Construction - Innovation - Technologie
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Focus sur une thématique pointue à travers le regard aiguisé d’experts en la matière

Publié le 3 juin 2024
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juin 2024

Circularité

Circularité
Réduire la consommation de ressources
Réduire la consommation de ressources

Le secteur de la construction n’est pas seulement créateur de maisons, de bureaux, d’écoles, de patrimoine culturel et de tant d’autres bâtiments et infrastructures dans nos villes et villages qui sont indispensables au fonctionnement de notre société.

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Il crée également des affaires pour des milliers d’entreprises et des emplois et revenus pour des dizaines de milliers de personnes au Luxembourg. Le revers de la médaille de cette activité économique bourdonnante qui, certes, tourne au ralenti pour le moment mais redécollera sans doute bientôt car essentielle pour le pays, est une empreinte environnementale lourde en termes de consommation de ressources (plus de 40 % de la consommation intérieure de matières du pays) et en émissions de gaz à effet de serre (plus de 40 % en Europe). Le secteur est également le plus grand producteur de déchets : au Luxembourg, ils sont issus à plus de 80 % de la construction, de la démolition ou de l’excavation. L’occupation des surfaces et l’extraction de ressources ont, par ailleurs, un impact énorme sur la biodiversité et les cycles de l’eau. L’économie circulaire, parce qu’elle s’appuie sur le principe de réduction de la consommation de ressources au travers de boucles vertueuses, est un puissant levier pour alléger cette empreinte tout en stimulant l’innovation entrepreneuriale.

Extrait du Neomag#63

Vers une équation écologique et financière favorable
Vers une équation écologique et financière favorable

Pour réduire son empreinte carbone, la construction peut s’appuyer sur la réutilisation des bâtiments comme sur celle des matériaux, mais cela nécessite le déploiement d’une filière entière et le développement de compétences nouvelles en diagnostic, déconstruction sélective et conception orientée vers la circularité.

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Interview de Christina Stuart, manager de Carbone 4 Luxembourg, et Paco Vadillo, expert climat du secteur de la construction chez Carbone 4

Pourquoi s’intéresser à la construction quand on parle d’économie circulaire ?

Christina Stuart : Plus de la moitié des émissions territoriales luxembourgeoises sont liées aux transports et 20 % aux bâtiments, viennent ensuite celles de l’industrie qui alimente entre autres la construction. C’est donc un secteur extrêmement significatif en termes d’émissions. Par ailleurs, presque 90 % des résidents se chauffent avec des sources fossiles, majoritairement du gaz, et la classe énergétique moyenne des maisons unifamiliales est basse, alors que la surface par habitant est très élevée par rapport aux autres pays européens. Tout cela incite à réfléchir à une meilleure utilisation des ressources et de l’espace, à la transition vers des sources énergétiques renouvelables ou encore à l’efficacité énergétique des bâtiments.

Quel est le cadre en la matière ?

CS : L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre est fixé à - 64 % d’ici 2030 pour le secteur de la construction au Luxembourg. Le Plan national intégré en matière d‘énergie et de climat (PNEC) prévoit des mesures, mais ces projections sont extrêmement ambitieuses et un changement radical et rapide est nécessaire pour les atteindre.

Paco Vadillo : En Europe, la principale réglementation qui joue pour la décarbonation du bâtiment est la directive sur la performance énergétique des bâtiments, elle concerne principalement les émissions liées à l’énergie d’exploitation. La prise en compte de l’empreinte carbone des matériaux de construction est plus récente.

La construction est la filière la plus génératrice de déchets, mais aussi la plus consommatrice de matière. Partant de ce constat, la France a mis en place la responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du bâtiment (REP PMCB) qui prévoit que les metteurs sur le marché (fabricants, distributeurs, etc.) prennent en charge financièrement leur traitement et leur valorisation. La France a également instauré une loi anti-gaspillage, dont certaines mesures sont spécifiques à la construction.

Au niveau européen, le paquet économie circulaire intègre la notion d’éco-conception et prévoit l’application de passeports environnementaux pour les produits, et la taxonomie introduit le sujet de l’économie circulaire comme l’un des six objectifs environnementaux fondamentaux. Du point de vue de la taxonomie, l’économie circulaire consiste notamment à dessiner le bâtiment pour en favoriser la circularité, c’est-à-dire à intégrer dans la réflexion les notions d’économie des ressources, mais aussi d’adaptabilité, de flexibilité et de démontabilité des bâtiments. Cela implique de concevoir les bâtiments de sorte à éviter la consommation de matière en amont, et de réutiliser / recycler la matière utilisée.

Sur quels leviers la construction peut-elle s’appuyer ?

PV : La réutilisation de l’existant est un point central, pas seulement la réutilisation d’éléments (portes, revêtements de sol, etc.), mais celle du produit final qu’est le bâtiment et il y a une différence fondamentale entre réemploi in situ dans la rénovation et réemploi dans le neuf d’éléments qui proviennent d’ailleurs.

Le Booster du réemploi estime qu’on peut gagner 20 à 50 kg de CO2 / m2 en faisant appel au réemploi dans le résidentiel (soit 5 % de l’empreinte carbone liée aux produits de construction), et 60 à 100 kg dans le tertiaire (soit 10 % de l’empreinte carbone).

Quelles sont les conditions au déploiement des principes de l’économie circulaire dans la construction ?

PV : C’est une question de compétences, à tous les niveaux de la chaîne de valeur, à commencer par le diagnostic de l’existant quant à son potentiel de réemploi. La data est le nerf de la guerre : si on ne sait pas ce qu’on a entre les mains, il est difficile d’agir.

En amont de la chaîne de valeur, il s’agit, pour les industriels, d’être en capacité de produire des matériaux qui pourront être déconstruits correctement.

Vient ensuite la conception, dont la circularité doit être un axe de fond. Il faut penser le bâtiment autour de cette contrainte, et non le dessiner puis chercher les éléments disponibles en réemploi pour répondre à ce qui a été imaginé a priori. Cela implique de prévoir une enveloppe financière pour les diagnostics, une potentielle assistance à maîtrise d’ouvrage et une maîtrise d’œuvre qui sache utiliser le réemploi et accepte de construire avec l’existant.

Des compétences en déconstruction sélective sont également nécessaires.

L’assurabilité est une question cruciale : réutiliser une porte coupe-feu s’avère plus complexe que réutiliser une porte non coupe-feu. Les compagnies doivent accepter d’assurer des matériaux de réemploi et y trouver leur équilibre économique.

Le cadre incitatif a son importance. Il faut passer du prisme « efficacité énergétique » qui implique de déconstruire pour remplacer par du neuf, plus performant, pour rentrer dans le cadre d’éligibilité fiscale, à une vision « carbone / préservation des ressources ».

Le dernier point est d’organiser la filière : créer des réseaux à l’échelle locale, mettre à disposition les produits, partager des compétences, etc. Le foncier peut constituer un verrou. Pour faire du réemploi à grande échelle, il faut stocker – et éventuellement reconditionner - les éléments entre le chantier où on les déconstruit et celui où on les met en œuvre. Les filières locales peuvent aider. En France, récemment, elles sont nombreuses à émerger : à Avignon, c’est une plateforme numérique de mutualisation de matériel et de main d’œuvre qui a été créée et à Bordeaux et Montpellier, des plateformes de stockage et de reconditionnement.

In fine, assurer les bonnes conditions sur l’ensemble de ces axes (émergence d’une filière organisée, pratiques partagées et cadre incitatif) permettra de trouver une équation économique favorable au réemploi.

CS : Le suivi des impacts est une condition nécessaire à la création d’une filière robuste et il faut, pour comptabiliser les émissions, une méthodologie transparente et des indicateurs qui prennent en compte l’ensemble du cycle de vie du bâtiment.

Mélanie Trélat

Extrait du Neomag#63

Massifier le recours aux matériaux de réemploi
Massifier le recours aux matériaux de réemploi

Créé en 2020, le booster du réemploi est un programme d’action collective dont l’objectif est de massifier le recours aux matériaux de réemploi dans la construction.

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Il accompagne les maîtres d’ouvrages publics et privés à prescrire du réemploi, et intervient auprès d’autres acteurs de la chaîne de valeur, depuis la production ou le reconditionnement des matériaux, jusqu’à leur mise en œuvre. Enfin, il contribue à l’amélioration des dispositifs par ses échanges avec les acteurs publics.

La mission du booster se décline autour de 3 axes :

1. Aider et accompagner les maîtres d’ouvrages, entreprises, fournisseurs de matériaux… à prescrire et intégrer des matériaux de réemploi :

  • en facilitant les échanges avec les parties prenantes,
  • en produisant des ressources concrètes, fiches techniques, cahiers des charges, etc.

