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Construction modulaire vs construction traditionnelle

Construction modulaire vs construction traditionnelle

La construction modulaire ou préfabriquée reste marginale au Luxembourg, mais les lignes bougent peu à peu. À l’instar de la manière dont évoluent les marchés frontaliers, il n’est aujourd’hui plus interdit d’affirmer que les parts de marché de cette approche constructive vont croître.

Dans cet article, nous tentons un condensé comparatif entre la construction dite « traditionnelle » (entendons réalisée in situ et dont une grande majorité des éléments sont acheminés, transformés/modifiés/adaptés et assemblés sur le lieu du chantier par une main-d’œuvre importante) et la construction préfabriquée « modulaire ».

La planification, la conception et les études

En dehors des ouvrages à réaliser in situ (terrassements, fondations, raccordements, aménagements extérieurs, etc.), la construction modulaire profite d’une planification complète dès le début de la conception, bien maîtrisée par les entreprises. Les délais de chacune des phases sont très respectés et peu impactés par des évènements externes (sauf crises structurelles telle que des difficultés d’approvisionnement en matières premières, par exemple). La construction modulaire est plus facilement planifiable compte tenu de son mode de production industrialisé. Les constructeurs peuvent en outre bénéficier du travail en shifting (3x8) si cela s’avère nécessaire (afin d’accélérer les process de fabrication). Il faut également mentionner le chevauchement des plannings : les modules sont fabriqués en même temps que le site est préparé (fondations, etc.).

En termes de flexibilité, la construction modulaire impose des contraintes dimensionnelles (taille des éléments, portées, hauteurs sous plafonds, etc.), conceptuelles (répétitivité, conception des plans, etc.) et techniques (regroupements, encastrements, etc.) qui peuvent parfois apparaître comme des contraintes, voire un facteur limitant quant à la créativité architecturale. La personnalisation des ouvrages s’en voit parfois réduite : quant aux structures, il faut distinguer la construction modulaire issue de produits préfabriqués (poutres, colonnes, dalles,…) qui est aussi souple et personnalisable que la construction classique, de la construction modulaire en « modules », moins souple que la construction classique (grande portées impossibles, par exemple). Léger avantage à la construction traditionnelle sur la personnalisation des enveloppes et fermetures, par le fait simple que la construction modulaire préférera toujours réduire les choix pour optimiser la production et les délais ; en revanche, aucune limite sur le choix des solutions. Quant aux parachèvements, léger avantage à la construction traditionnelle sur la multiplicité de ces derniers ; certains ne sont soit pas réalisables en construction hors-site (dégradation lors du transport), soit doivent être différés in situ. Notons que multiplier les choix se fait parfois au détriment de la qualité ou du budget.

En construction modulaire, les études préliminaires sont plus longues car le projet est entièrement étudié en amont. Cependant, il n’y a pas matière à y revenir par la suite. En construction classique, la complexité réside essentiellement dans la coordination des divers intervenants tandis qu’en construction modulaire, la complexité réside plutôt dans la plus grande masse de données à gérer en amont. La coordination des études est donc plus simple - car mieux intégrée, chez le partenaire modulaire qui cumule souvent la quasi-totalité des études (dimensionnement, conception, quantification, planification, devisage, étude des performances, BIM, contrôles qualité, etc.) depuis la planification jusqu’à l’exécution (montage). Quant au respect des normes de construction, il est à priori peu dépendant du choix constructif.

Exécution et fabrication

La construction modulaire s’exécute dans un environnement mieux contrôlé car la majeure partie du process est réalisée en atelier ou en usine, dans un environnement clos et sécurisé ; le contrôle-qualité est plus simple et souvent réalisé par le constructeur lui-même, ce qui simplifie le régime d’obtention de garanties. En moyenne, la qualité de fabrication en construction modulaire est supérieure et en construction classique, on constate de plus grands écarts, ce qui ne signifie nullement qu’elle est incapable d’atteindre des standards élevés.

La moindre pénibilité des tâches est un avantage souvent mis en avant en construction modulaire : conditions de travail et ergonomie améliorées, impact nul des conditions météorologiques, productivité améliorée, meilleure flexibilité des horaires. La construction modulaire est une entreprise intégrée, qui regroupe plusieurs compétences sous un même toit. Elle dispose d’un régime de méthodes qui simplifie et organise la construction ; elle profite d’un site de production unique, décentré du site de construction. Moins d’engins de chantier, d’engins de levage, de dispositifs de sécurité. Moins de difficultés lors de l’approvisionnement en matières et produits, moins de difficultés de parcage autour du chantier, moins d’autorisations de police, quelques exemples concrets qui marquent la différence avec le chantier classique. En construction modulaire, aucune utilité de disposer d’une zone de stockage temporaire ni de bureaux de chantier (à tout le moins, cette nécessité est réduite dans le temps).

Autre argument souvent avancé, celui de la non-dépendance aux périodes d’intempéries (réduite à la courte phase de montage des modules le cas échéant) ; pour être complets, citons encore une production moindre de déchets ainsi que leur gestion en dehors du site de construction (plus-value visuelle en phase chantier), la réduction des nuisances de toutes sortes liées à un chantier classique (entraves à la circulation, sécurisation du site et des abords publics, bruits, poussières, charroi divers, aspects visuels, etc.). Enfin, notons que la construction traditionnelle nécessite une main d’œuvre abondante et qualifiée qui, constat actuel, tend au mieux à se raréfier et au pire à faire rétribuer vers le haut ses prestations, ses aptitudes et sa disponibilité. La construction modulaire est en revanche plus souple face à ce phénomène.

