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Le projet de loi sur le remembrement urbain ministériel avance

Le projet de loi sur le remembrement urbain ministériel avance

Le remembrement urbain est une procédure d’exécution d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » ou d’un lotissement de terrains qui consiste à remodeler un parcellaire existant de façon à le faire concorder avec les lots délimités par le PAP ou le lotissement en question.

À l’heure actuelle, les procédures prévues par la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ne permettent pas, dans la pratique, de surmonter le refus de participation de propriétaires récalcitrants, qui peut ainsi bloquer des projets et notamment la réalisation de nouveau logements.

Le projet de loi n° 7139 vise à y remédier par l’introduction dans la loi du 19 juillet 2004 d’une nouvelle procédure, qualifiée de « remembrement ministériel », principalement destinée à permettre la mise en œuvre des projets de remembrement qui ne recueillent pas l’accord de tous les propriétaires des fonds sis à l’intérieur du périmètre.

Le dépôt de ce projet de loi remonte à 2017, et il peinait à avancer.

Pour rappel, le projet de loi n° 7139 comprenait également d’autres mesures dont plus particulièrement celles visant à introduire des servitudes déterminant des créneaux temporaires de viabilisation et de construction, pouvant en impacter le classement et la constructibilité.

Ce volet des servitudes avait fait l’objet de nombreuses oppositions formulées par le Conseil d’Etat dans son avis du 22 février 2022.

Suite à une scission du projet de loi n° 7139, le volet des servitudes doit dorénavant faire l’objet du projet de loi n° 7139B, qui à l’heure actuelle n’a pas encore fait l’objet d’une nouvelle publication.

Effectivement, est-ce que de telles servitudes sont nécessaires au vu de l’avancement du projet de loi 8082A, visant à réformer l’impôt foncier et introduire l’impôt à la mobilisation des terrains (IMOB) ?

Surtout, il est à craindre que de telles servitudes impacteraient voire excluraient, dans la pratique, l’éligibilité des terrains qui en seraient frappés comme sureté pour le financement de leur acquisition ou d’un projet qui devrait y être réalisé, ce qui en rajouterait aux problèmes d’accès au financement que le secteur immobilier connaît déjà.

Le Conseil d’État a maintenant rendu, le 7 octobre 2025, un avis complémentaire sur le projet de loi n° 7139A, issu de la scission et recentré sur le remembrement urbain. Cette mise à jour du projet de loi, vise à clarifier les règles de réorganisation des terrains lorsque plusieurs propriétaires sont concernés par des projets d’urbanisation, en encadrant mieux les procédures, les critères d’attribution des lots, la publicité et la transparence.

Dan son avis, le Conseil d’État valide plusieurs avancées qui renforcent la sécurité juridique et la lisibilité pour les acteurs de terrain. D’abord, pour mettre fin à une incertitude pratique il est précisé maintenant qui élabore le « projet d’exécution » en cas de remembrement, à savoir le propriétaire du fonds concerné ou son mandataire.

Le cœur des modifications porte sur le remembrement dit « ministériel », qui doit ouvrir une nouvelle voie à côté du remembrement amiable. Le Conseil d’État souligne la nécessité de mieux structurer le texte pour distinguer clairement les « généralités » et les règles propres à chaque mode de remembrement. Sur le fond, il approuve l’introduction de critères d’équité pour la répartition des nouveaux lots : prise en compte du prorata des apports de chaque propriétaire et possibilité de soultes ou indemnités. Ces critères limitent la marge d’appréciation du ministre et répondent à de précédentes critiques sur un pouvoir discrétionnaire insuffisamment encadré.

Le Conseil d’État critique toutefois ce qu’il considère une dérogation mal circonscrite permettant de remodeler « l’intégralité des fonds » sans concordance avec les lots prédéfinis par un plan d’aménagement particulier (PAP « nouveau quartier ») ou un lotissement. Selon lui, la suppression de la notion de propriétaire « récalcitrant » ne suffit pas à sécuriser le dispositif : il faut préciser dans quels cas exacts le ministre peut déroger. À défaut, le texte créerait une incertitude juridique incompatible avec les exigences de prévisibilité pour les propriétaires et les communes. Il émet donc une opposition formelle sur ce point.

Sur les aspects opérationnels, le Conseil d’État approuve que la mise en œuvre des travaux de voirie et d’équipements publics puisse être différée, à condition que l’acte de cession notarié ne soit établi qu’après la décision ministérielle adoptant le remembrement. En cas de refus de céder un fonds, le recours à l’expropriation reste possible, mais le Conseil suggère d’instaurer un délai pour notifier le refus, afin de ne pas ralentir indéfiniment les procédures.

Concernant la valorisation des terrains lors du remembrement, l’avis valide les critères basés sur le prix applicable au jour de l’envoi du projet, l’usage des sols et les « contraintes d’exécution ». Toutefois, pour rendre cette dernière notion plus opérationnelle et limiter les contentieux, il invite à s’inspirer de la loi du 7 août 2023 sur le logement abordable, qui énumère des contraintes types (hydrologiques, géologiques, archéologiques, environnementales, patrimoine) génératrices de surcoûts de viabilisation.

Dans le projet de loi revu, la transparence des procédures est renforcée, notamment par la digitalisation de l’enquête publique sur le portail national. Le Conseil d’État soutient cette modernisation, tout en rappelant que la numérisation ne doit pas affaiblir le droit à l’information. Il recommande d’ajouter un affichage sur les fonds concernés, pour toucher effectivement les personnes impactées. Il approuve par ailleurs la suppression de l’exigence que les publications paraissent dans quatre quotidiens imprimés au Luxembourg, et avalise la précision des délais de notification aux propriétaires des fonds sis à l’intérieur du périmètre du projet de remembrement ministériel.

Sur le plan rédactionnel, l’avis propose certaines améliorations de forme pour harmoniser la terminologie et éviter des ambiguïtés.

En synthèse, l’avis consolide le cadre du remembrement urbain autour de trois axes : sécuriser la répartition des lots grâce à des critères d’équité explicites, garantir l’information et la participation du public via une enquête publique modernisée mais inclusive, et améliorer la technique législative pour une application plus fluide par les communes, propriétaires et opérateurs. Les réserves principales portent sur les cas de dérogation à la concordance avec les plans d’aménagement, qui doivent être précisément définis pour éviter l’arbitraire. Sous ces réserves, le Conseil d’État accueille favorablement les ajustements proposés, qui devraient faciliter la mise en œuvre de projets urbains tout en respectant les droits des propriétaires et les exigences de transparence.

Une revue du texte du projet de loi à la lumière de l’avis du Conseil d’État pourrait maintenant permettre une avancée rapide vers l’adoption de cette réforme importante.

Me Mario Di Stefano, Managing Partner – Avocat à la Cour chez DSM Avocats à la Cour
Article paru dans Neomag #74 - novembre 2025