
Vers une meilleure compréhension des isolants biosourcés
Le marché des isolants biosourcés est en pleine croissance. De récentes études ont permis de mieux quantifier les performances de ces matériaux.
Évaluation des performances en conditions réelles
Les performances de six isolants semi-rigides biosourcés (laine de mouton, lin, chanvre-cellulose, textile recyclé, herbe, lin-coton-chanvre) ont été comparées à celles d’une laine de roche semi-rigide conventionnelle. Un mur constitué de sept modules (de 1,2 m de côté et de 20 cm d’épaisseur) équipés de divers capteurs (température, flux thermiques et humidité) a été construit dans une maisonnette expérimentale à ossature en bois (voir figure 1). Les conditions climatiques à l’intérieur de la maisonnette ont été régulées de sorte que la température ambiante y soit de 18 °C et le taux d’humidité relative de 85 %, pour correspondre à des conditions rencontrées dans des locaux mal ventilés.
Les valeurs mesurées sur site ont révélé que tous les modules respectaient le critère PEB, à savoir une résistance thermique R supérieure ou égale à 4,18 m2.K/W (voir figure 2). Ces valeurs n’ont pas différé de plus de 10 % des valeurs théoriques. En période estivale, lors de fortes variations de température, tous les isolants ont affiché des performances thermiques similaires.
Les mesures effectuées ont révélé que l’intérieur des parois avait conservé des conditions saines (humidité du bois < 20 % et humidité relative de l’isolant < 90 %), ce qui confirme l’importance d’une mise en œuvre soignée, avec placement correct du pare-vapeur (résistance de diffusion de la vapeur d’eau Sd ≥ 5 m), pare-pluie ouvert à la vapeur, isolant initialement sec, …
Impact sur la régulation de l’humidité relative intérieure
Testés individuellement, les isolants biosourcés présentent de bonnes performances hygroscopiques. Pour vérifier celles-ci en conditions réelles, deux parois ont été testées dans une chambre climatique. L’une d’elles contenait de la fibre de lin, l’autre de la laine de roche. Des panneaux OSB étaient présents du côté intérieur des parois. Bien que nous recommandions systématiquement la présence d’un pare-vapeur, plusieurs essais ont été réalisés sans cette membrane, afin de mieux comprendre les phénomènes de transferts d’humidité. Certaines configurations ont été testées avec ajout d’un panneau de finition (plâtre ou argile), dans le but d’étudier l’impact du revêtement intérieur.
Les tests consistaient à simuler, dans une section de la chambre climatique, un climat hivernal en continu et, dans une autre section, un climat intérieur avec une brusque augmentation d’humidité toutes les 24 heures pour reproduire les conditions d’une salle de bain non ventilée, par exemple. L’air de la pièce a ensuite été entièrement renouvelé sur un temps court et la capacité du mur à relarguer l’humidité accumulée a été mesurée.
Dans les configurations étudiées, la régulation de l’humidité relative du côté intérieur de la paroi est principalement influencée par le panneau OSB, puis par le panneau de finition (avec un impact plus fort pour les panneaux en argile que ceux en plâtre) (voir figure 3). L’isolant ne joue qu’un rôle secondaire. En pratique, un pare-vapeur est obligatoire pour les parois en contact avec l’extérieur. D’autres essais ont confirmé que sa présence réduisait encore plus l’impact de l’isolant sur la régulation de l’humidité intérieure.
Impact sur le confort estival
En raison de sa densité, la laine de bois a un déphasage thermique théoriquement plus élevé que la laine de roche. Pour évaluer cet impact à l’échelle d’un système complet, deux parois comprenant de la laine de bois ou de la laine de roche ont été testées dans des conditions simulant une journée estivale caractérisée par de fortes variations de température. L’impact de la finition intérieure a également été étudié en comparant des plaques de plâtre de 12,5 mm avec des plaques d’argile de 22 mm.
Pour cette configuration, les tests ont révélé que le type d’isolant semi-rigide avait un impact assez faible sur le déphasage thermique et sur la température maximale mesurée contre la paroi entière (voir figure 4). L’inertie thermique de la paroi était davantage influencée par la finition intérieure, et en particulier par les plaques d’argile, car plus épaisses et plus denses. Cette observation confirme les modélisations réalisées précédemment par Buildwise et par l’EMPA (*). Afin d’améliorer le confort estival, il faudra donc d’abord prévoir des protections solaires externes et une ventilation nocturne efficace. Si l’objectif reste d’optimiser l’inertie thermique, on se tournera vers des isolants dont la densité est supérieure à 100 kg/m³ (fibres de bois rigides, chaux-chanvre, …) ou on adaptera le type ou l’épaisseur de la finition intérieure (double épaisseur de plâtre, panneau d’argile, …).
Conclusion
L’utilisation d’isolants biosourcés constitue une véritable alternative aux isolants traditionnels. On retiendra néanmoins que l’isolant ne définit pas à lui seul les performances de la paroi complète. Ceci vaut tout aussi bien pour les performances hygroscopiques, thermiques, sécurité incendie et acoustique. Par conséquent, il est nécessaire d’avoir une vue globale des systèmes constructifs.
Cet article a été rédigé dans le cadre du projet Interreg Circular Biobased Construction Industry subsidié par l’Union européenne.
V. Claude, ing., chef de projet, laboratoire Matériaux de construction, Buildwise
Article paru dans Neomag #71 - juin 2025 (pour voir l’article illustré).