2. Coaliser les acteurs autour d’une dynamique collective positive afin de massifier le marché du réemploi :

  • par leur engagement à prescrire le réemploi sur leurs projets de construction et de réhabilitation,
  • par le partage de retours d’expérience et la mise en commun des bonnes pratiques afin de monter collectivement en compétences.

3. Rendre visible la demande via la plateforme looping.immo pour :

  • stimuler l’offre,
  • calculer le bénéfice carbone et environnemental associé.

Depuis son lancement, le booster a fédéré plus d’une cinquantaine de maîtres d’ouvrage, accompagné près de 300 projets et formé plus de 1 000 personnes sur les matériaux de réemploi. Ceci confirme la pertinence de l’action collective et engage à aller plus loin, en massifiant le recours au réemploi. C’est pourquoi le booster a développé une offre de services dédiée aux filières. Son but : aider les entreprises du bâtiment, industriels et fournisseurs de matériaux à faire évoluer leur activité pour intégrer le réemploi et répondre aux besoins du marché.

Et parce que chaque territoire est spécifique, le booster dispose de plusieurs antennes locales pour accompagner au plus près les acteurs dans la réalisation de leurs projets circulaires.

La pratique du réemploi n’est qu’une 1re étape. Pour améliorer nos performances, limiter notre impact carbone et permettre au secteur de réaliser sa transition écologique, il faudra aller plus loin et, par exemple, trouver la bonne équation entre matériaux de réemploi et matériaux bio ou géosourcés, intégrer le cycle de l’eau dans les projets, faire appel à des énergies locales… pour concevoir des bâtiments toujours plus circulaires et résilients.

Le booster du réemploi est un programme de l’entreprise A4MT, spécialisée dans la conception et l’implémentation de programmes d’engagement et de modification du marché. Ces programmes agissent sur la demande : ils créent un désir de changement de comportement de la part des acteurs et impulsent de nouvelles bonnes pratiques individuelles et collectives.

boosterdureemploi.immo

Extrait du Neomag#63

Une vision à long terme pour réduire l'impact environnemental du secteur
Une vision à long terme pour réduire l’impact environnemental du secteur

Dans le cadre d’une politique climatique ambitieuse et d’un pacte nommé « le Pacte Vert pour l’Europe », le continent européen vise la neutralité carbone en 2050. Reportage SECO

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Cette feuille de route environnementale est axée sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi sur la transformation de certains secteurs d’activité dont celui de la construction, qui représente 40 % des émissions de GES en Europe.

De plus, c’est un tiers des déchets qui sont produits par la construction et la démolition dans l’Union européenne alors que moins d’1 % des matériaux de construction issus de la démolition est actuellement réemployé. Dans ce contexte, l’économie circulaire apparaît comme une solution pour préserver les ressources, réduire les déchets et décarboner le secteur de la construction.

Mais qu’est-ce que la construction circulaire et comment la mettre en pratique ?

La construction dite « traditionnelle » consiste à extraire des ressources, les transformer, les mettre en œuvre puis exploiter le bâtiment selon, bien souvent, un seul scénario d’utilisation sans se soucier de son cycle de vie sur le long terme. En opposition, la construction dite « circulaire » consiste à diminuer tant que possible l’extraction de nouvelles matières et la production de déchets. Sur le long terme, cela implique de concevoir différemment et d’anticiper « l’après-vie » des bâtiments en les considérant eux-mêmes comme des gisements de ressources locales pour le futur.

En somme, la transition vers une construction circulaire implique de transformer les choix de conception et les choix de matériaux pour préserver les ressources et allonger la durée de vie des équipements et des bâtiments :

  • Conception adaptable et réversible
  • Matériaux recyclés, recyclables, réemployables et démontables
  • Matériaux locaux et/ou biosourcés

Le concept de construction circulaire s’applique également en phase exploitation, en visant à être le plus économe en ressources possible (eau, énergie…).

Quelles sont les opportunités de la construction circulaire ?

La circularité appliquée au secteur de la construction apparaît à première vue comme une contrainte :

  • Prise en compte de nouvelles normes pour la conception dont la norme ISO 20887. Conception pour la Démontabilité et l’Adaptabilité (CpD/A) ou la norme ISO 59020 qui permet de mesurer et d’évaluer la performance circulaire,
  • Réalisation d’études complémentaires tel que le registre informatique des matériaux de construction qui sera obligatoire pour les bâtiments supérieurs à 3 500 m³ dont le permis de construire sera délivré après le 1er janvier 2025 (loi modifiée du 9 juin 2022 relative aux déchets),
  • Choix des matériaux plus complexes (analyse des EPD - Environmental Product Declaration -, performances des matériaux de réemploi, assurabilité …),
  • Formation de la main d’œuvre aux nouveaux procédés constructifs.

Mais elle apparaît aussi comme une opportunité économique de création de nouveaux métiers et de nouvelles chaînes de valeur. L’économie circulaire se présente aussi comme un terrain de jeu à la créativité des architectes (mosaïques de matériaux de réemploi, designs repensés, matériaux biosourcés innovants, matériaux géosourcés locaux…).

En tant que coopérative du secteur, SECO se positionne pour apporter plus de confiance dans les matériaux de réemploi en validant leurs performances et attestant la qualité des processus de dépose, de traitement et de stockage en vue de leur réemploi.

L’attestation vise à augmenter la confiance dans la capacité des acteurs à récupérer et proposer des matériaux de réemploi fiables. Elle s’adresse à tous les acteurs qui participent de manière intégrale ou partielle au processus de déconstruction, récupération, traitement, stockage des ressources concernées. L’attestation Safety in Circularity démontre la maitrise et la qualité du processus de réemploi des acteurs du marché. Pour plus d’information : www.safetyincircularity.be.

En parallèle, les divers experts du groupe SECO sont en mesure d’accompagner les revendeurs, acheteurs ou les maîtres d’ouvrages pour l’étude des performances des matériaux de réemploi. Cela garantit ainsi l’adéquation des matériaux à leur nouvel usage projeté et facilite l’assurabilité du projet de construction circulaire en écartant tout risque majeur (exemples : briques de parement, matériaux structurels, techniques spéciales...).

La circularité dans le secteur de la construction, bien qu’elle implique de nouvelles contraintes, présente des opportunités économiques et créatives considérables. Renforcer la confiance dans les matériaux de réemploi est clé et SECO est convaincu de pouvoir accompagner ses clients et partenaires dans la transition vers une construction plus circulaire et durable.

Extrait du Neomag#63

Des fiches matériaux pour une planification intelligente du réemploi
Des fiches matériaux pour une planification intelligente du réemploi

Le réemploi des matériaux de construction est une approche prioritaire dans la perspective d’une transition de la construction vers des pratiques circulaires. Reportage Rotor

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Cependant, les porteurs de projets qui souhaitent mettre en œuvre ces matériaux sont généralement confrontés à des questions auxquelles ils peinent à répondre : Quels produits s’y prêtent ? Où les trouver ? Quelles sont leurs caractéristiques et leurs performances ? Comment les évaluer et les intégrer dans les documents prescriptifs ?

Dans le cadre du projet Interreg FCRBE - Facilitating the Circulation of Reclaimed Building Elements -, l’équipe bruxelloise de Rotor vzw/asbl, avec le support de partenaires, a réalisé une collection de 36 fiches documentant des matériaux de réemploi courants pour abords et voirie, pour gros-œuvre et enveloppe des constructions, relatifs à la menuiserie, aux finitions intérieures, aux équipements ainsi qu’aux éléments en béton de ciment.

S’adressant aux concepteurs, prescripteurs et équipes de projets de construction désireux de réemployer le matériau ou produit de construction concerné, ces fiches sont téléchargeables sur le site du projet FCRBE (https://www.nweurope.eu/fcrbe) ou depuis la plateforme Opalis, section « Matériaux » (https://opalis.eu/sites/default/files/2022-02/FCRBE-All_sheets_merged-FR.pdf)[1].

L’objectif de ces fiches est de rassembler un maximum d’informations connues sur les différents matériaux présentés. Elles ne se substituent pas à l’expertise des prescripteurs professionnels, ni ne répondent à toutes les questions spécifiques que peut soulever le réemploi des matériaux dans un projet donné, mais les informations très complètes qu’elles rassemblent peuvent toutefois faire gagner un temps précieux aux prescripteurs et les outiller pour passer à l’action et organiser la récupération et le réemploi des matériaux dans leurs projets.

