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L'équilibre durable entre écologie, économie et énergie

L’équilibre durable entre écologie, économie et énergie

Dans chacun de ses projets, le bureau d’études e3consult recherche le meilleur compromis entre confort des usagers, empreinte carbone, circularité, exclusion des substances nocives et coûts tout au long du cycle de vie du bâtiment, à travers une approche globale et pragmatique de la durabilité, fondée sur la sobriété et l’équilibre.

Interview de Stefan Fries et Judith Gerads, directeurs de e3consult

Quelle est l’histoire de votre bureau d’études ? Et quelle est votre approche ?

Stefan Fries : J’ai fondé ce bureau en 2011, en association avec un ex-partenaire. Quatorze ans plus tard, nous comptons 17 collaborateurs. Nous avons connu une croissance permanente, mais douce et progressive, car nous souhaitions garantir la qualité de nos prestations.

Lorsque nous avons créé e3consult, notre but était de promouvoir la construction durable. Nous venions alors tout juste de découvrir la certification allemande DGNB ; j’étais même présent au tout premier cours, donné en 2009 ! Nous partions du principe que, pour atteindre l’objectif visé, il était nécessaire d’avoir une structure derrière cette notion de durabilité pour définir quels sont les critères importants et les critères moins importants, et établir une pondération entre les différents critères. Et c’est précisément ce que permettent les certifications DGNB et BREEAM - que nous sommes aussi habilités à évaluer : offrir une approche structurée de la durabilité.

Indépendamment des certifications environnementales, il y a d’autres volets intéressants et complémentaires dans notre approche, comme la biologie de l’habitat qui se concentre sur un air intérieur sain, exempt de substances nocives, ou encore la physique du bâtiment. Cette section a été fondée par Judith Gerads, qui co-dirige le bureau à mes côtés depuis maintenant trois ans et qui est spécialisée dans ce domaine. Son équipe réalise de nombreuses prestations : des simulations thermiques dynamiques visant à optimiser le confort thermique dans le bâtiment, mais aussi l’assainissement énergétique de bâtiments anciens, le conseil en énergie pour les nouveaux bâtiments, le calcul des isolations intérieures, ou encore tout le volet acoustique et insonorisation.

Judith Gerads : Un autre sujet qui nous tient à cœur est la circularité, même si à notre avis, ce terme, actuellement à la mode, est galvaudé dans les médias. Nous considérons que la circularité est un des paramètres de la durabilité, ni plus ni moins. Nous essayons toujours de combiner les différents aspects de la durabilité en vue de trouver le meilleur équilibre entre l’empreinte carbone, la circularité, l’exclusion des substances nocives et, bien sûr, aussi le coût d’un bâtiment tout au long de son cycle de vie – car les 3 « e » de e3consult sont ceux de « ecology », « economy » et « energy ». Il nous semble beaucoup plus pertinent de ne pas seulement prendre en considération ce qu’a coûté sa construction, mais aussi ce que coûtent sa maintenance, son entretien et le remplacement de certains éléments au fil des années.

Très souvent, quand on entend l’expression « construction durable », on pense à « construction onéreuse ». Notre expérience en tant que consultant dans le domaine de la construction durable et expert en bâtiment nous a amené à modifier ce paradigme : la construction d’un bâtiment coûte cher – et elle coûte encore plus cher quand la durabilité du bâtiment est ignorée.

Concrètement, comment procédez-vous ? Quel type de solutions préconisez-vous, par exemple ?

SF : Après analyse de la planification d’un bâtiment ou d’un quartier urbain, en utilisant comme matrice les critères de la certification DGNB par exemple, nous faisons une première évaluation du projet, accompagnée de propositions concrètes et pertinentes pour optimiser les qualités du bâtiment en termes de durabilité.

Nous privilégions autant que faire se peut des matériaux ayant une faible empreinte carbone, et dans la mesure du possible, nous préconisons de réfléchir à l’utilisation de matériaux naturels comme l’argile ou le bois dans la planification du bâtiment. Nous sommes aussi toujours en recherche de solutions innovantes – nous avons, par exemple, récemment découvert des panneaux acoustiques, intéressants sur les plans technique, esthétique et durable, qui sont fabriqués à base de mycélium et sont totalement biodégradables.

Nous sommes constamment à la recherche du meilleur compromis entre les besoins réels du maître d’ouvrage et les propriétés d’un matériau, établies par la documentation scientifique disponible. Nous posons, bien entendu, des chiffres sur la table afin de permettre au maître d’ouvrage de faire le choix le plus objectif et le plus pérenne possible, en tenant compte des contraintes que peut présenter une solution sur la durée, au lieu de baser sa décision uniquement sur son prix à l’achat.

Quels outils utilisez-vous pour établir ces comparaisons ?

JG : Nous avons à notre disposition plusieurs logiciels qui s’appuient sur des bases de données précises, nous permettant de calculer l’empreinte carbone de chaque construction ou chaque bâtiment. À l’avenir, ces calculs seront automatisés grâce à l’utilisation de modèles BIM ; nous travaillons dans ce sens avec des gestionnaires BIM pour harmoniser ces processus.

