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Une architecture sobre et évolutive, pensée pour l'usager

Une architecture sobre et évolutive, pensée pour l’usager

STDM conçoit des projets pensés pour le vivre-ensemble, où la densification nécessaire intègre la durabilité et la qualité. L’humain connecté à son environnement y est un élément central, et chaque projet recherche une forme de sobriété qualitative, respectueuse de l’environnement et économe en ressources.

Interview d’Arnaud De Meyer, architecte urbaniste, partner STDM architectes

Quelles sont les valeurs qui animent STDM ?

La première de ces valeurs est l’augmentation de la qualité de vie en harmonie avec l’environnement au sens large. Nous sommes conscients de n’avoir qu’une planète et de la finitude des ressources, ce qui implique de concevoir et de prescrire les matières avec intelligence et parcimonie pour atteindre une forme de sobriété qualitative. Nous intégrons l’environnement comme un tout, dont l’humain est un des éléments.

La deuxième est le développement du sens de la communauté. Nous travaillons beaucoup sur des projets de logements collectifs, d’infrastructures urbaines… donc sur une architecture du partage des ressources et des équipements, du vivre ensemble. Nous réfléchissons à la manière d’aborder la question de la densification - qui est absolument nécessaire - avec qualité, à la manière de travailler les services, les infrastructures, la mobilité pour la rendre attractive, et qu’elle se fasse non pas par défaut mais par choix et bénéfice pour tous.

Une troisième valeur importante pour nous est la qualité de la construction, construire durable. Un bâtiment devient vite obsolète quand il n’a pas été pensé jusque dans ses détails pour être à même d’évoluer dans le temps, d’être flexible, réparable, transformable, démontable, ou tout simplement d’acquérir une bonne patine. Cette vision procède aussi d’un usage durable des ressources : « Nous sommes trop pauvres pour acheter bon marché ».

Et puis, il y a notre manière de faire : nous pratiquons la cocréation. En tant qu’architectes, nous nous considérons comme une sorte d’animateur dans la conduite d’un projet : nous sommes responsables de sa cohérence à toutes les phases, mais nous savons aussi qu’il est le fruit des compétences de toute une série de spécialistes (ingénieurs structure et technique spéciales, acousticiens, conseillers, etc.) qui sont de plus en plus nombreux à venir nourrir les projets. Plus on les implique tôt, plus on construit une vision complète, et plus on maîtrise ses enjeux et on évite les remises en question en cours de route qui risquent d’appauvrir la cohérence du départ.

Dernier point, nous considérons que l’atelier STDM, c’est avant tout des individus, une équipe, et nous accordons une grande importance à la valorisation et à l’évolution des collaborateurs, à la transmission, à la formation et à la montée en compétences. Cet aspect est moins lié à la durabilité des projets qu’à la pérennité de l’entreprise, mais féconder les compétences de cette entreprise, c’est la rendre autonome et vivante.

Comment ces valeurs se traduisent-elles concrètement dans vos projets ?

Que ce soit des logements pour le Fonds du Logement à Wiltz, le nouveau lycée technique de Bonnevoie ou la future passerelle qui reliera le quartier de Neudorf à celui du Kirchberg via un ascenseur - trois grands projets dont les chantiers vont démarrer -, tous incarnent notre volonté d’améliorer le vivre ensemble, de créer des connexions, de soutenir la mobilité douce, de préserver la nature et le paysage.

Par exemple, pour la passerelle de Neudorf, nous avons fait très attention à l’impact sur les collines et leurs flancs boisés. Le projet a été dessiné pour les respecter.

Au-delà de la conception fonctionnelle du projet, nous nous concentrons sur l’expérience des usagers. Nous essayons de nous mettre dans leur peau, car les bâtiments sont faits pour générer des expériences positives au quotidien.

Quelle est votre approche en matière de durabilité des bâtiments et d’attention portée à la consommation des ressources ?

L’innovation - ou plutôt l’évolution - est aussi dans la manière dont on construit. En tant que prescripteur, chaque choix de matériau, chaque ligne qu’on trace, a un impact en termes de consommation d’énergie et de ressources. Nous avons donc testé différents systèmes constructifs et nous en sommes venus à la conclusion que le tout bois, par exemple, a ses limites dans la pratique : ce n’est pas un matériau optimal pour l’inertie thermique, l’acoustique et la résistance au feu. On peut toujours compenser, « encapsuler », ajouter de la matière, des doublages, de la masse, mais ça devient vite de l’acharnement.

Nous développons ces derniers temps une approche hybride : garder une structure béton minimale, avec des dalles et éventuellement des voiles autour des cages d’escalier, et travailler le reste en construction légère. Le béton, bien utilisé, répond très bien aux problématiques d’acoustique, d’inertie thermique et de résistance au feu. Le bois, quant à lui, est idéal pour les éléments de l’enveloppe thermique, en préfabrication légère, ou pour les cloisonnements intérieurs, parce qu’il est facile à démonter et permet de créer des espaces flexibles, évolutifs. Chaque matériau a des avantages et des inconvénients ; l’idée est d’utiliser le bon matériau au bon endroit pour éviter l’obsolescence.