Les différentes rubriques sont organisées comme suit : avant tout, une description globale du produit (méthode de production, mode de reconnaissance, origine et conditionnement ainsi que ses caractéristiques principales : formats, teintes et textures, composition, etc.) ; ensuite, une rubrique consacrée à la méthodologie ainsi qu’aux points d’attention nécessaires à un démontage soigneux (étapes, inventaire, points critiques, recours à des entreprises spécialisées, etc.) ; la rubrique suivante décrit le nouvel usage des produits issus du réemploi : des opérateurs professionnels ont-ils reconditionné les produits et sont-ils dès lors prêts à l’usage (à l’image d’un produit neuf), ou ces produits sont-ils spécifiques au point de devoir être mis en œuvre différemment ? ; si les produits sont aptes à l’usage, sous quels critères de conformité et autrement dit, quelles en sont les « nouvelles » caractéristiques techniques ? Enfin, la fiche établit des indicateurs de réemploi : les produits sont-ils facilement disponibles et où ? Quels en sont les prix indicatifs ? Et finalement, à quel impact environnemental positif puis-je prétendre en prescrivant l’usage du produit réemployé (sur base d’EPDs) ?

L’un des objectifs de ces fiches est de démontrer l’aptitude des matériaux de réemploi à être utilisés - y compris pour des usages différents - tout en respectant les nécessaires exigences réglementaires et contractuelles. Des suggestions de prescription sont ainsi mentionnées dans les fiches, permettant aux auteurs de projets et prescripteurs de formuler des opérations de réemploi dans leurs cahiers des charges.

Régis Bigot, architecte et Innovation Project Manager, avec le soutien de Rotor vzw/asbl et Michaël Ghyoot

[1] Il est à noter que les indicateurs de prix mentionnés dans ces fiches datent de 2021 et n’ont pas été mis à jour depuis lors. Dans les pays qui ont connu une forte inflation, il pourrait y avoir un décalage important, avec les prix actuels.

Extrait du Neomag#63

Une opportunité de progresser ensemble
Une opportunité de progresser ensemble

Être hotspot en économie circulaire, c’est commencer à travailler là où les outils nécessaires n’existent pas encore. La commune de Wiltz a donc structuré l’approche de cette thématique et créé le Circular Innovation HUB en vue de de partager l’expérience acquise pour favoriser les initiatives dans ce sens.

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Interview d’Ariane Bouvy et Patty Koppes, gestionnaires de projets circulaires à la commune de Wiltz

Quel est le point de départ du travail sur l’économie circulaire mené à Wiltz ?

Ariane Bouvy : Le hotspot en économie circulaire est né de la nécessité de réfléchir sur le sujet au niveau national et de mettre en place des actions au niveau communal. Les ministères compétents à l’époque (en 2015) et la commune se sont accordés pour se lancer dans le contexte spécifique de Wiltz où une croissance importante de la population se profilait requérant la création de logements, d’infrastructures et de commerces. Nous voyions alors déjà les limites du modèle linéaire qui consistait à construire des bâtiments non modulables et qui se dégradaient rapidement dans le temps. Le parti pris politique a alors été de s’appuyer sur les principes de l’économie circulaire pour développer la ville de manière structurée, résiliente et socialement équitable.

Comment cette volonté se traduit-elle ?

AB : En avançant projet par projet. En nous lançant dans le premier projet, nous avons constaté que, pour travailler sur un sujet aussi vaste que l’économie circulaire, il nous fallait définir un cadre et des axes de travail. C’est pourquoi nous avons établi une stratégie qui se décline en 5 piliers et plusieurs outils internes, notamment des standards et des checklists. Cela nous permet de mesurer notre progression en nous référant à des actions et objectifs spécifiques communs. Entre notre premier projet (la rénovation de l’hôtel de ville, en 2016) et le projet suivant (la création du campus éducatif GeenzePark, en 2018), nous avons gagné en clarté et en précision dans la définition de nos objectifs. Derrière les projets réalisés, il y a tout un travail de structuration qui consiste à fixer une grille d’objectifs, réfléchir à la manière de les traduire dans les bordereaux, de les mettre en œuvre dans les missions des architectes et des entreprises, et les suivre à mesure que le projet avance.

Pouvez-vous nous donner plus de détails sur votre stratégie ?

AB : La base est notre charte en économie circulaire, rédigée en 2018, puis revue et revotée par le conseil communal en 2022. Elle reflète l’engagement politique à réaliser des actions en matière d’économie circulaire, dont fait notamment partie la création du Circular Innovation Hub, en 2020. Derrière cette charte se décline notre plan d’action en cinq piliers, par exemple : sur le pilier « bien-être », on peut travailler sur les polluants, mais aussi sur le confort des utilisateurs car un bâtiment agréable à vivre sera utilisé plus longtemps, et sur le pilier « biodiversité », on peut agir sur le microclimat en plantant des arbres pour apporter de l’ombrage ou en créant des zones de stockage d’eau pour rafraîchir naturellement le site en été. Nous avons aussi établi des classifications pour mesurer la « circularité » de nos actions.

Qu’est-ce que cela donne, appliqué à un projet ?

Patty Koppes : Pour le campus Geenzepark, cette méthodologie nous a permis d’analyser un catalogue d’actions qui découlent de l’idéal que nous nous étions fixés. Nous avons dû abandonner certaines actions que nous avions envisagées : par exemple, nous n’avons pas installé l’éclairage « as a service » car ce n’était pas adapté, … et comme les infrastructures avoisinantes du campus ne sont pas encore terminées, les mesures en termes de mobilité et d’accessibilité n’ont pas encore pu être mises en œuvre. Mais grâce au suivi des actions, nous ne nous éloignons pas des objectifs de départ et nous pouvons évaluer l’énergie et l’argent qu’il reste à engager pour les atteindre.

Qu’est-ce que le fait d’avoir une équipe économie circulaire interne à la commune change dans l’approche du travail de conception des bâtiments et des quartiers ?

AB : C’est nous qui définissons les grandes lignes, en nous basant sur notre stratégie. Nous les transmettons ensuite à l’équipe de projet pour qu’elles y soient intégrées.

Avoir une expertise interne demande beaucoup de temps et de travail, et nous nous rendons bien compte que toutes les communes n’ont pas les ressources nécessaires pour en développer une. C‘est pourquoi un outil tel que le BauCheck, développé par la Klima-Agence en collaboration avec Wiltz et d’autres communes, apporte une vraie plus-value et un soutien pour les autres communes. Il s’agit d’une checklist que toutes les communes peuvent utiliser pour encadrer leurs projets de construction et de rénovation. Elle leur donne un langage commun, leur permet d’harmoniser leur travail sur la circularité et de reprendre en main cette question dans leurs projets sans dépendre du bureau d’études mandaté pour la traiter.

La checklist est large pour ne pas rester biaisé sur un point de vue. Certains vont, en effet, approcher cette thématique sous l’angle des matériaux, d’autres sous l’angle de la mobilité, de l’énergie ou de la décarbonation en fonction de leur sensibilité, alors que tous ces enjeux sont liés et qu’il faudrait plutôt définir les axes de travail en fonction du projet. Par exemple, pour le campus Geenzepark, nous avons ciblé la santé parce qu’il est destiné à des enfants, qui sont vulnérables.

Vous avez donc aussi vocation à faire des émules dans d’autres communes ?

AB : C’est la casquette du Circular Innovation Hub que de créer un maximum d’échanges avec les autres communes. L’idée du hotspot n’est pas de démontrer que la commune de Wiltz fait mieux que les autres, mais de tester les limites, de voir ce qui fonctionne ou non, puis de partager cette expérience avec les autres acteurs.

Comment la collaboration avec la maîtrise d’œuvre se passe-t-elle ?

AB : Nous mettons parfois dans nos cahiers des charges des conditions que les bureaux d’études ou les entreprises peuvent avoir du mal à interpréter. Dans ce contexte, il est important que nous restions présents tout au long du processus pour réfléchir et discuter ensemble. Une bonne collaboration, un bon fonctionnement et des objectifs bien définis sont primordiaux. Nous devons aussi nous entourer des bons intervenants. Par exemple, pour le campus Geenzepark, nous avons travaillé avec Ralph Baden, expert en biologie des bâtiments et en santé, car, si des solutions avancées existent dans certains domaines, le marché reste encore jeune sur d’autres aspects, comme la santé.

Ce cadre expérimental et ce fonctionnement en équipe momentanée incitent les entreprises à se dépasser pour proposer un produit ou une mise en œuvre conforme à notre cahier des charges et permet donc l’émergence de nouvelles solutions et de nouvelles méthodes de travail, tout en nous permettant de tester les limites du projet. C’est une opportunité de progresser ensemble.
C’est aussi l’avantage des projets publics que d’avoir des objectifs plus élevés et différents de ceux qu’on peut avoir dans un projet privé où on cherche la rentabilité, la plupart du temps. Notre objectif principal est ici de répondre aux besoins des citoyens.

