
De la clé à molette à la tablette
En croissance constante depuis sa création, AiO Technologies mise sur la complémentarité des profils, la formation continue, la promotion interne et un état d’esprit ouvert à l’innovation pour continuer à progresser. Interview de Benoît Lespagnol, directeur général d’All In One Technologies.
Dans quels métiers AiO Technologies est-elle active ?
Nous sommes spécialisés dans les techniques spéciales du bâtiment - chauffage, ventilation, climatisation et sanitaire - accompagnées par un solide pôle régulation avec nos propres programmeurs. Nous intervenons dans les bâtiments fonctionnels : centres commerciaux, bureaux, écoles ou maisons relais, bâtiments industriels ou tertiaires.
Sur nos 120 collaborateurs, environ la moitié se consacre aux travaux neufs. Nous occupons tous les postes : chef de projet, assistant chef de projet, dessinateur, chef de chantier, chef monteur, monteur, aide-monteur, apprenti… En ventilation, nous travaillons sur des équipements qui peuvent atteindre la taille d’un camion, et en régulation, nous développons des systèmes complets de GTC (gestion technique centralisée), que nous concevons de A à Z.
Ensuite, nous avons une équipe d’environ 45 personnes dédiée au Facility Management (FM), dont le but est d’assurer l’entretien et le bon fonctionnement des installations dans un vrai souci d’efficacité énergétique, car il ne suffit pas d’installer du matériel de haute qualité, il faut aussi garantir que ses performances soient optimales durant toute sa durée de fonctionnement. Nous intégrons ici aussi tous les métiers, du chef de projet FM, garant de la cohérence du plan de maintenance, aux techniciens en dépannage ou en maintenance préventive.
Nous avons aussi un petit pôle très spécialisé en monitoring énergétique, avec trois personnes, qui traite des centaines de milliers de données par jour. Cela va au-delà du FM : il s’agit d’analyser en temps réel les informations issues des GTC, capteurs et compteurs pour détecter d’éventuels dysfonctionnements ou possibles optimisations.
Enfin, une douzaine de personnes travaille dans des postes administratifs - achats, comptabilité, RH, logistique.
À sa création en 2008, AiO ne comptait que 5 ou 6 employés, et aujourd’hui nous sommes 120. Cette croissance s’est faite principalement par bouche-à-oreille, ce qui montre l’engagement de nos collaborateurs.
Quels sont les besoins en recrutement actuellement ?
Tous les 3 à 5 ans, nous embauchons des chefs de projet en techniques spéciales, qui peuvent prendre en main des projets de 1 à 4 millions d’euros, souvent complexes. Ces postes sont très techniques et demandent un profil expérimenté.
De manière plus récurrente, nous recrutons des assistants chefs de projet. Nous promouvons souvent nos collaborateurs en interne : un ancien monteur peut devenir chef de chantier, puis assistant chef de projet et, à terme, chef de projet. Ce parcours permet de capitaliser sur leur bonne connaissance du terrain.
Les monteurs ou techniciens sont majoritairement recrutés sur recommandations de collègues ou de proches.
Quels sont les postes en tension ?
En premier lieu, tous les postes qui touchent à la régulation. Que ce soit les monteurs régulation, chefs monteurs ou chefs de projet MSR (Mesure, Surveillance, Régulation), ce sont des profils techniquement très pointus et pluridisciplinaires, car ils exigent une double expertise : comprendre le fonctionnement des systèmes HVAC (comment fonctionne une machine froid, un groupe de ventilation ou les différents systèmes de distribution de chaleur), et savoir comment les piloter via une régulation efficace. Pour créer un bon concept de régulation, il faut connaître l’électrotechnique, les installations HVAC, et avoir des bases en programmation – même si nous avons en interne trois programmeurs qui prennent en charge le codage. C’est un métier qui s’apprend au fil des expériences acquises et au fur et à mesure de la vie professionnelle : un expert en régulation, c’est souvent quelqu’un qui a démarré dans l’électricité, qui s’est intéressé assez vite à l’hydraulique et aux flux de ventilation et qui, au fur et à mesure de ses années de carrière, a acquis un très bon aperçu de l’ensemble des équipements.
Petite particularité interculturelle chez nous : environ 70 % de notre effectif est germanophone, particulièrement dans la régulation, même si nos équipes travaillent souvent en bilingue.
Vous misez donc beaucoup sur la promotion interne ?
Oui. Nous recrutons des apprentis, même si c’est un vrai défi car il est difficile de trouver des jeunes motivés, disciplinés et prêts à s’investir. Pour beaucoup, le chauffage sanitaire est un choix par défaut, faute de place dans la mécanique automobile, par exemple. On voit que l’attrait pour le métier leur manque. Ils se sont souvent lancés sans vraiment savoir à quoi ça correspondait et ils s’aperçoivent finalement que ça ne correspond pas à leurs aspirations.
