
Rendre les industries plus circulaires : le challenge d’UniGR Cirkla
L’Université du Luxembourg participe à un vaste projet Interreg de l’Université de la Grande Région, qui réunit chercheurs et acteurs industriels autour d’un même objectif : développer une économie circulaire du bâtiment à l’échelle transfrontalière.
« L’idée est de créer un centre de compétence pour dynamiser cette logique d’économie circulaire dans la région » explique Markus Schafer, professeur en génie des structures et structures composites. « Mon équipe de l’Université du Luxembourg s’intéresse plus particulièrement aux flux de matériaux pour le recyclage du béton et de l’acier.
Recyclage du béton : faire mieux que du concassé
Les normes européennes autorisent actuellement l’usage partiel du béton recyclé dans les mélanges de granulat pour former du concassé. De plus en plus d’entreprises luxembourgeoises produisent désormais du béton à granulats recyclés, mais la démarche est perfectible :
« Le concassé est souvent utilisé pour les sous-structures de routes. C’est du downcycling du béton. Notre principe est de ne pas downcycler, mais de réutiliser le béton dans du béton. »
Le but n’étant pas de réinventer la roue, l’équipe d’UniGR Cirkla visite d’autres structures européennes pour en tirer les inspirations utiles : « Nous avons visité la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas, pour observer les pôles d’innovation européens en recyclage du béton. Nous voulons voir ce qui existe et discuter avec nos partenaires industriels de ce qui peut être réalisé dans la Grande Région. »
Le Luxembourg n’est d’ailleurs pas en reste : Solid, également partenaire du projet, est certifié comme producteur de béton à faible carbone. L’entreprise est pionnière dans la fabrication de béton standard à agrégats recyclés.
La notion de « déchet » : un obstacle juridique à surmonter
Pour réaliser des produits à base de béton recyclé, le transfert transfrontalier de ces matières premières secondaires est nécessaire. Or, « les matériaux issus de la déconstruction sont trop souvent assimilés à des déchets, ce qui freine leur circulation dans la Grande Région ».
Un obstacle qui est propre au béton : « Pour l’acier, ce n’est pas un problème. Nous retirons les poutres et nous les transportons de chaque pays vers ArcelorMittal, pour les recycler et faire du nouvel acier. »
Relier les acteurs pour des industries plus circulaires en Grande Région
Pour dresser un état des lieux de la situation actuelle, l’équipe d’UniGR Cirkla va cartographier les flux de matériaux, et « développer un modèle numérique d’un bâtiment, que nous placerons à différents endroits de la Grande Région : au nord et au sud du Luxembourg, à Liège, à Kaiserslautern, etc. »
« Nous suivrons virtuellement le processus de recyclage pour voir où les matériaux sont envoyés et comment développer une stratégie commune pour le commerce de matériaux recyclés. »
Former une nouvelle génération
Durant l’été 2025, l’Université du Luxembourg a accueilli une Summer School sur la construction circulaire, organisée avec l’Université de la Sarre. Ce programme d’une semaine a rapidement affiché complet et a attiré des étudiants internationaux : « Il y avait des participants d’Iran, de Chine, d’Allemagne, de France, du Luxembourg et de Belgique : l’aspect humain de la rencontre est aussi important que le contenu. »
Côté contenu, justement, la théorie a souvent laissé place à la pratique, avec des visites de terrain sur des procédés concrets : « Nous sommes allés sur le site de production de Cimalux, car nous savons que le ciment est responsable de 8% des émissions de CO2 mondiales. Nous avons vu le four à arc électrique d’ArcelorMittal, qui utilise uniquement de l’acier recyclé pour produire du neuf ».
Les étudiants ont également eu pour exercice de concevoir un bâtiment durable et analyser son empreinte carbone grise, dans le cadre d’une analyse de cycle de vie (ACV).
Parmi les prochaines livrables :
- le développement d’un réseau pour rassembler les experts de la Grande Région
- une exposition circulaire itinérante pour le jeune public
- un projet de MBA sur la circularité (20 à 30 ECTS),
- et des ateliers pour montrer les résultats du projet et inspirer davantage de recyclage et de réutilisation dans la construction et l’industrie.
Une mutation nécessaire pour cette région industrielle
« Nous sommes dans la zone de Liège, Luxembourg et Sarre, une région de production sidérurgique avec une très longue histoire. Aujourd’hui, nous passons des anciens hauts-fourneaux à des technologies modernes, allant même vers la stratégie hydrogène. »$
Dans ce processus de transformation, la question du recyclage des matériaux de construction et industriels devient centrale. « Nous parlons ici d’investissements très importants. Une question se pose encore : le Luxembourg est-il suffisamment grand pour ce type d’investissements ? Car si les matières premières secondaires n’arrivent pas en suffisance, l’utilisation de ces technologies coûteuses – détection par caméra, robots trieurs, etc. - sera limitée.
Marie-Astrid Heyde
Photos : UniGR-CIRKLA