Mais aller plus loin, tester diverses possibilités, représente un effort supplémentaire. Pour avoir assez de temps, d’énergie et d’investissement pour le faire, il vaut mieux se concentrer sur quelques points spécifiques, les pousser jusqu’au bout, en tirer un apprentissage et les intégrer en tant que standards dans des projets futurs, où d’autres aspects pourront être explorés à leur tour.

C’est ce que vous avez fait sur les deux premiers projets : vous focaliser sur des objectifs pour le premier que vous avez standardisés dans le second ?

Patty Koppes : Pour la rénovation de l’hôtel de ville, nous souhaitions intégrer un maximum d’aspects en économie circulaire. Nous en étions alors encore au stade où nous essayions de comprendre la thématique et de définir par où commencer. L’idée s’est clarifiée au cours du projet et nous avons finalement choisi de travailler sur la récupération d’un maximum d’éléments et sur des petites solutions comme le robinet qui compose de l’eau filtrée et de l’eau pétillante pour limiter l’utilisation de bouteilles en plastique, mais aussi sur un choix de matériaux de construction sains, écologiques et/ou renouvelables comme des dalles de moquettes remplaçables, un enduit en argile et chaux, des sols en parquet massif, etc. À travers ce projet, nous avons appris l’importance de définir une direction claire.

Pour le campus, la priorité était, dès le début et de manière assez évidente, la qualité de l’air intérieur. Et puis, en fonction du bâtiment, de ses besoins et de son potentiel, nous avons ajouté la flexibilité : nous voulions donc créer une structure durable dans le temps parce qu’il s’agit d’un bâtiment public, mais avec un aménagement intérieur adaptable et une façade modulable. Le troisième axe que nous avons défini pour minimiser notre impact sur l’environnement est le choix de matériaux dits écologiques.

Mélanie Trélat

Extrait du Neomag#63

La fiche de circularité d'un produit
La fiche de circularité d’un produit

Terra Matters est un groupement d’intérêt économique créé en décembre 2022 sous l’impulsion du ministère de l’Économie et de la Chambre de Commerce.

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Son objectif est de déployer et promouvoir le PCDS - Product Circularity Data Sheet, un projet qui a vocation de faire du Luxembourg une référence européenne et mondiale dans le domaine de la circularité.

Interview de Jérôme Dierickx, directeur de Terra Matters

Qu’est-ce que le Product Circularity Data Sheet ?

C’est la fiche des propriétés circulaires d’un produit, établie par le fabricant.
Pour renseigner sur ces propriétés, on se base sur la pyramide de la valeur de l’économie circulaire (Value Hill, en anglais) qui prend en considération trois étapes clés dans le cycle de vie d’un produit : sa conception ou sa production (Comprend-il des composants toxiques ? A-t-il été écoconçu ? Contient-il des éléments recyclés ou réutilisés ?), sa durabilité dans le temps (Est-il réparable ? Y a-t-il une forme de maintenance qui permettrait d’en allonger la durée de vie ?) et sa fin de vie (Est-ce qu’on peut le composter, le recycler, le démanteler ?).

Le PCDS s’inscrit dans toute la chaîne de valeur, depuis la matière première jusqu’au produit intermédiaire et au produit fini. Il apporte toutes les informations nécessaires pour que tout ou une partie d’un produit puisse être réinjecté dans un cycle au lieu de finir dans une poubelle.

Mais la fiche de circularité n’est qu’un aspect de la solution. Nous sommes en train de développer un environnement informatique user-friendly qui permet de créer des PCDS de manière simple et intuitive, mais aussi - ce qui est essentiel - de les échanger au sein de la chaîne de valeur. Ainsi, un client qui veut avoir des informations plus détaillées sur les propriétés circulaires d’un produit pourra, via la plateforme, engager un échange plus poussé avec le fournisseur.

Vous parlez d’une plateforme user-friendly, mais quel investissement en temps cette solution suppose-t-elle pour les entreprises ?

Notre but n’est pas de proposer un nouvel outil bureaucratique chronophage. Je pense notamment aux petites et moyennes entreprises qui n’ont pas forcément les ressources pour le compléter. Nous travaillons donc sur des fonctionnalités qui soient aussi faciles à utiliser que possible, ce qui sera validé lors d’une phase pilote exploratoire.

Est-ce un outil purement luxembourgeois ou s’appliquera-t-il aussi dans d’autres pays ?

Terra Matters est une initiative luxembourgeoise, mais le PCDS ne s’adresse pas seulement au marché luxembourgeois, il a une vocation internationale. Notre volonté est de le diffuser en Europe dans un premier temps, ce qui dans notre contexte actuel de globalisation impliquera automatiquement un développement en dehors des frontières européennes.

Des réglementations sur les déchets existent déjà, d’autres - comme l’obligation d’établir un inventaire des matériaux pour les grands bâtiments - arrivent. Le PCDS s’inscrit-elle dans cette lignée ?

Oui, il s’inscrit dans plusieurs réglementations en cours, à commencer par la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), mais aussi dans la directive sur l’éco-conception qui comprend un volet relatif au passeport produit. Le PCDS, contenant des données standardisées et vérifiées, apporte une véritable valeur ajoutée pour la mise en place de ces passeports produits.

S’applique-t-il exclusivement aux matériaux de construction ?

Nous avons choisi de commencer par la construction parce que c’est un des domaines où il y a plus d’efforts à faire, donc le plus d’impact à avoir, en termes de circularité : la construction produit un tiers des déchets en Europe et le taux de recyclabilité, compris entre 10 et 15 %, est encore très faible.

Néanmoins, le PCDS a pour vocation d’être complètement standard et interopérable quels que soient les produits ou les industries. Il est donc également adapté aux textiles ou aux batteries notamment, deux industries qui sont aussi pour nous des priorités

Quelles sont les prochaines étapes dans le déploiement du PCDS ?

La version beta de notre plateforme sera opérationnelle à partir de mi-mai et elle sera testée dans des projets pilotes avec des clients dès le mois de juin. Le lancement officiel de la plateforme et du template PCDS de Terra Matters est prévu pour cet automne.

Mélanie Trélat
Extrait du Neomag#63

Le potentiel circulaire des menuiseries en aluminium
Le potentiel circulaire des menuiseries en aluminium

Conscient de l’enjeu stratégique et environnemental majeur que représente le recyclage de l’aluminium, le groupe Hydro a entamé une réflexion il y a plusieurs années et a pris toute une série d’actions concrètes pour tendre vers la circularité.

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Interview de Stéphane Hardy, Project Manager Luxembourg chez Hydro Building Systems.

L’aluminium a-t-il un potentiel circulaire ?

La réponse est clairement oui. L’aluminium est recyclable à l’infini, sans aucune perte de qualité.

Quel est l’avantage du recyclage ?

Produire 1 kg d’aluminium recyclé demande 20 fois moins d’énergie que produire 1 kg d’aluminium issu de la filière traditionnelle, ce qui se traduit par une réduction des émissions de CO2. C’est pourquoi, nous repoussons les frontières du recyclage avec l’aluminium Hydro CIRCAL, standard dans toutes les marques du groupe (Sapa et WICONA au Luxembourg) et qui contient de minimum 80 à 100 % d’aluminium post-consommé.

Pour vous donner un ordre de grandeur : sur un projet récent à Belval, il a été calculé que l’installation de menuiseries WICONA a permis de gagner plus de 2 % sur le bilan carbone total du projet.

Pourquoi le recyclage de l’aluminium est-il crucial pour nous, Européens ?

Donner une valeur au déchet est en soi très important, mais ça l’est plus encore si l’on considère que l’extraction de la bauxite, matière première qui compose l’aluminium n’est pas sans conséquence sur l’environnement. De plus, nous n’en avons pas en Europe. Donc, pour préserver notre indépendance, nous devons puiser dans d’autres types de mines, qui plus est non toxiques. Ces mines, ce sont nos chantiers de déconstruction.

Que faire pour augmenter le potentiel de circularité d’une menuiserie en aluminium ?

La base est de donner une valeur à l’aluminium dès la conception d’un nouveau bâtiment. Pour cela, il faut travailler sur le produit lui-même pour qu’il soit plus facilement réexploitable lorsqu’il arrivera à la fin de sa première utilisation, ainsi que sur sa mise en œuvre pour qu’il soit facilement démontable.

Nous sommes en train de développer une nouvelle génération de produits qui contiendront 75 % de matériaux recyclés et seront recyclables à 95 %, tout en conservant les excellentes performances que nous avons réussi à obtenir ces dernières années. Cette réflexion englobe aussi les accessoires, l’objectif étant d’en rationaliser le nombre en utilisant des composants plus flexibles et de les rendre plus faciles à désassembler.

