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Et si la maison du futur tenait dans un container ?

Et si la maison du futur tenait dans un container ?

Toujours en recherche de nouvelles formes d’habitat, CDCL s’est associée au designer Steve Krack pour le déploiement au Luxembourg d’un concept innovant : HUUS - qui veut dire « maison » en suisse allemand - est un module d’habitation mobile, léger et modulable, qui n’impacte pas les terrains restants et reste très compétitif en termes de prix.

Interview de Steve Krack, designer du HUUS

Vous avez développé le concept HUUS. Qu’est-ce que c’est exactement ? Une tiny house ?

Je ne suis pas fan du terme « tiny house », car il désigne une petite maison, mais qui occupe un grand terrain sur une longue durée, donc qui ne tire pas pleinement parti du potentiel de ce terrain.

Je préfère le mot « module » qui reflète mieux notre concept : les modules peuvent être déplacés rapidement, en une seule opération, ils sont plus flexibles, plus réactifs, et bien plus dynamiques qu’une tiny house.

Le HUUS est, en réalité, un container maritime reconditionné. À l’origine utilisé pour le transport – vous pouvez d’ailleurs encore voir des bosses et des marques d’usure sur le prototype -, nous lui avons donné une seconde vie dans une démarche d’économie circulaire.

Pourquoi des containers ?

Parce que ce sont des éléments en métal, étanches, robustes, qui offrent un excellent rapport qualité-prix : un container de seconde main coûte entre 1 500 et 2 000 euros environ.

Quelles sont les dimensions d’une HUUS ?

Les containers standards mesurent 20 ou 40 pieds. Nous utilisons le modèle de 20 pieds, qui mesure 6,06 m de longueur, 2,44 m de largeur et 2,59 m de hauteur. Avec l’élément supérieur qui constitue l’étage, le HUSS offre une surface habitable d’environ 25 m2.

Pourquoi ne pas avoir superposé deux containers pour créer cet étage ?

Pour éviter d’altérer l’esthétique et donner une identité visuelle au module, j’ai préféré ajouter un élément avec un design spécifique, un peu comme un chapeau. C’est l’atelier de ferronnerie Besenius qui a fabriqué ce chapeau, mais pas seulement. Tout est en métal, y compris à l’intérieur : les fenêtres, comme l’îlot de cuisine ou le support du lit. Le métal est un matériau facilement recyclable, qui est aussi très simple à mettre en œuvre tout en restant économique.

Pouvez-vous nous parler de l’intérieur, justement ?

J’ai passé des années à travailler sur cet aménagement, et je trouve qu’il fonctionne vraiment bien. Il se compose d’une zone d’accueil avec un plan de travail adossé au mur qui peut servir de bureau ou de table pour prendre les repas, d’une cuisine avec un coin préparation, un coin pour le frigo et des rangements coulissants qui servent aussi de porte pour la salle de bain et les toilettes, d’un vestiaire sous l’escalier, ainsi que d’une chambre spacieuse à l’étage. À l’arrière, un local technique est accessible par l’extérieur.

Comment l’isolation a-t-elle été réalisée ?

Le prototype est isolé avec de la mousse PU, mais je ne suis pas un grand fan de ce matériau, car il est difficile à recycler. Et dans une perspective circulaire, il est important de repenser l’approche. C’est pourquoi, pour les prochains modèles, je prévois d’utiliser un isolant - utilisé notamment pour les navettes spatiales - qui permettra « d’emballer » le module de l’intérieur, et qui pourra donc être simplement « déballé » par la suite.

Pourquoi pas un isolant écologique ou biosourcé ?

Car, avec ce type de matériau, il est difficile d’obtenir des garanties. Si l’isolant laisse des espaces libres, de la condensation va vite apparaître avec le métal, et je veux absolument éviter cela. Pour garantir une durée de vie de 20 à 30 ans, je ne suis pas à l’aise avec des matériaux comme le papier, le foin ou la laine. Je veux d’abord être sûr à 1000 % du constructeur et avoir des fiches techniques claires qui garantissent les performances du produit.

Quelles sont les caractéristiques techniques du module ?

Il est équipé de deux ventilations double flux décentralisées : l’air entrant est tempéré à 19°C, tandis que l’air vicié est extrait en continu. Un boiler de 80 l assure la production d’eau chaude, et deux radiateurs électriques, fournis par notre partenaire Viessmann, permettent de chauffer l’espace.

Nous avons aussi optimisé tous les chemins de câbles afin de réduire les longueurs au strict minimum. Cette approche s’inscrit dans une démarche minimaliste en consommation de matériaux et en coûts, mais sans compromettre le confort - un point essentiel du cahier des charges de CDCL.

Côté sécurité incendie, la structure est ultra sèche, sans matériaux inflammables : rien ne prend feu.

Pas de panneaux solaires ?

Non, car la consommation énergétique est très faible : en moyenne 2 à 2,5 kWh par jour. C’est trop peu pour que l’investissement dans des panneaux soit réellement intéressant.

À qui s’adresse ce produit ?

Le marché immobilier subit une pression croissante : tout est à l’arrêt depuis 4 ans dans la construction et tout le monde s’est réfugié dans la location, où les prix ont donc grimpé en flèche. Aujourd’hui, un studio de 25 m2 peut coûter jusqu’à 15 000 euros le m2 à l’achat et se louer entre 1 000 et 1 400 euros. Autant dire que la rentabilité est quasi inexistante. En comparaison, le coût d’un module est d’environ 100 000 euros, avec un loyer compris entre 800 et 1 200 euros, donc une rentabilité bien meilleure.

Qui pourra y vivre ?

Un expatrié, par exemple, qui ne souhaite pas partager une colocation ou vivre dans une chambre chez un marchand de sommeil, mais qui veut son propre espace, pouvoir fermer sa porte et payer un loyer raisonnable.

Deuxième public : le secteur social. Ce type de logement peut offrir une 2e chance à quelqu’un qui traverse une mauvaise passe en lui permettant de disposer d’un espace personnel, sécurisé, avec une prise pour recharger son téléphone, un endroit où enfiler une cravate pour aller à un entretien, à un prix réduit.

Enfin, le tourisme : c’est un marché où le rendement est excellent. Le module offre un concept d’hébergement accessible à tous, avec une suite indépendante, sans espaces communs à partager.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025

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Publié le vendredi 11 juillet 2025
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