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Entre automatisation et QVT , la stratégie de management d'ista

Entre automatisation et QVT , la stratégie de management d’ista

Face aux exigences réglementaires et aux défis de la transition énergétique, ista mise sur le digital pour optimiser la répartition des charges, améliorer la transparence pour les occupants et réduire l’empreinte carbone des bâtiments.

Interview de Joachim Colles, Country Manager, Paul Kusnierz, Sales Manager, et Adelaide Wampach, Operations Manager chez ista.

Pouvez-vous nous donner une idée de la force de frappe d’ista ?

Joachim Colles : Le groupe ista est présent dans 20 pays avec plus de 6 000 collaborateurs et prévoit de doubler son chiffre d’affaires dans les cinq prochaines années. Au Luxembourg, nous gérons actuellement 63 000 appartements et près de 500 000 appareils (65 millions dans le monde).

La loi sur le décompte des charges, adoptée l’an dernier, ouvre de nouvelles perspectives à votre métier. Qu’est-ce qui change ?

Paul Kusnierz : Avant son entrée en vigueur, la répartition des charges n’était pas encadrée. Désormais, il est obligatoire d’instaurer un système de comptage pour le chauffage, la climatisation et l’eau sanitaire dans les immeubles neufs. Pour les bâtiments existants, cette mise en conformité doit être réalisée dans les 12 mois. De plus, un décompte mensuel proactif ainsi qu’un comparatif avec les décomptes de l’année précédente devront être fournis aux usufruitiers, pour qu’ils puissent suivre l’évolution de leur consommation.

Le défi est de donner aux occupants les outils leur permettant d’accéder à ces informations. Pour ce faire, nous allons lancer cette année au Luxembourg l’application EcoTrend, qui est déjà utilisée par plusieurs millions de personnes en Allemagne.

Un autre point important est le concept de mesurage. Il doit désormais être présenté lors de la demande d’autorisation de construire, et son approbation dépend de la commune. Sans un concept rigoureux, il est difficile de concevoir un immeuble garantissant un calcul fiable des charges. Il y a six ans, nous avons anticipé ce besoin en développant un concept reposant sur une visualisation complète de l’arborescence des compteurs d’un immeuble.

Adelaide Wampach : C’est la première fois que nous avons un visuel aussi précis de ce qu’un commercial perçoit sur le terrain. Jusqu’à présent, nous ne disposions que de schémas basiques qui rendaient difficile la compréhension des bâtiments actuels, dans toute leur complexité. Nous avons lancé ce projet l’année dernière avec nos équipes au Luxembourg et en Pologne : toutes constatent une nette amélioration dans la structure des dossiers et leur mise en place.

Vous mettez d’autres outils numériques à disposition de vos clients. Pouvez-vous nous en dire plus ?

AW : Notre portail VEP disponible en trois langues (français, allemand et anglais) est très apprécié. Nos clients peuvent y consulter leurs consommations en ligne à tout moment, pour l’année en cours et l’année suivante. Il nous permet de réduire notre consommation de papier, mais aussi d’accélérer nos processus : le temps nécessaire à l’établissement d’un décompte a diminué de 54 % par rapport à il y a deux ans. Il couvre la gestion de 500 000 appareils et décomptes, dont 55 % sont concentrés sur la période de décembre, d’où l’importance de poursuivre nos efforts en matière d’automatisation.

PK : Autre nouveauté que nous avons lancée : la commercialisation des poubelles connectées pour la SuperDrecksKëscht (qui en est le fournisseur). Le principe est simple : chaque utilisateur dispose d’un badge qu’il scanne à chaque dépôt de sac dans le conteneur, ce qui permet un suivi précis des déchets. L’un des principaux avantages de ces poubelles est que, en imposant un tri rigoureux, elles permettent aux utilisateurs d’économiser plus de 50 % sur leurs frais de gestion des déchets. Une cinquantaine d’immeubles en sont déjà équipés.

Par ailleurs, nous proposons aussi de nouveaux produits en complément des décomptes pour les bâtiments industriels et mixtes, ou les grands immeubles qui nécessitent une approche et un suivi plus précis. Parmi eux, MinuteView, un système de monitoring des compteurs.

Autre innovation, venue d’Espagne : HeatPilot, une solution permettant de réduire les frais de chauffage de 6 à 20 %. Elle anticipe les conditions météorologiques pour ajuster le chauffage en fonction des prévisions du lendemain, optimisant ainsi la consommation énergétique.

Où en êtes-vous de l’électrification de votre flotte automobile engagée il y a quelques années déjà ?

AW : Nous avons un outil de planification, SmartPlan, qui permet d’organiser en une dizaine de minutes seulement les interventions de nos techniciens sur une centaine de résidences, contre plusieurs heures, voire jours, auparavant avec une gestion manuelle. Nous prévoyons aussi une version dédiée aux techniciens. Elle réduira leur stress lié à la circulation en automatisant l’envoi d’alertes aux clients en cas de retard. L’application prend également en compte le type de véhicule utilisé (diesel ou électrique), les conditions saisonnières et les distances parcourues, tout en veillant à optimiser le retour des techniciens à leur domicile en fin de journée.

JC : Nous visons l’électrification complète de notre flotte de camionnettes pour fin 2025 et le groupe ista souhaite atteindre le net zéro CO2 pour 2030.

Comment offrez-vous un accompagnement de qualité à vos équipes dans cette période de transition ?

AW : Automatiser ne suffit pas, il faut aussi s’appuyer sur une équipe compétente, multiculturelle, capable de communiquer dans les trois langues nationales, comme le font nos clients. Et surtout, une équipe prête à évoluer avec l’entreprise.

Cette année, nous allons lancer le projet QVT (Qualité de Vie au Travail) en partenariat avec l’Institut Luxembourgeois de la QVT. L’objectif est de réunir nos différentes équipes pour échanger sur des pistes d’amélioration et de changement, afin d’optimiser l’efficacité de l’entreprise. Aucun projet ne peut être mené à bien par une seule équipe : chaque équipe dépend de la suivante. C’est pourquoi il est essentiel de garantir un bon flux de communication, de favoriser les échanges humains et de transmettre les savoirs entre générations.

En tant qu’entreprise privée, nous sommes en concurrence avec le secteur public pour le recrutement, ce qui représente un véritable défi pour nous. Pour attirer et fidéliser nos collaborateurs, nous avons mis en place plusieurs avantages : une semaine de 38 heures rémunérées 40, un jour de congé supplémentaire tous les cinq ans, ainsi qu’une grande flexibilité, notamment la possibilité de concentrer ses heures sur quatre jours.

Enfin, pour accompagner ces évolutions, nous avons créé un nouveau poste en janvier : une responsable RH à plein temps. Sa mission est d’aider à structurer cette transformation, de gérer la charge de travail supplémentaire liée à cette organisation et surtout d’offrir aux collaborateurs un interlocuteur de confiance, à leur écoute pour les soutenir dans leur quotidien.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #70 - avril 2025


Légende photo : Paul Kusnierz, Adelaide Wampach et Joachim Colles (de g. à d.)