La même analyse s’applique à la pose du produit. Nous nous intéressons notamment à des systèmes de précadres qui ont déjà fait leur preuve et qui permettent un démantèlement plus aisé, rendant ainsi la menuiserie plus modulaire et facilitant la préfabrication par un processus de construction hors site. Mais leur intégration dans les bâtiments au Luxembourg suppose une prise en main dès la conception du projet.

Quelles sont les confusions à éviter quand on parle d’aluminium recyclé ?

Il existe deux types de ferraille aluminium : l’aluminium pré-consumé qui se compose de chutes d’extrusion et n’a jamais été un produit, et l’aluminium post-consumé, qui a déjà eu une vie sous forme de châssis, par exemple. Cette transparence sur le type de déchet aluminium a une importance fondamentale, notamment lors de l’analyse des EPD (déclarations environnementales de produits). En effet, pour les établir, il existe deux méthodologies de calcul. L’une accorde une valeur zéro en termes d’impact carbone à l’aluminium pré-consumé, ce qui n’est pas correct car l’utilisation de pré-consumé encourage la production de chutes, ce qui est toujours une production et ne doit pas être valorisé. Le groupe Hydro a donc choisi de mettre le focus sur l’aluminium post-consumé et a ainsi adopté la deuxième méthodologie qui donne un poids carbone au pré-consommé.

Comment s’y retrouver ?

En s’informant, en préparant bien le projet en amont, en prenant le temps d’avoir des échanges intenses lors de la conception, en exigeant une parfaite transparence et en étant méfiant par rapport au greenwashing. Deux certifications peuvent notamment y aider : Aluminium Stewardship Initiative (ASI) qui est l’équivalent de la certification FSC pour le bois - quasi tous les centres Hydro sont labelisés – et Cradle to Cradle. Les menuiseries extérieures WICONA sont Cradle to Cradle depuis 2018. Nous avons commencé par le bronze, sommes aujourd’hui silver sur une grande partie de la production et nous poursuivons les développements de manière à obtenir toujours un meilleur score.

Un exemple de projet-pilote que vous souhaiteriez partager ?

Nous sommes fiers d’avoir trouvé une belle synergie avec le développeur BPI Real Estate Luxembourg sur le projet Mimosa à Strassen. Dans sa stratégie de réduction d’impact environnemental, BPI a pleinement joué le jeu de la circularité en nous permettant de récupérer les anciennes menuiseries sur le chantier. Après un démantèlement de ces menuiseries à Hydro Dormagen, l’aluminium sera refondu à Hydro Clervaux afin d’être recyclé en nouvelles billettes d’aluminium qui constitueront la matière première des nouveaux châssis.

Il s’agit d’un projet extrêmement important car c’est le premier au BELUX qui fermera ainsi la boucle de l’aluminium, un projet pilote de circularité totale.

Avez-vous envisagé le réemploi ?

Effectivement, le reuse doit avoir la priorité sur le recyclage, car réutiliser directement la matière permet d’épargner de l’énergie.

Mais, pour l’instant, le réemploi des menuiseries extérieures reste problématique. Nous avons fait un bond en avant en termes de performances thermiques ces dernières années et réutiliser un produit qui a 30 ou 40 ans reviendrait à déforcer thermiquement l’enveloppe du bâtiment, engendrant de la condensation et une perte d’énergie. Par exemple, dans le cas du projet Mimosa, nous nous étions posé la question de réutiliser d’anciennes menuiseries, mais n’étant pas dotées de coupures thermiques suffisantes, nous risquions de créer un point faible dans le bâtiment. La qualité n’aurait pas été au niveau escompté.

La question du reuse se pose cependant pour les menuiseries qui sont posées actuellement étant donné que nous atteignons aujourd’hui d’excellentes performances. Il est fondamental de donner de la valeur à ce qui est posé, à ce qui pourrait devenir plus tard une « renaissance ». Et donner de la valeur passe par le fait d’attribuer un maximum d’informations. C’est pourquoi nos nouvelles générations de menuiseries seront équipées d’un QR code reprenant une information technique ultra-détaillée. De cette manière, elles seront réutilisées lorsqu’elles pourront l’être.

Mélanie Trélat

Extrait du Neomag#63

Les mécaniciens du futur
Les mécaniciens du futur

Andrei Selenski et Patrick Wollscheid sont mécaniciens industriels au sein du service Maintenance du cimentier grand-ducal CIMALUX. Leur quotidien est rythmé par des interventions sur des installations de taille XXL.

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Depuis cette année, ils sont de plus détachés à la construction d’un four à clinker de taille semi-industrielle, fonctionnant suivant une nouvelle technologie, dans le cadre du projet recherche et de développement Catch4Climate. Cette technologie a pour objectif de décarboner l’industrie cimentière.

Andrei est mécanicien industriel. Il est également vulcanisateur, un métier relatif au travail du caoutchouc, essentiel pour produire et réparer des pièces de bandes transporteuses, par exemple. Il rejoint le service Maintenance de CIMALUX en 2021.

Patrick est également mécanicien industriel. Il a participé à l’installation du broyeur vertical à galets de CIMALUX en 2008. À l’époque, il travaillait pour une entreprise luxembourgeoise spécialisée dans la construction métallique et la prestation de services de maintenance industrielle. Patrick et André se connaissent et apprécient de travailler ensemble. Il rejoint donc Andrei chez CIMALUX à la même époque.

En quoi votre métier consiste-t-il au quotidien ?

Les travaux de maintenance se déroulent principalement durant le poste du matin, entre 6h00 et 14h00. Il faut se lever tôt mais, en contrepartie, nous pouvons profiter du reste de l’après-midi, ce qui est très appréciable. Comme nous avons des activités de production sur deux sites, la production de clinker à Rumelange et la mouture de ciments à Esch-sur-Alzette, nous travaillons alternativement sur l’un ou l’autre site. Les processus de production y sont très différents. Nous sommes donc capables d’intervenir autant sur le four rotatif de Rumelange avec ses 90 m de longueur que sur les broyeurs d’Esch et leurs pièces mécaniques qui peuvent peser plusieurs dizaines de tonnes.

Nous organisons nos interventions avec notre contremaître. En règle générale, nous procédons soit à des réparations d’équipements défectueux soit à des entretiens planifiés, par exemple de roulements, de remises à niveau de lubrifiant ou de réajustements de pièces mécaniques. De grands plans de maintenance sont également programmés plusieurs fois par an. Dans ce cas, nous démontons nos installations, remplaçons des pièces d’usure et veillons à remettre le tout en service dans les délais afin d’assurer la continuité de nos capacités de livraison. À cela s’ajoutent les plans de transformation et de modernisation de nos sites.

Nous avons aussi des permanences d’une semaine quatre à cinq fois par an. Durant ces périodes nous devons être joignables en dehors du temps de travail réglementaire pour intervenir en cas de panne impactant la production. Il s’agit alors d’en trouver l’origine et de réparer dans les plus brefs délais. Cela peut être un challenge très excitant, même si ça pique un peu de sortir du lit à deux heures du matin ! Il faut bien entendu avoir acquis suffisamment d’expérience et connaître par cœur les installations des sites et leurs moindres recoins avant d’être apte à ce genre d’interventions.

Quelles sont les qualités requises pour effectuer votre métier ?

De manière générale, ce métier demande de faire preuve de motivation, de curiosité, d’envie d’apprendre au quotidien et de développer ses compétences et son savoir-faire. Il est aussi important d’avoir un esprit d’équipe. Nous intervenons rarement seul. Ce n’est d’ailleurs la plupart du temps pas possible vu la taille des installations et des équipements à manipuler. Savoir les réparer et arriver à les remettre en marche est très gratifiant. Maintenant, il est vrai qu’on n’en ressort pas toujours très propre et qu’une douche s’impose avant de quitter le travail.

Cette année, vous participez à un projet de capture de carbone. Pouvez-vous nous en dire plus ?

En effet, nous avons la chance de participer au projet de construction d’une installation pilote du consortium CI4C – Cement Innovation for Climate, dont notre maison mère BUZZI fait partie. Il s’agit de monter à l’échelle semi-industrielle le premier four à clinker fonctionnant à l’oxygène pur.

Les travaux se déroulent sur le site d’une cimenterie de nos confrères SCHWENK à Mergelstetten en Allemagne. Nous nous y rendons plusieurs semaines par an. Cette technologie doit nous permettre de récupérer le CO2 que nous émettons lors de la production de clinker – l’un des constituants principaux du ciment à l’origine des émissions de CO2 de l’industrie cimentière – et d’éviter de l’émettre dans l’atmosphère. Nous sommes très fièrs de cette participation. Ensemble avec nos collègues des autres cimentiers du consortium – BUZZI, DYCKERHOFF, SCHWENK, VICAT, HEIDELBERG –, nous érigeons non seulement les constituants de ce nouveau prototype, mais nous participons également à son développement en aidant à trouver des solutions aux défis techniques qui se posent au fur et à mesure de l’avancement du projet. Nous bénéficions pour cela de formations approfondies sur tous les aspects de production de clinker spécifiques à cette nouvelle technologie appelée Pure-Oxyfuel. Nous sommes intégrés au processus de décision et de design ce qui est un défi très motivant.

