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La Croix-Rouge luxembourgeoise et la construction humanitaire durable

La Croix-Rouge luxembourgeoise et la construction humanitaire durable

Depuis des cases en bambou résistantes aux cyclones à Madagascar à des abris en terre au Burundi qui préviennent le déboisement, le Shelter Research Unit (SRU) de l’Aide Humanitaire de la Croix-Rouge luxembourgeoise développe des solutions innovantes pour offrir un toit aux populations vulnérables.

Actuellement présente dans 8 pays africains ainsi qu’en Ukraine et au Népal, elle s’appuie sur une équipe d’architectes spécialisés dans les abris d’urgence et les établissements humains ; axée sur la conception de solutions sur mesure, cette équipe assure que chaque réponse soit pleinement adaptée, et tient compte des défis et des spécificités de chaque contexte de crise.

Entre innovation de pointe et sagesse de la tradition

Si l’unité devait avoir une devise, elle serait très certainement « innovation et tradition », une formule qui résume parfaitement le modus operandi de chacun de ses projets. Deux notions qui à première vue peuvent sembler opposées, mais qui selon leur expérience forment ensemble la base des meilleures solutions constructives. Dans des contextes complexes de conflits armés prolongés ou de chaos post-catastrophe naturelle, souvent marqués par des marchés locaux appauvris, des chantiers à risques et un manque de main-d’œuvre, utiliser et réinventer les ressources déjà disponibles sur place constitue bien souvent le meilleur point de départ. Simultanément, les innovations et recherches les plus récentes dans les domaines de la construction et de l’ingénierie des matériaux jouent un rôle clé. Une combinaison gagnante, selon eux, pour développer des solutions contextualisées capables de répondre aux défis multifactoriels qui se posent de plus en plus à l’architecture humanitaire.

Des solutions sur mesure pour chaque contexte

Un exemple récent au Tchad, proche de la frontière soudanaise : au cours de l’une de ses dernières missions sur le terrain, l’équipe technique a constaté, dans un des camps de réfugiés de la province d’Ouaddaï - à la frontière du conflit au Darfour -, que la plupart des ménages dans le besoin avaient reçu un abri d’urgence ; en pratique, beaucoup d’entre eux continuaient à dormir dehors, vulnérables aux intempéries. En cause, l’incompatibilité manifeste entre les matériaux standardisés utilisés dans les abris d’urgence et le climat du Sahel, marqué par des étés étouffants (températures souvent au-delà des 45 °C), ainsi qu’une saison des pluies courte et intense, provoquant presque chaque année des inondations. À la recherche d’alternatives, l’Aide Humanitaire a développé et testé, au cours des derniers mois, un nouveau prototype d’abri évolutif issu d’un concours entre étudiants (1re conférence scientifique « Innovation in Humanitarian Habitat ») organisé en 2023, et financé par la Fondation Veuve Émile Metz-Tesch (FVEMT). Pour la structure, ils ont comme d’habitude eu recours au bois, ne consommant qu’une demi-quantité relativement aux modèles déjà en usage, grâce à l’emploi de fondations sèches permettant de réutiliser les poteaux de la première structure temporaire.

Les murs - dans un premier temps prévus en nattes végétales, puis ensuite en briques de terre - offrent un contrôle passif de la température intérieure, contrastant fortement avec les bâches plastiques ou les panneaux de PVC couramment utilisés qui créent un effet de serre et contribuent, en fin de cycle, à l’augmentation de déchets urbains.

Découvrir et faire redécouvrir les matériaux biosourcés et régénératifs

Une fois les abris-test construits et les premiers résultats prometteurs obtenus, l’unité a lancé une série d’initiatives parallèles pour garantir la durabilité du modèle proposé, en renforçant les capacités et les marchés locaux et en combattant l’idée selon laquelle ces matériaux naturels seraient dépassés et contraires au progrès.

Au Tchad, même si la communauté-hôte et les réfugiés considèrent traditionnellement la terre comme un matériau de construction par excellence, le SRU a relevé une méconnaissance de certaines bonnes pratiques – comme le besoin de bien tamiser et malaxer – et a organisé des formations ainsi que des actions d’échanges techniques afin d’assurer l’amélioration de la qualité des futurs abris construits.

Bâtir l’avenir avec de nouvelles collaborations « gagnant-gagnant »

Dans un monde de plus en plus instable où les besoins humanitaires ne cessent de croître, l’Aide Humanitaire de la Croix-Rouge luxembourgeoise est convaincue que l’une des meilleures réponses réside dans la rencontre entre les dernières avancées issues des secteurs privé, académique et institutionnel, et le savoir-faire local et humanitaire.

Reprenant le projet pilote au Sahel comme exemple, un consortium entre les Croix-Rouge du Luxembourg et du Tchad, une architecte luxembourgeoise et un centre de recherche européen a été créé pour étudier une alternative à plus faible impact environnemental pour les toitures, portes et volets de ces abris. Et si ce type de collaboration devenait la norme ? Des consortiums similaires pourraient, selon les architectes de l’unité, ouvrir la voie à de nouvelles solutions pour faire face aux chaleurs extrêmes, encourager le recyclage et la réutilisation des matériaux ou même contribuer à réduire significativement l’empreinte carbone globale des opérations de construction humanitaire.

Ana Carolina Helena, gestionnaire de projets Aide Internationale de la Croix-Rouge luxembourgeoise
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

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Publié le mercredi 9 juillet 2025
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