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Quand le bois local devient structure et signature

Quand le bois local devient structure et signature

La reconstruction du gymnase Jean Lamour après l’effondrement de sa toiture en 2012 s’appuie sur le savoir-faire régional et la filière bois du Grand Est.

Charpente en bois massif, parois préfabriquées isolées en laine de bois et enveloppe en résille de douglas, le projet illustre à la fois la performance technique et la poésie constructive d’un matériau aux multiples vertus.

La filière bois du Grand Est

Avec 33 % de couverture forestière sur l’entièreté de son territoire, la région voisine du Grand Est se positionne en quatrième position des régions les plus boisées de France, renforcée par une filière très dynamique générant près de 50 000 emplois non délocalisables. Ces forêts, les plus productives du pays, génèrent annuellement près de 8 millions de m³, représentant plus du tiers du volume mis en vente en forêt publique. La majorité de la surface de forêt régionale se constitue de feuillus (79 %), le chêne en tête (28 % du volume sur pied) puis respectivement le hêtre, le frêne et le charme pour un total de 51 % ; ces feuillus partent majoritairement à l’exportation, faute de valorisation plus étendue. Les résineux, surtout présents dans le massif des Vosges, sont essentiellement l’épicéa et le sapin qui à eux seuls concernent 75 % de la récolte annuelle destinée au bois d’œuvre, le douglas connaissant une forte croissance.

Une renaissance exemplaire, le bois comme matériau aux multiples performances

Erigé en 1976, la première version du gymnase voyait s’effondrer sa toiture en 2012 ; sa transformation – sous forme de démolition-reconstruction – initiée en 2020 et portée par les architectes Christophe Aubertin et Xavier Géant, fortement engagés dans l’usage de ressources locales et l’emploi de savoir-faire régionaux, impose le bois comme matériau phare.

Christophe Aubertin : « À l’origine, le maître d’ouvrage n’avait pas de demandes précises quant au type de bâtiment souhaité. Un concours classique a donc été lancé, sans exigence particulière concernant l’utilisation du bois, qu’il soit local ou non. C’est nous qui, par conviction, avons fait le choix de proposer un projet en bois, avec une forte orientation vers les filières courtes ; en utilisant du bois brut transformé localement, nous dynamisons les scieries de proximité et l’activité des artisans menuisiers de la région, tout en participant à la préservation et à la transmission d’un savoir-faire traditionnel ».

Plutôt que de favoriser l’usage d’éléments en lamellé-collé, comme cela se pratique souvent pour les projets devant concilier « grand franchissement » et « matière bois », la charpente est constituée de poutres-treillis moisées en bois massif, éléments les plus remarquables du projet conciliant performances éprouvées et maîtrise des coûts ; espacés entre eux de 2 mètres, ce sont pas moins de 17 portiques triangulés, composés de poutres de section relativement modeste (20 x 8 cm) en longueurs de 8 mètres, qui permettent de couvrir des portées jusqu’à 24 mètres - des connecteurs métalliques qui traversent chacun des nœuds complétant le système. Ce parti technique prônant l’usage de petites sections s’inspire des travaux menés par Jacques Anglade, ingénieur en structures bois issu de l’EPFL, permettant notamment d’avoir recours à des arbres de petit diamètre et de mieux valoriser les chutes et réduire les déchets, dans une démarche globale d’écoresponsabilité. In fine, l’ensemble de la structure présente une esthétique remarquable, discrètement magnifiée par la technicité complexe qui fut nécessaire à son érection.

L’enveloppe protégée du bâtiment se compose quant à elle de parois préfabriquées en ossature bois isolées à l’aide de laine de bois insufflée, garantes d’une protection ininterrompue et sans ponts thermiques et garantissant un confort thermique optimal tant en saison froide que chaude. Le bois local, matière « bonne à tout faire », se prolonge dans les aménagements et le mobilier intérieurs comme les gradins, les placards ou les bancs, privilégiant et soutenant un modèle circulaire et une gestion durable des ressources.

Une enveloppe en résille

L’extérieur du bâtiment se couvre d’une peau faite de bacs en acier laqué blanc devant laquelle se dispose une élégante résille réalisée en douglas non traité et non raboté, destiné à griser naturellement : cette maille à triple couche, cet « entrelac » très régulier de lattes s’organise sur une épaisseur de 15 cm, rythme les façades et crée un subtil jeu d’ombres au gré de l’ensoleillement.

Textes originaux et illustrations (architecture) : ©Studio Lada ; rédaction de la brochure originale : Admon Wajnblum, Aurore Leblanc, Louiza Randjelovic – Ligne Bois, Aurélia Perry – Fibois Grand-Est, dans le cadre du projet Interreg VI W.A.V.E. ; rédaction actuelle, adaptations et mise en forme finale : Régis Bigot, arch. & IPM Neobuild GIE
Article paru dans Neomag #74 - novembre 2025


Acteurs du projet

Maître d’ouvrage : Métropole du Grand Nancy
Bureau d’architecture : Studio Lada
BE stabilité bois : Barthes BE Bois
BE gros-œuvre & réseaux : SIGMA
BE thermique & fluides : Fluid’Concept, AIDA
Bureaux de contrôle : BTP Consultants, Prevlor BTP
Entreprises bois : charpentiers : Le Bras Frères, menuisiers : Bati Fenêtres, Nouveaux Etablissements Baldini
Scieries : scierie du Grand Clos (pin), scierie Mandray (épicéa), scierie Bernard (pin et épicéa)


Data

Coût total des travaux : 3 100 000 euros
Essences utilisées : épicéa (structure, charpente, menuiseries intérieures), douglas (bardage extérieur), pin sylvestre (menuiseries extérieures et intérieures)
Volume bois utilisé : 350 m³
Prix : Prix National de la Construction Bois 2023, catégorie « bâtiment public », Prix Régional de la Construction Bois

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Publié le mercredi 26 novembre 2025
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