’implémentation des nouvelles réglementations, voir même l’absence de réglementation claire pour les initiatives les plus innovantes.

Il est nécessaire d’harmoniser certaines méthodologies et référentiels (calcul des bilans carbone, calcul des indices de circularité des projets, sécurité incendie). Un ensemble de travaux normatifs européens est actuellement mené au sein de la commission CEN/TC 350/SC1 « Circular economy in the construction sector ». Les documents techniques issus de ces travaux visent à établir un langage commun encore absent à ce jour.

Les habitudes constructives ne cessent d’évoluer et chaque acteur doit se réinventer, se former et se préparer aux exigences de demain pour rester compétitif.

Comment SECO accompagne les acteurs du secteur dans cette transition ?

Nos collaborateurs sont sensibilisés aux enjeux de durabilité afin d’accueillir les éventuelles innovations, variantes techniques ou autres attentes clients de façon positive et pro-active sur vos projets.

Dans ce contexte, le métier de contrôleur technique évolue : attestation processus, évaluation technique réemploi, évaluation de structures adaptables et réversibles… nos analyses des risques sont plus que jamais sur-mesure.

En complément, SECO intervient en phase étude, via son entité indépendante SECO Expert, pour l’assistance conception circulaire et bas carbone et pour l’assistance à maîtrise d’ouvrage.
Dans une logique d’accompagnement global, SECO se positionne comme un véritable « One-Stop Shop ». Nous offrons des services complets allant des études préalables (conception énergétique, inventaires déconstruction, bilan CO2, etc.) à l’assistance opérationnelle (AMO, suivi et assistance chantier), sans oublier les analyses de risque. Nous intervenons aussi sur des missions spécifiques telles que le screening taxonomie ou l’attestation processus pour les opérations de dépose, traitement, stockage en vue du réemploi.

Énergie, matière et carbone : un triptyque indissociable ?

La performance durable d’un bâtiment repose sur trois piliers complémentaires : la matière, l’énergie et le carbone. Si la circularité agit sur la matière, et la décarbonation sur les émissions, c’est bien la maîtrise énergétique — à travers l’enveloppe et les techniques spéciales — qui relie les deux.
Une enveloppe performante limite les déperditions, un système HVAC bien conçu réduit les consommations, et une régulation intelligente optimise l’usage au quotidien.
Chez SECO, circularité et efficacité énergétique ne s’opposent pas : elles s’additionnent pour créer des projets réellement bas carbones et durables.

Au vu de toutes ces synergies, en septembre 2025 un département Energy & Sustainability a été créé au sein de l’entité SECO Expert pour renforcer les compétences et favoriser les échanges internes sur les thématiques de certification environnementale, de rénovation énergétique et de circularité.
Ceci toujours dans un souci de qualité et de performance durable de vos projets.

Une question, un projet ? www.groupseco.com

Camille Coppi, Project engineer Circular Economy et Adrien Weyrich, Project Engineer Sustainability
Article paru dans Neomag #75 - décembre 2025

La recette bas carbone de Leudelange
La recette bas carbone de Leudelange

Dès 2026, le centre de Leudelange fera l’objet d’un réaménagement complet visant à le rendre plus convivial. Au cœur de ce projet, le futur bâtiment « Um Wäschbuer » accueillera notamment une supérette, un centre médical et des appartements abordables.

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Le projet expérimentera une combinaison de géothermie, énergie solaire et matériaux biosourcés, dans l’objectif de réduire l’empreinte carbone tout en conciliant confort, fonctionnalité et performance énergétique. Conçu par les bureaux STDM (architecture), Ney & Partners (statique) et Sweco (techniques spéciales et advanced engineering), le bâtiment incarnera l’engagement de la commune en faveur d’une construction durable.

Le choix des matériaux d’enveloppe soulignera cette ambition. Les façades seront isolées avec des matériaux biosourcés, principalement à base de fibre de bois. Issus de ressources renouvelables, ces isolants conservent le carbone absorbé par le bois tout au long de sa croissance, en faisant de véritables puits de carbone. Outre leur faible empreinte environnementale, ils présentent de bonnes performances thermiques et participent à une meilleure régulation de l’humidité, renforçant le confort intérieur et la durabilité du bâtiment.

