
L’anticipation au cœur de la gestion opérationnelle
Récemment, la 17e édition de Meet&Build a eu lieu à l’IFSB, Bettembourg. Cet opus mettait en lumière les enjeux clés que sont l’optimisation de l’efficacité énergétique, la structuration et l’exploitation des données et l’intégration des besoins dès la conception pour améliorer la performance des bâtiments et assurer leur durabilité.
Cette rencontre a réuni divers experts du secteur qui ont partagé leurs visions et retours d’expérience.
Une gestion opérationnelle efficace des bâtiments pour réduire l’empreinte carbone de la construction
Alexis Sikora, directeur Innovation à l’IFSB, a rappelé qu’une stratégie de neutralité carbone doit prendre en considération toutes les phases du cycle de vie d’un bâtiment : du chantier à la déconstruction en passant par le choix des matériaux et l’exploitation.
Ces étapes sont toutes abordées dans des formations dispensées à l’IFSB, gratuites grâce aux financements publics, voire subventionnées à hauteur de 135 euros par jour et par personne. La formation Energy Efficiency Building, par exemple, s’inscrit dans le cadre d’un projet du Fonds Social Européen. Elle vise à aider les gestionnaires de bâtiments privés et publics de toute taille à optimiser les consommation énergétiques et elle s’articule en cinq modules qui abordent respectivement le contexte réglementaire, la maintenance et la gestion du cycle de vie des équipements, l’optimisation de la stratégie énergétique, des cas pratiques et retours d’expérience ainsi que la mise en œuvre concrète des solutions. Le CDEC accompagne également les PME du secteur à travers un programme ciblé appelé Carbon Coaching qui a pour vocation de les soutenir dans la mise en œuvre d’une stratégie de décarbonation efficace.
Alexis Sikora a aussi souligné les défis rencontrés dans le cadre de la gestion énergétique des bâtiments. Il a d’abord évoqué le fait que, malgré des choix optimisés sur le papier, les performances réelles ne sont pas toujours au rendez-vous, puis celui que les données qui permettraient d’ajuster le fonctionnement des systèmes techniques pour atteindre les objectifs énergétiques visés font souvent défaut.
La donnée structurée, une mine d’informations sur laquelle capitaliser
Selon Mehdi Halal, gérant chez BIM Consult, 80 % des données recueillies dans un projet sont inutilisées ou perdues, ce qui affecte la collaboration, ralentit la prise de décision et entraîne des pertes de temps et d’argent. Pour rendre ces données rapidement exploitables, il est essentiel de les structurer et, pour ce faire, le BIM est un outils-clé. Mais les différents logiciels de conception ne communiquent pas toujours bien entre eux, ce qui complique encore l’accès aux données. C’est là qu’entre en jeu l’intelligence artificielle. En permettant d’extraire des données spécifiques de la maquette numérique (par exemple, la liste des portes d’un étage) sans nécessiter l’intervention d’un expert, elle apporte de multiples bénéfices : accès rapide à l’information, prise de décision éclairée basée sur des données fiables et accessibles, optimisation des coûts, réduction des erreurs, amélioration de la collaboration entre les acteurs du projet.
Retour d’expérience sur le chantier-école de l’IFSB
Dans son rôle de Facility Manager à l’IFSB, Aurélien Walter applique une stratégie qui consiste à planifier les remplacements d’équipements en fonction de leur fin de vie et des évolutions technologiques et réglementaires (par exemple, dans le domaine des fluides frigorigènes), d’éviter les remplacements « un pour un » et de privilégier les solutions alternatives au remplacement lorsqu’elles existent. Il déploie une approche smart building basée sur des outils numériques et d’automatisation. Ces mesures, associées à des actions comme le remplacement des éclairages existants par des LED ou l’installation de panneaux photovoltaïques, ont permis de réduire la consommation électrique de l’équivalent de 3 mois de consommation ou 190 000 km parcourus avec une voiture de moyenne gamme.
Il travaille encore sur la compréhension de l’impact des coûts cachés liés aux évolutions technologiques et réglementaires, sur l’étude de solutions permettant de prolonger la durée de vie des équipements et d’améliorer leurs performances énergétiques, sur la mise en place d’un Building Operating System (BOS) qui centralisera et automatisera les données de gestion technique pour simplifier les interventions, sur l’analyse détaillée des compteurs en vue d’affiner le suivi des consommations et de détecter les optimisations possibles, ainsi que sur la différenciation entre certificat de performance énergétique (CPE) et audit énergétique pour mieux cibler les axes d’amélioration.
CPE vs audit énergétique
Julien Nisi, ingénieur énergéticien chez COCERT, a rappelé les spécificités du CPE et de l’audit énergétique.
Document officiel établi par un expert agréé par le ministère de l’Environnement, le CPE est la carte d’identité énergétique d’un bâtiment. Valable 10 ans, il est requis pour les constructions neuves, les ventes et locations de bâtiments existants, les extensions ou transformations importantes. Il évalue les besoins en énergie primaire, l’isolation thermique, les performances environnementales et prend en considération l’intégration de systèmes de production d’énergie renouvelable.
L’audit énergétique est une analyse approfondie de la performance énergétique d’une société. Il est obligatoire pour les entreprises de plus de 250 employés, dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros ou dont le bilan annuel dépasse les 43 millions d’euros. Les entreprises certifiée ISO 50001 en sont exemptées. L’audit est reconduit tous les 4 ans et les rapports doivent être archivés 10 ans. Il permet d’identifier les problèmes énergétiques, et de proposer des améliorations avec un budget et un retour sur investissement adaptés.
L’audit énergétique est plus précis que le CPE car le CPE suit un scénario réglementaire standard, tandis que l’audit tient compte des conditions réelles de fonctionnement.
HERVE, la qualité de l’air intérieur via une gestion intelligente de la ventilation
Stephen Moulayi Pluquin, Innovation Project Manager chez Neobuild, a présenté le projet HERVE, dont l’objectif est d’améliorer la qualité de l’air et l’efficacité énergétique des bâtiments.
Mené en collaboration avec le ministère de l’Économie, la fédération des ramoneurs et des experts en hygiène, sécurité et environnement, il se divise en deux axes. D’une part, l’amélioration du fonctionnement des systèmes de ventilation par le biais de l’identification des problèmes récurrents, de l’émission de recommandations pour le réglage des flux d’air et l’entretien régulier, et de la mise en place de règles claires pour optimiser les performances. D’autre part, la maintenance. Un entretien régulier et adapté des systèmes de ventilation est primordial pour atteindre ces objectifs. C’est pourquoi le projet vise à définir des procédures d’inspection, des instruments, des méthodes et des fréquences de nettoyage, et à identifier des produits non nocifs pour la désinfection. Une mise en application concrète à travers des tests sur le terrain est prévue.
Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #70 - avril 2025