Livraison des ouvrages

En construction modulaire, les réserves sont moindres, voire inexistantes ; ces réserves subsistent pour les travaux qui ne peuvent être préfabriqués. Les garanties apportées par l’entreprise sont à priori sans objet particulier et peu dépendantes du choix constructif. En construction modulaire, les installations techniques sont généralement entièrement conçues et intégrées en amont, ce qui réduit les risques d’erreurs. Le contrôle sur l’exécution de ces techniques est également plus rigoureux. Enfin, les installations sont contrôlées avant livraison des modules, qu’il reste à « connecter » sur site.

En phase d’usage et d’exploitation du projet

La maintenance est sans objet particulier et peu dépendante du choix constructif (modulaire ou classique) ; cependant - sujet assez complexe, il s’agit de savoir si la contrainte de modularité a été intégrée ou pas dans l’étude de départ, autrement dit, le remplacement de tel ou tel composant a-t-il été pensé et réfléchi en amont pour être facilité : en fonction de la physionomie du projet, tant la construction classique que la construction modulaire peuvent être supérieurs à l’un ou à l’autre. Léger avantage sur le volet « structures » pour la construction classique, tout remplacement ou modification ultérieure étant plus simple.

Faits généraux et transversaux

En termes de maîtrise des coûts, en dehors des ouvrages à réaliser in situ, les budgets en construction modulaire sont établis très tôt et restent fixes, évitant toute « surprise » ultérieure. L’évaluation budgétaire restant dépendante de la physionomie du projet, nous pouvons néanmoins affirmer que la construction modulaire est, en général, considérée comme moins onéreuse que la construction classique. Cependant, une construction modulaire à très haut degré de finition ne sera pas pour autant moins onéreuse qu’une construction classique.

La valeur de revente d’une construction modulaire est un sujet jusqu’ici peu étudié ; la construction classique semble aujourd’hui conserver un avantage, probablement par « a priori ». Il est cependant intéressant de considérer qu’en cas de déconstruction/démontage, une construction modulaire peut être déplacée et réemployée à un autre endroit, il s’agit donc d’une valorisation intéressante.

Innovation et digitalisation : la construction modulaire ou hors-site, le DFmA, sont des procédés issus de l’industrie. Ils en utilisent donc les recettes et les codes : digitalisation (dont usage du BIM), robotisation, rationalisation, standardisation (sous un certain angle). Elle est donc par essence, malgré les progrès de la construction traditionnelle, plus innovante. Souvent, c’est la totalité de la conception qui est réalisée à l’aide de logiciels de conception numériques. Cet usage se poursuit dans l’usage d’outils à commande numérique en DfMA.

La construction modulaire souffre encore parfois d’une réputation de qualité moindre - en cause principalement l’image du « conteneur » qui semble cristalliser les critiques. Certaines finitions sont interdépendantes du concept modulaire. Les joints (ou jointures) peuvent donc être plus fréquents et générer une sensation de qualité moindre si ils sont mal conçus ou gérés.

Circularité et durabilité, performances techniques

Parce que la construction modulaire est en soit un modèle de développement intégré, industrialisé, réduisant la production de déchets, augmentant la qualité d’exécution et optimisant la consommation d’énergie, elle est plus durable que la construction conventionnelle et présente un taux de recyclage plus élevé ; ce qui ne signifie pas que la construction classique ne puisse pas atteindre des standards élevés, mais qu’elle y parvient plus difficilement et/ou plus rarement. Autre point souvent avancé, la démontabilité des ouvrages : construction modulaire rime avec construction assemblée, et par extension démontable, réutilisable. L’ensemble des éléments constitutifs (structure, éléments de remplissage, éléments menuisés, réseaux de fluides, couches diverses, ...) est identifié et localisé. Le taux de démontabilité est ainsi supérieur.

Un site de production modulaire concentre plusieurs activités : moins de transport de matériaux ou produits finis et semi-finis, moins de trajets entreprise-site de construction,… et par extension rationalisation des énergies. Grâce à la connaissance parfaite des quantités de produits et matières à mettre en œuvre, les commandes sont optimisées.

Enfin, s’agissant des performances (énergétique, acoustique, etc.) et leur conservation dans le temps, les deux modes constructifs sont respectivement capables de performances élevées et il serait incorrect de plébisciter l’un ou l’autre tant les scénarios sont nombreux. Ajoutons cependant qu’en général, la construction conventionnelle est plus souvent réalisée à l’aide d’éléments « lourds », au contraire de la construction modulaire ; il est donc plus facile de répondre aux contraintes du confort acoustique. Les performances acoustiques sont moins simples à aborder en construction modulaire et requièrent plus d’attention en phase d’étude, notamment aux jointures.

Régis Bigot, architecte & Innovation Project Manager chez Neobuild GIE
Article paru dans Neomag #72 - juillet 2025

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Publié le vendredi 8 août 2025
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