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TP : planifier, construire et innover pour le Luxembourg de demain

TP : planifier, construire et innover pour le Luxembourg de demain

Face à la croissance démographique, aux défis climatiques et à la transition numérique, le ministère de la Mobilité et des Travaux publics met en œuvre une politique intégrée pour répondre aux besoins actuels tout en anticipant ceux des prochaines décennies.

Interview de Yuriko Backes, ministre de la Mobilité et des Travaux publics.

Quels sont les principaux enjeux auxquels le secteur des travaux publics doit faire face aujourd’hui au Luxembourg ?

Plusieurs défis, notamment démographique et climatique, numérique et digital, engendrant des répercussions dans les domaines de la mobilité et du logement, se posent au Luxembourg. Nous devons y apporter des réponses adéquates afin de garantir une planification pérenne des infrastructures, tant en ce qui concerne celles de mobilité que celles en relation avec les bâtiments publics.

La croissance démographique de notre pays suscite de nouveaux besoins en infrastructures adéquates et crée des attentes auprès de nos concitoyen*nes. En parallèle à l’augmentation de la population, l’impact des flux des travailleur*euses transfrontaliers quotidiens, toujours croissants, sont à prendre en considération et à anticiper afin d’organiser le territoire de manière résiliente dans différents domaines d’intervention publique dont deux relèvent de mes attributions : la mobilité et les autres infrastructures publiques tels que les bâtiments publics.

Les enjeux relatifs au territoire en tant que tel, notamment avec la densification urbaine qui s’étale, et la rareté du foncier disponible, notamment pour l’État, rend la planification plus complexe et nécessite une approche de la construction des infrastructures bien pensée, bien ficelée.

Il y a, d’autre part, des enjeux dans le domaine de la mobilité au quotidien, quel que soit le mode de transport. La mobilité devient par exemple une priorité dans la conception des espaces publics avec le développement d’aménagements verts de rencontre sociale et de loisirs ainsi que d’infrastructures dédiées aux piéton*nes et cyclistes pour encourager des modes de déplacement alternatifs à la voiture individuelle, en particulier pour les courtes distances et notamment dans les villes.

L’attractivité du pays est très certainement tributaire à la fois d’une politique de la mobilité et d’une politique, disons, de la construction englobant le logement et les infrastructures publiques en bâtiments, qui répondent à la demande actuelle dans un secteur clé de notre économie. Dans ce cadre, une accélération des projets publics représente un aspect crucial dans l’approche gouvernementale pour qui le défi du logement est un effort collectif. C’est ici qu’entrent en jeu la numérisation et la digitalisation.

La transition numérique est vécue par beaucoup comme un défi, mais il s’agit aussi d’une opportunité pour atteindre des démarches opérationnelles optimisées. Je pense que la digitalisation est en mesure de permettre une meilleure gestion des projets de construction en contribuant à l’optimisation des ressources et l’amélioration des processus. Il s’agit d’aborder ces défis en proposant des solutions innovantes, durables et adaptées aux enjeux actuels - les projets doivent allier créativité, qualité et responsabilité environnementale -, en adoptant une approche interdisciplinaire intégrant diverses expertises ce qui permet de répondre efficacement à la complexité croissante des projets, et enfin en garantissant une coordination étroite entre tous les intervenants d’un projet avec des outils innovants.

En soi, il nous faut adopter des politiques intégrées pour trouver ensemble, les acteurs publics et privés avec nos concitoyen*nes, des solutions durables et résilientes, innovantes et accessibles, justes et équitables.

Comment le Ministère anticipe-t-il les besoins en infrastructures pour accompagner le développement du pays dans les prochaines années ? Quels sont ses axes d’action prioritaires et quels sont les grands chantiers publics prévus pour les années à venir ? Pouvez-vous citer quelques projets emblématiques ?

Pour ce qui est du besoin en infrastructures et des offres de transport, les besoins sont anticipés dans le cadre du plan national de mobilité (PNM). Celui-ci se base sur les projections de croissance du STATEC, ainsi que sur la répartition anticipée de cette croissance en termes de logements et d’emplois sur le territoire. Il y a lieu de relever que le Ministère travaille actuellement sur une nouvelle mouture du plan qui fixera les nouvelles priorités politiques à l’horizon 2040.

Parmi les axes d’action prioritaires du Ministère, figurent la modernisation du réseau de transport, l’amélioration de la mobilité durable ainsi que l’assainissement énergétique, la rénovation et la mise en conformité de toutes sortes d’infrastructures publiques. L’assainissement énergétique, la mise aux normes et l’optimisation des bâtiments publics existants ainsi que la construction d’immeubles neufs, selon les besoins des divers départements ministériels, sont des priorités nationales pour tenir compte de la croissance de la population et des besoins qui en résultent.