Autre pilier du projet : la géothermie. Sous le bâtiment, 52 forages verticaux alimenteront deux pompes à chaleur de 108,7 kW chacune. Ce système couvrira à la fois le chauffage et le rafraîchissement du bâtiment. Le fluide frigorigène circulera dans des sondes en U, où il captera la chaleur naturelle du sol avant de la restituer au système. Grâce à ce procédé, le dispositif devrait afficher un coefficient de performance (COP) pouvant atteindre 5 : pour 1 kWh d’électricité consommé, jusqu’à 5 kWh de chaleur seront produits. « L’exploitation de la chaleur du sol via la géothermie assure une énergie renouvelable, constante et performante » explique Jules Youmbi, ingénieur en énergie chez Sweco.

L’énergie solaire complètera le dispositif : les 105 panneaux photovoltaïques couvriront 204 m2 et produiront environ 45 738 kWh par an. L’électricité produite sera consommée directement sur place par la pompe à chaleur et les besoins propres du bâtiment, tandis que le surplus sera réinjecté dans le réseau. « L’énergie solaire alimentera la géothermie, formant une boucle vertueuse d’énergies renouvelables », souligne Jules Youmbi. Cette synergie entre géothermie et photovoltaïque créera un système intégré, autonome et bas carbone, capable de conjuguer efficacité énergétique et résilience face aux fluctuations du marché de l’énergie.

À travers ce projet, la commune de Leudelange entend montrer qu’il est possible de concilier innovation, sobriété et performance énergétique. L’association de matériaux biosourcés, de géothermie et d’énergie solaire s’inscrit dans une démarche exemplaire en faveur d’une construction plus durable et reproductible.

Article paru dans Neomag #75 - décembre 2025

Comment limiter l'impact environnemental ?
Comment limiter l’impact environnemental ?

Ces derniers temps, on nous assène de plus en plus souvent qu’il faut isoler les bâtiments en plus grand nombre et avec plus d’efficacité. Mais cette mesure est-elle vraiment avantageuse si l’on considère que la fabrication des matériaux d’isolation elle-même requiert de l’énergie, qu’elle est émettrice de CO2 et qu’elle a un impact indéniable sur l’environnement ?

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Étude de Buildwise

Pour atteindre les objectifs fixés en matière d’énergie et de climat et parvenir à un parc immobilier plus économe en énergie, il est nécessaire de rénover plus, mieux et plus rapidement. Toutefois, plus la performance énergétique est améliorée, plus la quantité d’isolant ou le nombre d’installations techniques nécessaires à cet égard augmente. La fabrication et l’entretien de ces matériaux et de ces installations engendrent à leur tour un certain impact sur l’environnement. Il faut donc trouver un équilibre entre l’impact environnemental résultant de l’utilisation supplémentaire de matériaux et les économies d’énergie réalisées grâce à ceux-ci.

Buildwise a évalué l’impact environnemental des matériaux de construction, des installations techniques et de la consommation d’énergie pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire pour un certain nombre de maisons types sur une période de 60 ans. Cet impact a été calculé au moyen d’une analyse du cycle de vie ou ACV, et ce pour des scénarios de rénovation et de construction neuve ainsi que pour différents niveaux de performance énergétique. Les résultats de cette étude apparaissent dans le graphique, l’électricité produite par les panneaux solaires y a été déduite de la consommation d’électricité pour usage domestique.

Équilibre entre matériaux et énergie

Limiter les besoins en énergie à l’occasion de travaux de rénovation

Les résultats de l’étude confirment que les gains environnementaux les plus importants à la suite de travaux de rénovation sont dus à l’isolation de l’enveloppe du bâtiment. En cas de rénovations minimales sur le plan énergétique (isolation du toit avec une valeur U = 0,24 W/m2K, pose de double vitrage et installation d’une chaudière à gaz à condensation, par exemple), l’impact environnemental des matériaux utilisés est très faible en comparaison avec l’impact environnemental de la consommation d’énergie pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire (voir les variantes de rénovation MIN dans le graphique).