Nous contribuons ainsi à développer les technologies du futur qui permettront de décarboner de notre industrie et de réduire notre impact sur le changement climatique.

Christian Rech, CIMALUX
Article CIMALUX – Les métiers de l’industrie cimentière.
Extrait du Neomag#63

Petites pompes, grand potentiel de recyclage et de circularité
Petites pompes, grand potentiel de recyclage et de circularité

Acteur engagé, le groupe Wilo a toujours multiplié les initiatives pour optimiser l’efficience énergétique dans la gestion des rejets d’eaux usées, des eaux de pluie, des rejets gazeux et des déchets solides.

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Il est l’un des plus grands fabricants au monde de pompes et systèmes de pompage destinés aux marchés du bâtiment, du cycle de l’eau et de l’industrie. Ses produits affichent aujourd’hui un taux de recyclabilité de l’ordre de 90 %. Mais comment les collecter pour limiter l’épuisement des ressources, dont les terres rares qui sont devenues le pétrole du XXIe siècle ?

Wilo, un fabricant qui met en place des actions concrètes avec des résultats tangibles

Comme les smartphones, les véhicules électriques, les ordinateurs, les éoliennes et la plupart des objets du monde moderne, les systèmes de pompage fabriqués par Wilo contiennent des terres rares. Et l’extraction de ces dernières ne suffira pas à couvrir toute la demande future.

Pour limiter leur exploitation, Wilo remet chaque année en circulation environ 30 000 composants d’anciennes pompes sur le marché. Et, en plus du recyclage durable de ces produits, le fabricant a mis en place un processus de retour impliquant ses clients.

Wilo recycle les matières premières par fusion et broyage mais, à ce jour, aucun procédé industriel ne permet de séparer les terres rares des autres matières premières. L’équipe de Wilo retire donc manuellement les aimants des moteurs de pompe et vérifie si une réutilisation est possible. L’objectif déclaré est de n’utiliser à l’avenir que des terres rares provenant d’anciens produits pour sa propre production d’aimants.

De plus, le groupe Wilo a déjà obtenu la certification Neutralité carbone pour ses principaux sites de production situés en France et en Allemagne et il fonctionne avec un mode de gestion durable.
Ayant toujours l’innovation à cœur, le fabricant recherche aujourd’hui comment les pompes intelligentes, à travers l’analyse des données qu’elles collectent - telles que les durées de fonctionnement, les dysfonctionnements, etc. -, peuvent contribuer à la préservation des ressources et à leur conservation.

General Technic, un distributeur qui prend sa part de responsabilité

Au Luxembourg, General Technic partenaire officiel Wilo depuis 1975, s’engage à apporter cette solution aux entreprises qui souhaitent adopter une démarche durable.

Elles peuvent désormais rapporter leurs anciennes pompes défectueuses, afin qu’elles puissent être recyclées. Pour les collecter, des conteneurs WILOVErecycling sont mis à leur disposition.
Avec plus de 3 400 pompes vendues chaque année en moyenne chez General Technic, dont au moins 600 sont traitées par le service après-vente pour des entretiens, dépannages et autres maintenances, on imagine bien l’importance de cette initiative et l’impact sur notre climat.

Reportage General Technic.
Extrait du Neomag#63

La construction modulaire pensée plus loin-en point de mire : la durabilité
La construction modulaire pensée plus loin-en point de mire : la durabilité

Le changement climatique est l’un des problèmes les plus urgents de notre époque. Pour réduire de manière significative les émissions de dioxyde de carbone, le secteur du bâtiment joue un rôle essentiel. La construction durable implique la réduction des émissions et l’utilisation consciente des ressources.

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ALHO s’est penché intensivement sur cette thématique et a développé la nouvelle construction modulaire acier-bois.

Quand un bâtiment est-il durable ?

La durabilité d’un bâtiment peut être définie à l’aide d’un modèle à trois piliers qui tient compte à la fois des facteurs écologiques, économiques et socioculturels. Ce modèle part du principe que la durabilité ne peut être atteinte que par la mise en œuvre simultanée et égale d’objectifs environnementaux, économiques et sociaux.

Qualité écologique

Dans le nouveau mode de construction Hybrid ALHO, le bois et l’acier forment une synergie parfaite, car les aspects de durabilité du matériau du bois sont ici associés aux avantages techniques et constructifs de l’acier. La structure porteuse en acier est combinée avec des plafonds et des murs extérieurs en bois. Les corps de bâtiment construits selon la méthode de construction modulaire acier-bois ALHO atteignent un volume de bois d’environ 70 %.

Comme le bois stocke le dioxyde de carbone pendant toute sa durée de vie, celui-ci reste lié dans le matériau de construction et donc dans le bâtiment. Cela permet de réduire massivement les équivalents CO2, notamment par rapport aux méthodes de construction conventionnelles. En ce qui concerne l’acier, il convient en outre de noter qu’il s’agit du matériau le plus recyclé au monde, avec un taux de 99 %. L’utilisation de « l’acier vert » permet de réaliser une économie supplémentaire de dioxyde de carbone d’environ 30 %.

Grâce à des optimisations constantes des processus de fabrication, toutes les ressources disponibles, comme les matériaux, le personnel et l’énergie, sont utilisées efficacement dès la production et le gaspillage et les déchets sont réduits au minimum. C’est ainsi que naissent des bâtiments innovants, à faibles émissions et particulièrement durables sur le plan écologique.

Qualité économique

La nouvelle construction modulaire acier-bois ALHO est basée sur un système de construction standardisé avec une dimension de trame clairement définie. Celui-ci est développé pour une flexibilité maximale dans la conception du plan et offre une solution particulièrement économique grâce au système optimisé pour la production.

La standardisation simplifie le processus de planification numérique et intégral, qui permet non seulement de concevoir le cubage et les plans du bâtiment, mais aussi d’harmoniser avec précision la construction et la domotique du bâtiment.

Pour la fabrication, la standardisation apporte des avantages massifs en termes d’efficacité des ressources. Il est ainsi possible de préfabriquer en plus grand nombre les cadres en acier et les éléments muraux en bois à mettre en œuvre. Il en résulte d’une part des économies d’échelle tant au niveau de l’approvisionnement que de la fabrication. D’autre part, cela permet d’obtenir une meilleure qualité des éléments de construction.

Comme pour la construction modulaire en acier qui a fait ses preuves, une grande importance a été accordée à la flexibilité d’utilisation lors du développement de la construction modulaire en acier et en bois. Ainsi, les murs sont non-porteurs. Une modification des plans et une adaptation du bâtiment à de nouveaux besoins sont possibles à tout moment. Avec la construction modulaire acier-bois ALHO, les maîtres d’ouvrage réalisent des bâtiments durables avec un maintien de la valeur à long terme.

Qualité socioculturelle

Le troisième pilier de la durabilité des bâtiments est leur qualité socioculturelle. Il s’agit de l’acceptation et de l’appréciation d’un bâtiment par ses utilisateurs. Des aspects tels que la santé de l’habitat, la qualité de vie et l’esthétique jouent ici un rôle important.

Grâce à la multitude de dimensions de modules associées à différentes formes de construction, comme la barre, le U ou le L, presque toutes les configurations de plans sont possibles. Les faux-plafonds fins à double paroi avec espace vide pour les installations permettent de créer des espaces intérieurs hauts et aérés avec des hauteurs d’étage réduites.

L’utilisation des matériaux les plus divers rend possible une conception individuelle des façades, par exemple avec un crépi sur un système composite d’isolation thermique, une maçonnerie de parement ou des éléments de façade suspendus et ventilés par l’arrière en métal, HPL, fibrociment ou céramique. L’idée écologique peut être soulignée par une façade en bois ou une façade végétalisée.

Un toit vert imperméabilise les surfaces ou sert de compensation pour les surfaces imperméabilisées. Il crée de la biodiversité, un habitat pour les insectes et des sources de nourriture pour les oiseaux. Outre le dioxyde de carbone, il stocke l’humidité et contribue ainsi à un climat intérieur agréable. L’intégration d’énergies renouvelables comme le photovoltaïque ou le solaire thermique sur le toit ne pose aucun problème.

