Reconversion, déconstruction réfléchie et réemploi
La construction génère 40 % des gaz à effet de serre et un tiers des déchets en Europe. Ce constat a incité l’ABP à déployer des projets basés sur une déconstruction réfléchie, favorisant la réutilisation des matériaux. C’est le cas de la rénovation du lycée Michel Lucius à Luxembourg, saluée pour son approche circulaire.
Ce projet pilote, mené de 2018 à 2021 et conduit par l’Administration des bâtiments publics (ABP), comprenait la déconstruction sélective de l’aile 3 000 du lycée Michel Lucius et la reconversion de l’aile 6 000, ainsi qu’un réaménagement de la cour créant un espace central attractif au sein du campus scolaire.
La déconstruction sélective de l’aile 3 000 a été motivée par son état de vétusté. Construite dans les années 1970, elle ne pouvait plus être occupée en raison de sa structure obsolète. Cette partie du projet a nécessité une évaluation minutieuse des matériaux et du mobilier et leur classement en fonction de leur potentiel de réemploi ou de recyclage. « Un inventaire détaillé des matériaux a été réalisé par un bureau d’études et plusieurs scénarios ont été envisagés, notamment grâce à une analyse du cycle de vie exhaustive réalisée par une équipe du LIST. Ensuite, l’équipe Environmental Policies de l’Institut a comparé l’inventaire réalisé avant le début des travaux avec les résultats sur site et a veillé à ce que les matériaux utilisés dans le projet soient correctement tracés et documentés. Malgré les changements majeurs de la structure du bâtiment, les coûts environnementaux étaient jusqu’à 84 % inférieurs au coût de construction d’un nouveau bâtiment de même volume. Les émissions de CO2 ont été réduites jusqu’à 90 % et la production de déchets de 79 % par rapport à un nouveau bâtiment », explique Bruno Domange, Senior Environmental Engineer au LIST, dans un communiqué.
Les matériaux prélevés dans l’aile 3 000 ont été réimplantés dans l’aile 6 000, une construction provisoire modulaire en bois datant des années 1990, désormais transformée en bibliothèque. Malgré la présence d’amiante, de nombreux éléments ont pu être récupérés. « Nous avons conservé le chauffage préexistant, avec quelques ajustements (…), les plaques de plafond, les luminaires, le mobilier – une grande partie des étagères venait de l’ancienne bibliothèque de l’aile 3 000 (…). Il y a du mobilier récupéré du CNA ; les tables et chaises venaient d’autres parties de l’école. Nous aurions également aimé récupérer l’acier de l’aile 3 000, mais les sections étaient trop importantes. Nous aurions perdu trop d’air libre, ce qui n’était pas permis par la législation », souligne Sophie Maurer, architecte à l’Administration des bâtiments publics.
Pour ce qui est des éléments restants, certains ont pris place dans la cour, comme la pergola, initialement située à l’étage de l’aile 3000, qui a été réinstallée au sol et à laquelle on a ajouté des voiles en toile pour fournir de l’ombre, ou encore des plaques de façade qui ont été utilisées pour créer une balustrade. En ce qui concerne les objets non réutilisables, comme le mobilier en bon état mais sans grande valeur marchande, ils ont été redistribués via un système de marché à zéro euro, où les intéressés pouvaient récupérer les articles directement sur site.
Les entreprises sélectionnées pour s’occuper du chantier de déconstruction ont été sélectionnées en fonction de leur engagement envers le réemploi et la valorisation des matériaux récupérés, selon un cahier des charges précis.
En plus d’améliorer considérablement la qualité de vie des étudiants, ce projet sert de modèle pour la préservation des bâtiments existants et la réutilisation des structures obsolètes. Il contribue à la progression du secteur de la construction durable en fournissant de nouveaux cadres réglementaires, des bonnes pratiques et un processus de démontage détaillé. Par exemple, le CRTI-B a adopté cette approche comme ligne directrice générale pour les futures déconstructions. La documentation relative au projet et ses résultats seront mis à disposition du public dans un livre qui vulgarisera les principes de la déconstruction sélective et du réemploi de matériaux, contribuant à une meilleure compréhension et appréciation du sujet et offrant une ressource précieuse aux professionnels de la construction et aux décideurs.
Sous l’impulsion de l’ABP, de nombreux acteurs ont travaillé main dans la main sur ce projet pilote axé sur la durabilité et la circularité. Pour n’en citer que quelques-uns, le projet incluait aussi l’agence de l’Environnement, le ministère de la Mobilité et des Travaux publics, le ministère de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité, le laboratoire de l’Administration des ponts et chaussées, ainsi que les étudiants du lycée qui ont participé à un questionnaire et aux travaux de rénovation.
Marie-Astrid Heyde – Infogreen et Mélanie Trélat
Reportage Architecture Lycée Michel Lucius