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Pavillon luxembourgeois à Osaka, vitrine d'une circularité contrôlée de A à Z

Pavillon luxembourgeois à Osaka, vitrine d’une circularité contrôlée de A à Z

À l’Exposition universelle d’Osaka 2025, le Luxembourg dévoile un pavillon pionnier qui allie durabilité, innovation architecturale et immersion numérique, fruit d’un effort collectif entre institutions, entreprises et experts.

À l’occasion de la dernière édition de la conférence Meet & Build, coorganisée par l’IFSB, le CNCD et le CDEC, le pavillon du Luxembourg à l’Exposition universelle d’Osaka 2025 a été mis à l’honneur comme un projet emblématique, autant pour son audace architecturale et technologique que pour son engagement circulaire.

Alexis Sikora, directeur de l’IFSB, a ouvert les échanges en saluant l’initiative du CNCD, soulignant une thématique «  moins technique  » mais tout aussi stratégique pour le secteur. Il a rappelé l’ambition du projet : valoriser à l’international la diversité des compétences luxembourgeoises. « Les premiers retours sont très positifs. Nous avons un pavillon qui est très réussi.  »

Paul Schosseler, co-président du CNCD (Conseil National pour la Construction Durable) et représentant du GIE Luxembourg@Expo2025Osaka, est revenu sur la genèse du projet. Dès 2022, l’équipe se confronte à un triple défi : concevoir un bâtiment éphémère, adapté aux normes japonaises et porteur de valeurs fortes. Il est séduit par la proposition architecturale. «   C’est une réflexion poussée sur la circularité et une démarche prouvant que ça fonctionne aussi localement, avec des matériaux locaux, du réemploi et des boucles fermées.  »

Alexis Sikora (IFSB), Bruno Renders (CNCD) et Paul Schosseler (GIE Luxembourg@Expo2025Osaka)
Alexis Sikora (IFSB), Bruno Renders (CNCD) et Paul Schosseler (GIE Luxembourg@Expo2025Osaka)

Un manifeste pour la construction circulaire

Bruno Renders, co-président du CNCD, a appelé à une transformation systémique du bâtiment. «  Il faut arriver à faire mieux avec moins  », a-t-il résumé, insistant sur la nécessité de sobriété et de décarbonation dans le secteur. Il voit dans le pavillon une déclaration d’intention concrète, où éphémère et durable ne s’opposent pas. «   Ce projet montre qu’il y a des choses qui aujourd’hui peuvent devenir permanentes demain.  »

Côté architecture, Arnaud De Meyer (agence STDM) a détaillé une approche radicalement locale, modulaire et démontable. « Le pavillon est situé sur l’île artificielle de Yumeshima. Il est entièrement conçu avec des matériaux standards japonais, choisis pour leur potentiel de réutilisation. Ce n’est pas le pavillon le plus rond ni le plus végétalisé qui est le plus vertueux. »
Plutôt qu’un design imposé, l’équipe est partie d’un inventaire de ressources disponibles, créant une structure composée de modules standardisés pour minimiser les découpes. « La toiture en polyester recyclé symbolise l’unité du projet. Elle protège les volumes, capte l’eau de pluie, et incarne l’esprit du Luxembourg. »

Chaque espace correspond à un acte dans un parcours scénographique immersif, mêlant narration, architecture et émotion. «  Le pavillon devient un paysage, un territoire à parcourir  », a précisé Arnaud De Meyer, soulignant que l’esthétique n’est jamais sacrifiée au profit de la fonctionnalité.

Une immersion numérique à fort impact

La visite du pavillon est une expérience visuelle, mais également numérique. Matthieu Bracchetti, CEO de la société Virtual Rangers, a présenté une application mobile innovante créée par son équipe en collaboration avec Artec 3D et les architectes. « Les utilisateurs peuvent se promener dans la structure japonaise via un double numérique, fidèle au bâtiment physique, mais enrichi d’éléments narratifs et sensoriels. Ce n’est pas juste une salle vide, c’est une expérience émotionnelle. »

L’application « Luxembourg Pavilion », déjà téléchargée plus de 100.000 fois, permet de découvrir des monuments en réalité augmentée, de suivre trois récits mêlant histoire, innovation et gastronomie, et de vivre une reconstitution poétique du Luxembourg. Même le Grand-Duc l’a testée, visiblement ému par la reconstitution virtuelle de son palais.