Parmi les projets emblématiques du PNM, il y a lieu de relever la mise en service de la deuxième ligne ferroviaire entre Bettembourg et Luxembourg, les extensions du tramway au Kirchberg, sur la route d’Arlon et à Hollerich, la mise à 2x3 voies de l’autoroute A3 ainsi que la mise à 2x2 voies de la B7 jusqu’au Fridhaff.

Au niveau des infrastructures, des projets de lois de projets d’envergure verront le jour concernant tant des nouvelles constructions, respectivement des extensions, que des rénovations de bâtiments existants pour répondre aux besoins aussi bien scolaires, que sociaux et administratifs sans oublier par ailleurs les projets d’envergure de la défense nationale. Pour n’en citer que quelques-uns : il s’agit notamment du nouveau Sportlycée Luxembourg à Mamer, de l’extension du Lycée Clervaux et de la rénovation de la Villa Louvigny.

Le Ministère s’est-il fixé des objectifs pour faire évoluer les TP vers plus de durabilité, de circularité ou de performance énergétique ?

Le PNEC (Plan national intégré en matière d’énergie et de climat), document stratégique qui définit les objectifs climatiques et énergétiques du Gouvernement pour la période 2021-2030, fixe un cadre opérationnel pour rendre, entre autres, le secteur des travaux publics plus durable, circulaire et performant sur le plan énergétique et environnemental. Cela inclut la rénovation énergétique du patrimoine bâti de l’État, l’intégration de la circularité dans la construction et la mise en œuvre d’installations techniques et de production d’énergie efficientes. Ces efforts visent à réduire l’empreinte environnementale en utilisant prioritairement des équipements fonctionnant à base d’énergies renouvelables comme des panneaux photovoltaïques, partie désormais intégrante de tout projet.

Comment le Ministère accompagne-t-il l’innovation ou la transformation durable du BTP luxembourgeois ?

Le Ministère ne cesse de réformer ses travaux. Le traitement de données liées au bâtiment, le cas échéant contenues dans une maquette numérique, d’informations externes (par exemple, météo) ou relatives aux usages des occupants, aux spécificités des équipements (chauffage, ventilation) permettent d’optimiser les systèmes pour assurer le bien-être souhaité, de réduire la consommation des ressources et de préserver ainsi l’environnement, de faciliter la maintenance proactive et de prolonger la durée de vie du bâtiment.

Afin de jouer son rôle pionnier, l’Administration des bâtiments publics a pu se faire récompenser par plusieurs prix, non seulement nationaux mais aussi au niveau européen, pour ses travaux exemplaires comme par exemple la construction de l’École nationale de santé du Luxembourg à Ettelbruck, projet pilote certifié par la norme suisse « Minergie-A-ECO ». De telles certifications imposent des normes très strictes en matière d’efficacité énergétique et de confort des bâtiments. De plus, cette certification exige l’utilisation de matériaux respectueux de l’environnement et interdit l’utilisation de produits nocifs dans la construction.

Des projets pionniers aident à développer le secteur et constituent certainement un nouveau défi non seulement pour les bureaux d’études, architectes et ingénieur*es mais aussi pour les acteurs publics et le Gouvernement afin de mettre en place les législations adaptées.

Comment le Ministère encourage-t-il la participation des PME aux appels d’offres publics ?

La révision de la législation européenne sur les marchés publics et des concessions datant de 2014 portera, tel qu’annoncé par la Commission européenne, sur la simplification des règles et des procédures applicables ainsi que sur la promotion des marchés publics stratégiques, incluant les considérations vertes, sociales et de durabilité.

Le Ministère s’engage à faciliter l’accès des PME aux marchés publics, notamment en simplifiant et en digitalisant les procédures administratives ainsi qu’en diversifiant les opportunités de collaboration.

En diversifiant les missions, nous créons un environnement propice à la participation des entreprises locales, en leur offrant des opportunités concrètes et variées dans le secteur public. Ces opportunités couvrent une large gamme d’interventions, allant de petits travaux de rénovation jusqu’à des projets de grande envergure. Cette diversité en termes de taille et de complexité permet à des entreprises de toutes dimensions de s’impliquer selon leurs propres capacités et expertises.

Je tiens à souligner que le secteur des travaux publics n’est pas que réglementé au niveau national mais également par des directives européennes, respectivement des institutions comme l’OCDE qui nous soumettent des recommandations. Il ne s’agit pas d’une « one man / woman - matière », mais d’un travail d’équipe au niveau national qui s’inscrit dans un contexte européen et international plus large.

Article paru dans Neomag #73 - septembre 2025

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Publié le jeudi 25 septembre 2025
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