Nous essayons aussi de laisser les techniques apparentes, de ne pas les figer dans le béton par exemple, toujours dans l’optique de conserver une certaine lisibilité et la capacité à évoluer.

Nous prenons en compte le cycle de vie des composants : plus un cycle de vie est court, plus l’élément est rapidement obsolète et plus il est important que cet élément soit vertueux d’un point de vue écologique, circulaire. Par exemple, pour le pavillon luxembourgeois à l’Exposition universelle d’Osaka, nous poussons très loin la logique de réversibilité et de réemploi. Il est d’autant plus nécessaire de ne pas créer de déchets qu’il s’agit d’un objet dont la durée de vie est de 6 mois. Donc impossible de miser sur la pérennité. Le moindre composant doit pouvoir être démonté et réutilisé tel quel, séparément, dans de nouvelles constructions. Nous parlons bien de réutitilisation à l’identique, avec un petit reconditionnement éventuel, mais non de recyclage.

Quand on travaille sur des bâtiments à plus long terme, la notion de durabilité se traduit différemment : les bâtiments sont planifiés pour être flexibles dans leur structure de base de sorte à pouvoir s’adapter à des changements de fonction. Nous travaillons sur les raisons de l’obsolescence et sur les solutions - raisonnables d’un point de vue économique - pour y pallier. Nous sommes conscients que chaque implication a un coût, mais ces coûts peuvent devenir un investissement à long terme dans la résilience du bâtiment.

Luxembourg Pavilion - Osaka 2025
Luxembourg Pavilion - Osaka 2025

Auriez-vous des projets classiques, « à long terme », à citer en exemple qui poussent ces notions de circularité et de flexibilité ?

Les bureaux de SGI Ingénierie à Junglinster en est un bon exemple. Ce bureau d’études regroupe des ingénieurs structure et des ingénieurs en techniques spéciales. Ils voulaient un bâtiment « carte de visite » qui montre à quel point la technique et la structure sont parvenues à travailler main dans la main. Il fallait donc que les éléments techniques et les éléments structurels soient apparents et bien dessinés. Et ils voulaient aussi un bâtiment qui aille dans le sens du développement durable. Au départ, ils imaginaient tout en bois, mais ils se sont rapidement rendu compte des limites : pas assez de masse pour réguler la température, risque de surchauffe.

Nous avons donc développé une solution mixte : des portiques en bois tous les 2,7 m, sur lesquels sont posées des prédalles en béton de 5 cm. Ces prédalles servent de coffrage, puis on coule 10 cm de béton supplémentaire avec des serpentins d’eau glycolée pour le refroidissement. C’est un système modulaire et efficace par sa rapidité de construction qui, finalement, utilise peu de béton et réduit considérablement le carbone embarqué dans la construction.

Ce projet concentre toutes nos valeurs : la flexibilité, la qualité de construction, la sobriété de l’utilisation des ressources, et même la qualité du vivre/travailler ensemble.

Il s’agit encore une fois de choisir le bon matériau au bon endroit. Il n’existe pas de recette toute faite ou universelle : chaque projet appelle une réponse adaptée. Ici, le mix béton-bois implique des contraintes, bien sûr - le bois offre moins de possibilités que d’autres matériaux en termes de portées.

Faut-il viser l’excellence écologique à tout prix ou plutôt avancer par petites étapes ?

Nous avons eu l’occasion, par le passé, de concevoir le bâtiment du MECO – le Mouvement écologique – qui, d’un point de vue technique, écologique et constructif, représente une forme d’idéal. C’est la Rolls-Royce des bâtiments durables de son époque. Mais ce genre de projet reste l’exception : très peu de maîtres d’ouvrage ont la possibilité d’aller aussi loin.

La question qui se pose dès lors est donc de savoir s’il faut chercher à reproduire ce niveau d’exemplarité à tout prix et sans compromis, ou plutôt multiplier les projets raisonnables, réalistes, qui intègrent chacun des avancées concrètes ?

Nous avons d’ailleurs mené un travail introspectif pour identifier les projets qui ont été déterminants dans notre évolution sur ces sujets : l’écoconception, le climat, les matériaux durables… Et ce ne sont pas forcément les plus grands ou les plus visibles. Ce sont souvent des projets plus modestes qui nous ont permis de progresser.

Notre vision aujourd’hui est qu’une série d’améliorations concrètes, appliquées largement, et acceptables par le plus grand nombre a probablement plus d’impact qu’un seul bâtiment parfait. À nos yeux, mieux vaut faire des petits pas répétés dans le bon sens que de grandes révolutions.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #72 - juillet 2025

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Publié le mercredi 13 août 2025
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