Malgré tout, l’apprentissage reste une voie privilégiée pour nous. Nous avons de bonnes expériences avec des collaborateurs qui ont fait un apprentissage ou des stages chez nous, et que nous avons embauchés une fois diplômés. Ils connaissent l’entreprise, ses méthodes, ses exigences et progressivement, nous leur proposons d’élargir leurs compétences. Il y a cette relation de confiance entre nous et cette fidélité à l’entreprise qui sont fondamentales.
Nous avons naturellement du turnover, des départs en retraite… et si nous pouvions pourvoir tous les postes plus exigeants avec notre vivier interne, ce serait idéal, mais ce n’est pas toujours possible. Certains préfèrent rester dans des fonctions opérationnelles, sans prendre de responsabilités supplémentaires, et nous respectons leur choix.
Quelle serait une qualité essentielle pour travailler dans votre domaine ?
En tant qu’experts de l’efficacité énergétique, nous recherchons des personnes qui veulent progresser, qui sont enthousiastes, curieuses et ouvertes aux nouvelles technologies.
Quels avantages offrez-vous à vos collaborateurs ?
Les perspectives d’évolution, dans une entreprise à taille humaine où règne encore une ambiance familiale, l’accompagnement des personnes qui souhaitent se développer à travers la formation notamment, mais aussi des avantages plus concrets comme des jours de congés supplémentaires en fonction de l’ancienneté ou encore une prime sous la forme d’un 13è mois, ce qui est rare dans le secteur parce que la convention collective ne le prévoit pas dans cette envergure. Nous essayons aussi de montrer la voie de l’innovation : en l’espace de 3 ou 4 ans, nous avons amené 50 % de notre flotte de véhicules personnels en électrique. Pour la flotte utilitaire, nous sommes à presque 20 %.
Quelle est la moyenne d’âge chez vous ?
Elle se situe autour de 40 ans. Côté monteurs, la tranche d’âge s’étend entre 22 et 57 ans, ce qui permet aussi une transmission intergénérationnelle : les équipes sont organisées souvent en binômes avec un jeune et un collaborateur plus expérimenté. La « tête et les jambes », comme on dit. Cela permet aussi d’aménager les fins de carrière, en évitant les tâches les plus physiques. De manière générale, nous restons attentifs à l’état de santé de nos collaborateurs. En cas de souci physique (genoux, dos…), nous trouvons des solutions. Certains rejoignent le FM, où les charges sont souvent moins lourdes.
Avez-vous mis en place des actions pour attirer des jeunes ?
Nous sommes toujours partants pour accueillir des stagiaires et nous participons régulièrement à des initiatives d’orientation avec des partenaires comme l’IMS ou le ministère de l’Éducation nationale. Nous avons ainsi accueilli des lycéens techniques pour une journée de découverte avec un mini-projet - digital challenge - qui nous a permis de travailler ensemble sur la digitalisation du pointage mobile. Car nos métiers sont en pleine évolution : on imagine toujours le chauffagiste avec une clé à molette à la main, mais aujourd’hui il utilise aussi de nombreux outils numériques.
Quelle place accordez-vous à la formation continue ?
Nous avons de nombreux collaborateurs qui suivent des formations via le Centre de Compétences, avec des sujets parfois très spécifiques comme le chauffage urbain, qui étaient peu abordés jusqu’à présent. Je n’ai jamais refusé une demande de formation. Au contraire, nous poussons souvent nos équipes à s’y inscrire, même si l’offre en allemand reste limitée. Nous offrons aussi à nos employés des cours de langue en groupe ou individuel en ligne pour mieux établir les ponts entre les différentes cultures et afin qu’idéalement chacun puisse s’exprimer dans sa langue maternelle.
Un dernier point à ajouter ?
Je voudrais mettre en avant la distinction entre le rôle du technicien de maintenance et celui du dépanneur, ainsi que l’importance de ces métiers. Entretenir une installation (par exemple, changer régulièrement les filtres d’un système de ventilation) demande non seulement une grande rigueur, mais aussi une curiosité technique et une capacité d’observation et d’analyse : cultiver l’envie de comprendre comment les appareils fonctionnent, pourquoi l’installation a été conçue de cette manière… Le dépanneur, quant à lui, intervient quand un problème est relevé. Il doit être capable de poser un diagnostic rapide et efficace, avec un esprit logique très affûté. Ce sont deux profils complémentaires que nous cherchons à équilibrer dans nos équipes FM. Sur les grands sites, comme les centres commerciaux, nous essayons souvent de composer des équipes mixtes, avec des compétences variées et des approches différentes, pour créer une plateforme technique performante et réactive.
Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #72 - juillet 2025