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BIM et construction durable : la donnée comme clé de l'avenir

BIM et construction durable : la donnée comme clé de l’avenir

Souvent présenté comme un levier de compétitivité immédiat, le BIM au Luxembourg reste un programme ambitieux, à la fois stratégique, opérationnel et surtout financier, dont la mise en œuvre demeure complexe malgré des protocoles de déploiement et de formation adaptés.

S’il propose une nouvelle manière de concevoir et de piloter la construction, il impose aussi des contraintes parfois superflues. L’enjeu est donc de recentrer l’approche afin que la « bonne donnée », « chaude ou froide »* soit transmise, exploitée ou collectée au bon moment — tout l’intérêt du « I » (information) de BIM.

Dans ce contexte, le CRTI-B pilote la stratégie nationale et adapte les référentiels internationaux aux besoins locaux, tandis que dans la continuité des travaux du CEN/TC 442, le pragmatisme revient au premier plan. La surabondance d’informations cède progressivement la place à une gestion plus réaliste, en phase avec les besoins réels et en cohérence avec les normes ISO 19650 (gestion de l’information) ou encore ISO 16739 (IFC).

La donnée et son lien avec la construction durable

Avant de tracer la moindre ligne ou de se lancer dans une modélisation complexe, il est indispensable de poser les bases d’une intelligence collective, avec des objectifs clairs, partagés et réalistes. Ce n’est qu’à cette condition que la structuration de l’information – et donc de la donnée – peut véritablement commencer, permettant à toutes les parties prenantes de s’impliquer de manière efficace et durable.

Nous considérons que le BIM n’a pas encore révélé tout son potentiel, en particulier lorsqu’il est associé à une véritable démarche de construction durable. Placer la donnée au cœur du processus est essentiel. Bien exploitée, et pourquoi pas combinée à des modules d’intelligence artificielle, elle cesse d’être un simple attribut rattaché à un objet numérique et devient un véritable vecteur stratégique, conditionnant la réussite d’un projet et ouvrant la voie à de multiples possibilités : adaptations en temps réel, optimisation de processus encore inexplorés ou encore réalisation de calculs complexes en quelques secondes…

BIM et circularité

La transition vers une économie circulaire repose en partie sur la capacité à tracer les matériaux : connaître leur origine, leurs caractéristiques, leur innocuité, et anticiper leur démontage, réemploi ou réutilisation future. Enrichi de données fiables, un modèle devient un véritable passeport numérique du bâtiment qui permet de constituer un inventaire précis des composants, un carnet de matériaux géolocalisé et mis à jour en temps réel. Intégrant les données des Profils Environnementaux Produits (PEP) et de l’Analyse de Cycle de Vie (ACV), il ouvre la voie à des filières de réemploi plus fluides. Le jour où un bâtiment sera déconstruit, la base BIM permettra d’évaluer le potentiel de réutilisation, réduisant drastiquement la production de déchets. Outil de pilotage environnemental, le BIM, associé à des critères de démontabilité et de réemploi, favorise la conception de bâtiments pensés dès l’origine pour être démontés et reconstruits. Il s’inscrit ainsi pleinement dans la dynamique de l’urban mining.

BIM, DfMA et smart building : vers des bâtiments évolutifs

La digitalisation du bâtiment ne s’arrête pas à sa livraison. Dans une logique smart building, les données peuvent être exploitées par des moteurs de calcul en temps réel. Couplées à des protocoles d’apprentissage automatique (deep learning), elles permettent d’anticiper des pannes, d’optimiser la consommation énergétique, de surveiller la qualité de l’air, de renforcer la sécurité, d’améliorer le confort des usagers et même de gérer l’occupation des espaces.

Associée aux principes du DfMA (Design for Manufacture and Assembly) et à la modélisation paramétrique, cette approche ouvre la voie à des modules constructifs optimisés : préfabrication, assemblage rapide, démontabilité et réemploi. Le bâtiment n’est plus une structure figée, mais une ressource évolutive, réversible et adaptable aux besoins futurs, qu’ils soient de résilience climatique ou de flexibilité accrue.

Comment se traduisent ces éléments chez Neobuild ?

Notre rôle consiste à transformer des ambitions théoriques en données, protocoles et solutions concrètement exploitables. Il ne s’agit pas seulement de promouvoir, mais surtout de créer, qualifier et diffuser la « bonne donnée » : celle qui possède une réelle valeur opérationnelle pour le secteur, issue de sources scientifiques et de protocoles complets, en particulier à travers des projets pilotes.

Prenons l’exemple de la qualité de l’air intérieur : comment une donnée de concentration de polluants, associée au capteur adéquat, peut-elle permettre d’adapter de façon raisonnée le débit de ventilation ? Le CO₂ est-il réellement un indicateur fiable ou est-il dérisoire par rapport à d’autres polluants révélateurs d’une toxicité potentielle ? Ce type de question, nous l’explorons par la mesure, la confrontation au terrain et l’expérimentation.

Autre axe majeur : la démontabilité, les nouveaux matériaux et le réemploi. Comment quantifier en unités mesurables la capacité d’un bâtiment à être démonté et reconstruit ? Quel est le meilleur isolant pour une situation donnée ? Ici encore nos démonstrateurs pilotes permettent d’intégrer des scénarios concrets.

Nous explorons aussi les systèmes techniques émergents : à petite échelle, il s’agit d’analyser le comportement d’un réseau électrique alimenté directement en courant continu (DC) ; à plus grande échelle, d’évaluer la capacité d’un bâtiment low-tech, conçu avec très peu de techniques spéciales, à évoluer tout en restant performant face aux enjeux climatiques. Ces expérimentations produisent des données qualifiées qui deviennent exploitables et qui peuvent permettre d’alimenter des réflexions ou des solutions concrètes pour aller encore plus loin…

Une des vocations de Neobuild est ainsi de générer une multitude de scénarios appliqués, exploités depuis nos projets pilotes, chaque expérimentation permettant de traduire un cas d’usage.

L’équipe de Neobuild GIE
Article paru dans Neomag #74 - novembre 2025

Photo : Immeuble Dellizotti, Bettembourg


* Manière de classer simplement une collecte de donnée : si elle est froide, elle est collectée mais non exploitée ; elle devient chaude quand elle entre dans un process d’analyse et d’exploitation.

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Publié le jeudi 13 novembre 2025
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