Même s’il reste caché dans la construction, le bois assure un bon climat intérieur : ce matériau compense les variations d’humidité de l’air ambiant, soulage les voies respiratoires et est particulièrement favorable aux personnes allergiques.

Avec la nouvelle construction modulaire acier-bois, ALHO franchit une étape innovante vers un produit durable et à faibles émissions, avec une utilisation équilibrée des matériaux et de multiples qualités physiques, statiques et techniques. Les exigences légales en matière de durabilité lors de la réalisation de nouveaux bâtiments sont encore plus faciles à mettre en œuvre aujourd’hui et à l’avenir.

Reportage construction modulaire acier-bois ALHO

Extrait du Neomag#63

Une révolution dans la construction ?
Une révolution dans la construction ?

Le projet Looppark, situé au sein du campus automotive à Bissen, incarne une nouvelle ère dans la construction durable et circulaire, offrant un modèle de flexibilité et d’efficience architecturale qui répond aux besoins contemporains et futurs de mobilité dans l’espace urbain.

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Introduction au projet Looppark

Les concepts clés seront expliqués, tout en mettant en lumière les innovations et la valeur ajoutée du projet, particulièrement à travers sa démontabilité et sa remontabilité certifiées par l’indice de démontabilité.

Une structure entièrement démontable

Le Looppark se distingue par son approche révolutionnaire de la construction. Imaginé non seulement comme un espace de stationnement, mais aussi comme une vitrine de la transformabilité, ce projet dépasse les conventions classiques. Sa structure principale, conçue pour être entièrement démontable, propose une vision où chaque composant, des colonnes en acier aux dalles en béton, peut être réassemblé ou réutilisé éliminant la quasi-totalité des déchets générés à la fin du premier cycle d’usage.

L’équipe qui a conçu et construit ce projet Looppark est composée des architectes Rau et ABA Workshop, bureau statique PlanB, bureau technique EnTec, bureau de project management PROgroup, ainsi que des entreprises Jans, Astron et Briand. L’inventaire des matériaux et les calculs de démontabilité ont été réalisés par PROgroup et le bureau +ImpaKT.

L’inventaire des matériaux

L’inventaire des matériaux du projet parking Looppark, réalisé via la plateforme Madaster, représente une avancée significative vers la concrétisation des principes de l’économie circulaire dans le secteur de la construction. Madaster, en tant que cadastre des matériaux, permet de documenter chaque composant utilisé dans la construction du parking, offrant ainsi une vue d’ensemble claire et accessible des ressources mobilisées. Ce cadastre des matériaux permet de quantifier ceux qui sont conçus pour la réutilisation ou le recyclage en fin du cycle d’usage, tout en assurant leur traçabilité. L’outil Madaster propose également différentes possibilités pour visualiser les résultats de l’inventaire des matériaux dont l’une d’elles est le regroupement des matériaux par couche de bâtiment ou shearing layers tel que défini par Stewart Brand .

Dans le cas du Looppark, l’utilisation de la plateforme Madaster pour enregistrer les matériaux et composants joue un rôle crucial dans le calcul de l’indice de démontabilité du projet. Cette documentation numérique assure la traçabilité des matériaux et facilite la planification du désassemblage en fin de vie.

L’indice de démontabilité : une nouvelle métrique pour l’architecture durable

L’indice de démontabilité/détachabilité appelé aussi potentiel de désassemblage d’un objet est le degré auquel celui-ci peut être détaché de son milieu sans compromettre sa fonction ou celle des objets environnants. Le calcul d’indice de démontabilité du projet Looppark se base sur la méthodologie développée par le Dutch Green Building Council, qui s’articule autour d’une évaluation systématique et détaillée des composants du projet, et de leur facilité à être désassemblés sans dommages, en vue de leur réutilisation ou recyclage. Cette approche s’inscrit pleinement dans les principes de l’économie circulaire, qui visent à maximiser la valeur des matériaux sur l’ensemble de leurs cycles d’usage.

  • Analyse des composants et connexions : Chacun des éléments constitutifs du bâtiment parking (poteaux, solives, traverses en acier, dalles préfabriquées en béton, etc.) est examiné pour déterminer sa facilité à être désassemblé. Les liaisons entre les composants, telles que les connexions boulonnées, sont particulièrement scrutées pour évaluer leur capacité à être démontées.
  • Évaluation du potentiel de désassemblage : Pour chaque composant, un potentiel de désassemblage est calculé. Ce potentiel prend en compte la nature de la connexion (par exemple : sèche, boulonnée, soudée, collée, etc.) et l’accessibilité de celle-ci pour le démontage. Les connexions sèches, c’est-à-dire non-fixées, ainsi que les connexions boulonnées offrent un potentiel de désassemblage élevé grâce à leur facilité de démontage sans dommages. Enfin, l’indice global de démontabilité du bâtiment est calculé en agrégeant le potentiel de désassemblage de tous les composants, pondérés par leur part en masse respective.

Deux exemples concrets démontrent l’efficacité de cette approche : les dalles clavetées et les dalles posées. Les premières, nécessitant un processus de carottage pour le retrait des goujons, présentent un indice de démontabilité de 62 %, tandis que les secondes atteignent un score de 94 %, grâce à une conception qui simplifie grandement leur démontage. Ces exemples soulignent l’importance d’une planification minutieuse et d’une conception innovante pour la réalisation d’ouvrages démontables et circulaires.

Inspirer le secteur de la construction

Le Looppark transcende la notion traditionnelle d’un parking pour devenir un modèle de développement durable et un exemple inspirant pour l’ensemble du secteur de la construction. En plaçant la modularité, la réutilisation des composants et l’efficience au cœur de sa conception, ce projet démontre qu’il est possible de concilier les impératifs écologiques avec les besoins de mobilité. L’indice de démontabilité, en particulier, se révèle être un outil précieux pour orienter les choix de conception et de construction vers des pratiques plus responsables et respectueuses de notre environnement. Le Looppark nous invite à repenser les cycles de vie de nos constructions et à envisager un avenir où chaque bâtiment est conçu avec la perspective de son démontage et de la réutilisation de ses composants.

Rédaction PROgroup et +ImpaKT Luxembourg

Extrait du Neomag#63

Un bâtiment hybride, démontable et réutilisable
Un bâtiment hybride, démontable et réutilisable

En septembre 2019, le ministère de l’Économie a lancé un appel à candidatures aux entreprises et aux maîtrises d’œuvre pour la construction d’un incubateur d’entreprises à Bissen basé sur les principes de l’économie circulaire, avec un focus sur la santé et l’environnement.

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Rencontre avec Max Didier, administrateur délégué chez CDCL.

C’est CDCL qui l’a remporté pour un projet réalisé avec le système CREE et certifié selon les critères Cradle to Cradle.

Le point de départ de ce projet exemplaire en matière d’économie circulaire est la réorientation stratégique initiée par le groupe CDCL en 2017 et 2018. « Nous avons décidé de mettre l’accent sur l’écologie et la durabilité. Nous avons travaillé sur des initiatives d’ordre ESG - environnement social et gouvernance – ce qui nous a valu l’obtention, en 2023, de la certification B Corp. Nous sommes la première entreprise de construction au Luxembourg à l’avoir reçue. En parallèle, nous nous sommes mis en quête de produits complémentaires. Dans cette optique, nous avons analysé différents systèmes qui existaient en Allemagne, Autriche et Suisse. Et nous avons finalement opté pour CREE, un système de construction modulaire hybride béton-bois qui combine les avantages de ces deux matériaux : les avantages du bois qui sont bien connus, mais aussi ceux du béton qui, placé au bon endroit, est plus pertinent qu’une solution 100 % en bois », explique Max Didier, administrateur délégué chez CDCL.

Ce système, CDCL l’a d’abord « testé » sur son propre siège administratif, le bâtiment ALLEGRA situé à Leudelange, qui a aussi été conçu comme « un showcase pour pouvoir montrer le produit fini et les différentes variantes qui existent en CREE à des clients potentiels ». En parallèle de la construction d’ALLEGRA, le groupe a participé à divers concours d’architecture, dont celui de l’incubateur à Bissen développé avec Alleva Enzio Architectes et Associés, pour lequel son projet a été retenu.

La structure portante du bâtiment se décompose en deux parties, les noyaux centraux (cages d’escalier et ascenseurs) qui sont en béton et la structure modulaire CREE dont les éléments sont préfabriqués en usine, en Allemagne, et assemblés à sec sur chantier avec les dalles hybrides (dalle béton / poutres bois) et les poteaux en bois (hors murs porteurs).