Améliorer le niveau de performance énergétique (E60 ou moins, par exemple) ne fait qu’augmenter légèrement l’impact environnemental des matériaux, mais l’impact lié à la consommation d’énergie au cours de la durée de vie du bâtiment diminue considérablement. Nous constatons ainsi que les habitations ayant un niveau E plus faible (E30) ont généralement un impact environnemental plus faible sur 60 ans.

En premier lieu, il est donc primordial – en vue de réduire la consommation d’énergie pour le chauffage – de bien isoler les bâtiments existants. On peut ensuite optimiser le choix du matériau d’isolation pour réduire son impact environnemental.

Optimiser le choix des matériaux dans le cas d’une construction neuve

La situation est quelque peu différente en ce qui concerne les constructions neuves. Leur consommation d’énergie pour le chauffage, par exemple, est restreinte, car la réglementation exige déjà une bonne performance énergétique (≤ E30). Par ailleurs, on utilise bien plus de matériaux pour une nouvelle construction que pour une rénovation énergétique (matériaux de gros œuvre et de finition, par exemple). Dès lors, l’impact environnemental des matériaux de construction et des installations techniques dans les constructions neuves à faible consommation énergétique est aussi important, voire plus important, que l’impact environnemental engendré par la consommation d’énergie de ces bâtiments pendant 60 ans. Il s’avère en outre que réduire le niveau E à E0 n’entraîne pas nécessairement des gains environnementaux supplémentaires, car l’impact dû aux installations techniques est alors susceptible d’augmenter de manière significative. Pour une construction neuve, il est donc essentiel de choisir des matériaux ayant un faible impact environnemental.

L’outil TOTEM (www.totem-building.be) peut s’avérer utile à cet effet, dans la mesure où il permet de se faire une idée de l’impact des différents éléments constructifs et de comparer plusieurs alternatives entre elles.

Choix de la stratégie à appliquer

Qu’il s’agisse de travaux de rénovation ou d’une construction neuve, différentes stratégies permettent de réduire le niveau E. Ainsi, il est possible d’isoler davantage (par exemple, en isolant l’enveloppe du bâtiment de manière à ce que la valeur U soit égale à 0,16 W/m2K et en installant une chaudière au gaz à condensation ou de recourir à des techniques avancées (par exemple, en isolant l’enveloppe du bâtiment pour que la valeur U soit égale à 0,24 W/m2K et en installant une pompe à chaleur (PC) et/ou des panneaux solaires).

Bien que l’impact environnemental global semble diminuer lorsque le niveau E est inférieur, nous constatons que les performances environnementales pour un même niveau E peuvent varier fortement en fonction de la stratégie choisie. Le graphique montre, par exemple, que, pour la rénovation de la maison de maître vers un niveau E60, la stratégie qui consiste à isoler les murs extérieurs et la toiture engendre un impact environnemental plus faible que la stratégie où seule la toiture est isolée en combinaison avec des panneaux solaires.

Étant donné que des gains environnementaux supplémentaires peuvent encore être réalisés pour un niveau E ou un niveau d’ambition énergétique donné, en fonction de la stratégie ou des matériaux sélectionnés, l’outil TOTEM est un excellent complément aux règles PEB pour réduire davantage l’impact environnemental des bâtiments.

Cet article est basé sur les résultats du projet Klimaatdoelstellingen voor de bouwsectoreen potentieel voor circulair bouwen ? réalisé à la demande de l’OVAM, et sur la recherche prénormative Cadre méthodologique pour la réalisation d’une ACV dans la construction.

L. Wastiels, dr. ir., chef du laboratoire Performance environnementale, et L. Delem, ir., chef de projet senior, laboratoire Performance environnementale, Buildwise
Article paru dans Neomag #75 - décembre 2025

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