Pour la simulation thermique, nous utilisons un software, IDA ICE, grâce auquel nous pouvons évaluer le confort thermique attendu pour les usagers en mettant en relation les informations obtenues d’une part grâce à la modélisation 3D du bâtiment et des installations techniques prévues, d’autre part grâce aux données climatiques propres à l’emplacement du bâtiment. Cet aspect est essentiel car le climat local influence fortement les performances d’un bâtiment, en particulier en été, période pendant laquelle de nombreux bâtiments surchauffent et n’offrent pas de bonnes conditions de travail pour les usagers.

On sait que les étés vont devenir de plus en plus chauds, la résilience des bâtiments est donc un sujet fondamental pour nous. C’est pour cette raison que nous réalisons les simulations thermiques avec une projection dans le futur, en nous appuyant sur les prévisions de météorologues pour le futur.

Quels sont les projets marquants de e3consult ?

SF : Nous réalisons de nombreux projets pour l’Administration des Bâtiments publics, les communes mais aussi pour des clients privés et promoteurs. Presque tous les maîtres d’ouvrage avec qui nous travaillons profitent par la suite du bâtiment construit pour leur propre usage. En toute logique, ils accordent donc une grande importance à des aspects comme le niveau de confort pour les usagers, la durabilité et des coûts d’exploitation maîtrisés. La plupart des projets que nous avons accompagnés se trouvent au Grand-Duché de Luxembourg mais nous avons également plusieurs projets en Allemagne, jusqu’à Berlin, avec un accent particulier sur la Sarre.

L’un des tout premiers projets dont nous avons fait le suivi est le bâtiment de l’Administration de la Nature et des Forêts, à Diekirch. Sa construction s’est achevée en 2013 et il s’agit du premier bâtiment administratif en bois à énergie positive au Luxembourg. Il est labelisé DGNB Platine. C’est un bâtiment précurseur, et qui fonctionne toujours très bien : nous savons aujourd’hui, avec 12 ans de recul et à travers les visites que nous en faisons régulièrement, que les usagers sont très satisfaits du confort qu’il offre. Nous avons contrôlé tous les matériaux, accompagné la certification DGNB, calculé l’empreinte carbone et démontré ainsi que l’énergie produite par le bâtiment est supérieure à celle consommée pour sa construction et son exploitation : c’est donc un vrai bâtiment à énergie positive ! L’électricité est produite par des panneaux photovoltaïques installés non seulement en toiture, mais aussi en façade. Pour laisser de la place à ces panneaux en façade, il s’est avéré nécessaire de ne pas prévoir une façade entièrement vitrée, faisant ainsi d’une pierre deux coups : éviter la surchauffe à l’intérieur du bâtiment en été en limitant l’apport solaire, tout en récupérant cette énergie solaire pour produire l’électricité nécessaire au fonctionnement du bâtiment. Un autre point remarquable est que des bornes de recharge pour véhicules électriques ont été installées dès 2012, alors que ce n’était pas du tout standard à l’époque.

JG : Nous avons également participé à la construction d’une école à Howald, elle aussi construite en bois, avec une façade isolante en jeans recyclés et du liège. Elle est certifiée DGNB et a obtenu le meilleur score qu’un bâtiment scolaire ait jamais remporté. Nous étions responsables de la certification DGNB et du conseil dans le domaine de la biologie de la construction, depuis l’évaluation des produits sur base des données techniques disponibles jusqu’au contrôle sur chantier que seuls les produits approuvés ont été utilisés. Dans une dernière étape de contrôle de la qualité, des mesures de l’air intérieur ont été effectuées une fois le bâtiment achevé pour vérifier qu’on n’y trouve pas de substances nocives.

Les solutions que vous proposez à vos clients, vous les appliquez aussi à votre propre bâtiment, situé à Mertert, qui est en cours de rénovation. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

SF : En premier lieu, nous avons choisi de conserver au maximum la substance existante, c’est-à-dire les murs porteurs ainsi qu’une partie de la chape, afin de minimiser notre empreinte écologique.

Nous avons fait le choix de matériaux biosourcés pour les murs intérieurs, cloisons, fenêtres : le bois parce qu’il stocke le CO2, est agréable au toucher et dure plusieurs générations, et l’argile pour ses qualités biologiques et physiques, parce qu’elle ne nécessite aucune transformation chimique énergivore et parce que sa pose est un processus réversible : il suffit de l’humidifier pour pouvoir la retirer. Elle respecte donc à 100 % les principes de la circularité.

Après avoir enlevé les faux plafonds, nous avons laissé le béton apparent et décidé de ne pas poser un nouvel enduit parce que cela aurait coûté de l’argent, augmenté l’empreinte carbone et réduit les propriétés d’inertie thermique du bâtiment.

À la cave, nous avons aussi installé trois bassins de récupération des eaux pluviales à la place de l’ancienne cuve à fioul pour alimenter les toilettes.

Et dans l’entrée, nous avons construit un mur chauffant, pour montrer à nos visiteurs les effets positifs de la chaleur rayonnante.

Nous avons poussé la démarche jusqu’au mobilier. Le plateau de table dans la salle de réunion, par exemple, a été fabriqué dans un bois local par un menuisier de la région alors que les pieds de table sont en métal de récupération soudé.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #74 - novembre 2025

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Publié le lundi 1er décembre 2025
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