Matthieu Bracchetti (Virtual Rangers), Gilles Christnach, Arnaud De Meyer (STDM architectes-urbanistes)
Matthieu Bracchetti (Virtual Rangers), Gilles Christnach, Arnaud De Meyer (STDM architectes-urbanistes)

Des choix techniques au service du réemploi

Gilles Christnach, chef de l’équipe d’ingénieurs en charge de ce projet, a présenté les innovations techniques garantissant confort et efficacité. Le refroidissement du pavillon repose sur un système de tuyaux d’eau froide fixé aux parois, autour desquels l’air ambiant circule naturellement. « L’humidité est réduite par condensation, évitant le recours à la climatisation traditionnelle. Ce système est simple, mais très efficace. Tous les éléments sont démontables et réutilisables. »

Gilles Christnach a également partagé une anecdote révélatrice. L’équipe voulait initialement réutiliser des réservoirs issus de l’industrie laitière, mais cette approche n’a pas été comprise côté japonais. «  Nous nous sommes adaptés, mais on est restés fidèles à nos principes, ce qui prouve la souplesse et la rigueur du projet. »

Carole Henry (Terra Matters) et Jeannot Schroeder (+Impakt)
Carole Henry (Terra Matters) et Jeannot Schroeder (+Impakt)

Terra Matters et le PCDS

Carole Henry, représentante de Terra Matters, a présenté un outil phare dans la réalisation du pavillon : le PCDS (Product Circularity Data Sheet). « Il permet de collecter, structurer et échanger les données circulaires d’un produit de manière fiable et standardisée. Contrairement à des fichiers Excel ou des fiches hétérogènes, le PCDS garantit un langage commun, essentiel pour les échanges entre fabricants, fournisseurs et acheteurs. »

D’un point de vue extérieur, le PCDS est un formulaire numérique, accessible même aux PME, simple d’utilisation car il suffit de le compléter via des cases à cocher, des valeurs par intervalle, et une structure rigoureuse qui facilite l’audit final.

Dans le pavillon, le PCDS a été utilisé pour documenter les matériaux majeurs (béton, acier, membrane). Terra Matters a travaillé avec un consultant japonais pour assurer l’alignement culturel et technique des définitions. Ces fiches ont ensuite permis de calculer des indices de circularité précis.

Mesurer la circularité : de l’intuition à l’indicateur

Enfin, Jeannot Schroeder, Managing Director de +ImpaKT, a introduit la distinction entre les indicateurs de circularité 1.0, souvent subjectifs ou partiels (ex. : « démontable », « recyclable »), et les indicateurs 2.0, issus des données PCDS. Parmi eux, on peut citer Extended Use Index (durée d’usage prolongée), Next Use Index (réemployabilité future) et Continuous Cycle Index (flux de réutilisation).

«   Si aujourd’hui tout devient circulaire, alors plus rien ne l’est  », avertit Jeannot Schroeder. « Ce n’est pas parce qu’un produit est présenté comme étant réparable ou composé de 30 % de matières recyclées qu’il est circulaire. Il faut bien faire la distinction. Ces outils permettent une mesure rigoureuse, corrélée aux cycles de vie des matériaux, et intégrée à des plateformes comme OneClick LCI. »

Il a également mis en avant deux moments cruciaux de ce projet circulaire. La phase initiale, où les choix structurants (standardisation, démontabilité) sont faits et la phase d’exécution, où les détails (l’absence de colle et de fixations, et les finitions) traduisent les intentions en actions concrètes. « C’est dans cette continuité – de l’intention à l’action, de la donnée à l’indicateur – que le pavillon luxembourgeois trouve toute sa portée exemplaire. »

Sébastien Yernaux
Photos : Eve Millet / Picto

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Publié le mercredi 16 juillet 2025
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Groupe CDEC asbl
Institut de Formation sectoriel du Bâtiment (IFSB)
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