L’incubateur est le premier bâtiment au Luxembourg à être labellisé avec un passeport circulaire qui analyse tous les éléments du bâtiment selon les critères Cradle to Cradle, ce qui signifie que les matériaux utilisés dans le projet ont été sélectionnés sur base de critères concernant l’impact sur la santé, leur origine, leur recyclabilité, leur démontabilité et leur séparabilité, sans oublier également leur empreinte carbone. De plus, la modularité du système CREE rend le bâtiment adaptable, il peut ainsi être facilement agrandi ou rehaussé en cas de besoin, puisqu’il est composé d’éléments modulaires simples et répétitifs, pré-usinés et industrialisés, facilement associables entre eux.

Cette approche se reflète jusque dans les finitions. Outre une recherche de sobriété dans les matériaux qui s’est notamment traduite par le fait de laisser à l’état brut tout ce qui pouvait l’être, toute forme de gaspillage a été éliminée. Pour y parvenir, les matériaux recyclables et biodégradables ont été privilégiés et les espaces ont été pensés pour favoriser la durabilité et la réutilisation des ressources tout au long de leur cycle de vie, évitant ainsi les déchets et inscrivant le projet dans une approche écocirculaire.


« Nous sommes même allés une étape plus loin en réutilisant des matériaux existants, biosourcés ou locaux. C’est le cas de Geobloc, des blocs de maçonnerie en terre crue, que Recyma, société dont nous sommes actionnaires, est en train de lancer sur le marché luxembourgeois, en partenariat avec Cloos et Chaux de Contern. Ils sont fabriqués à partir de terre excavée sur des chantiers de terrassement au Luxembourg, ressource qui serait mise en décharge si nous ne l’utilisions pas », indique-t-il.

Du point de vue de l’empreinte carbone, le Luxembourg ne disposant pas encore d’objectif carbone pour la construction des bâtiments, l’Incubateur a été comparé aux standards LETI (London Energy Transformation Initiative) et RIBA (Royal Institute of British Architects). Dans les deux cas, le bâtiment a obtenu le score A, ce qui signifie qu’il répond déjà aux objectifs de conception des bâtiments pour 2030.

Enfin, la préfabrication des éléments en atelier en amont de la phase chantier présente de multiples avantages : « Ce procédé permet d’augmenter la qualité, de gagner plusieurs mois sur le temps de construction, mais également de garantir de meilleures conditions de travail aux opérateurs qui montent les éléments à l’intérieur, avec une sécurité optimale », précise Max Didier. Pour le bâtiment ALLEGRA, par exemple, les menuiseries extérieures ont été intégrées aux éléments de façade en atelier, avant qu’ils ne soient transportés et montés sur chantier avec une grue. Le gain de temps que permet la préfabrication et la possibilité de réutiliser tout ou partie des éléments compensent le surcoût lié à la technologie.

Le BIM, condition imposée par le concours, a apporté une précision millimétrique dans la conception et permettra aussi « d’optimiser la maintenance et la réutilisation du bâtiment, vu que toutes les informations concernant les éléments constitutifs du bâtiment sont annexées dans la base de données du modèle ».

Mélanie Trélat

Extrait du Neomag#63

Un bâtiment, deux sites
Un bâtiment, deux sites

Avec la nouvelle salle polyvalente réalisée pour la Ville de Dudelange, FAT Architects démontre comment des exigences clairement définies en matière de concept d’utilisation, de durabilité et d’économie circulaire peuvent être satisfaites grâce à des méthodes de planification numérique et à une construction modulaire en bois.

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Rencontre avec Thomas Kruppa, architecte et CEO de FAT Architects

L’environnement est au centre du développement urbanistique de la Ville de Dudelange. La salle polyvalente qui vient d’être inaugurée en est le meilleur exemple. Sa conception a été confiée au bureau FAT Architects qui développe et conçoit des concepts de bâtiments avant-gardistes et socialement acceptables en accord avec des matériaux naturels.

« Ce bâtiment polyvalent a été conçu non seulement pour un large éventail d’activités, mais également pour deux sites », souligne Thomas Kruppa, architecte et administrateur. « À l’avenir, le nouveau bâtiment ne sera pas seulement un point de contact pour les clubs locaux, mais aussi le lieu de nombreux événements régionaux ».

Une partie du bâtiment est consacrée à l’espace hall et foyer de réception. L’autre partie est dédiée aux quatre bureaux, à une salle de réunion et aux surfaces de dépôt/rangement. La grande salle polyvalente comprend environ 220 m2 et est divisible en deux parties (deux tiers / un tiers). Elle est complétée par un espace accueil et buvette et par une terrasse de 80 m2. Au total, il occupe une superficie d’environ 650 m2.

Ce bâtiment est un des premiers bâtiments construits par une commune selon les principes de l’économie circulaire. Sa conception a été réfléchie dans les moindres détails afin qu’il puisse être démonté et remonté à l’identique d’ici une dizaine d’années, sans aucun dommage, sur un site qui est déjà choisi. Actuellement placée sur la route de Bettembourg, il sera déplacé sur le site de l’ancien laminoir du nouvel écoquartier Nei Schmelz, qui vise une consommation neutre en CO2.

« Afin de pouvoir relever les défis techniques et constructifs du changement d’emplacement, le hall a été pensé via les techniques de la construction modulaire », poursuit Thomas Kruppa. « Il est composé de différents éléments en bois et peut donc être démonté, transporté et reconstruit. Tous les composants sont entièrement préfabriqués sur une largeur maximale de 3,5 m, ce qui signifie que chaque élément peut être transporté par camion. Sur le lieu d’utilisation, les pièces sont uniquement vissées entre elles pour assurer un démontage et un remontage complet ».

Cette construction modulaire en bois a été pensée dans les moindres détails pour un recyclage quasi intégral. « Les éléments de support en acier forment la sous-structure démontable. Celui-ci repose sur des fondations filantes sur le premier chantier. Il pourra ensuite être directement sur le toit d’un parking souterrain aménagé sur le second site. Cela signifie que presque tous les matériaux sont réutilisables et que les principes de l’économie circulaire sont respectés. Le choix des matériaux de construction répond également aux normes élevées de durabilité et de construction écologique ».

Le choix des deux sites ne s’est évidemment pas fait par hasard. « Nous avons tenu compte de la planification en termes de taille du terrain, d’emplacement, d’orientation et de topographie locale. Si on superpose les deux terrains, on obtient une forme quasiment identique, ce qui favorisera le déplacement du bâtiment. Si les façades sud, ouest et nord forment les contours nets du bâtiment, la façade ouest, en revanche, est un peu en retrait et propose un espace terrasse. En outre, la salle polyvalente se caractérise par l’élévation du hall et marque clairement la hiérarchie fonctionnelle par rapport aux zones auxiliaires inférieures telles que les bureaux et le stockage ».

Thomas Kruppa est évidemment heureux d’avoir participé à ce projet qui correspond aux valeurs de son bureau d’architectes. « Le bâtiment s’intègre parfaitement dans le paysage. Il est à la fois dynamique et élégant. Ceci est souligné par le contraste saisissant entre la façade en bois noir carbone et les modules clairs de couleur naturelle. Cela confère à la salle polyvalente ses caractéristiques esthétiques ».

Et l’intérieur ? « Il suit une grille de construction modulaire stricte, qui se reflète dans la répartition des modules de pièces et de surfaces ainsi que dans tous les composants internes tels que les portes, les murs intérieurs et les cloisons. Le hall spacieux avec vestiaire mène à la salle principale d’environ 250 m2. Celui-ci peut être divisé en deux segments et peut accueillir jusqu’à 200 personnes. De plus, il y a une petite cuisine avec un bar, des bureaux et des salles de réunion, des sanitaires, des locaux techniques et de stockage. Le tout est donc complété par une terrasse couverte avec un espace pour les célébrations et les événements ».

Afin de répondre aux souhaits des clubs et associations impliqués, de relever les défis du changement de lieu et de prendre en compte les exigences de durabilité et d’économie circulaire, la planification a été réalisée au sein d’une équipe intégrée. Des experts des domaines de l’architecture, de la construction en bois, de la technique du bâtiment et du génie civil ainsi qu’un bureau de planification durable ont été impliqués très tôt.

« Le projet est mis en œuvre en tant que projet Open BIM. La planification architecturale, la planification structurelle de la construction en acier et la planification technique TGA étaient basées sur un modèle. Même si le travail intégral préalable est complexe et prend du temps, le temps de mise en œuvre peut être raccourci tout en évitant les problèmes lors de l’exécution ».


« Je pense qu’il faut se renouveler sans cesse sinon, les conditions économiques actuelles vous rattrapent rapidement. La hausse des prix, la raréfaction de certains matériaux ou encore les difficultés pour lancer certains projets nous rappellent que le domaine de l’architecture est en constante évolution et que notre créativité est notre force pour mener à bien différents projets », conclut-il.

Sébastien Yernaux et Mélanie Trélat

Extrait du Neomag#63

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