
L’inventaire des matériaux, obligation légale et planification durable
On s’était habitué au certificat de performance énergétique ; voilà l’inventaire des matériaux ! Les obligations introduites par la loi du 9 juin 2022 entrant en vigueur au 1er janvier 2025.
La loi du 21 mars 2012 relative à la gestion des déchets (la « Loi de 2012 »), telle que modifiée par la loi du 9 juin 2022 prévoit que dorénavant, pour tout bâtiment ayant un volume bâti au moins égal à 3 500 m3 pour lequel l’autorisation de construire sera accordée après le 1er janvier 2025, un registre informatique des différents matériaux utilisés avec indication de leur emplacement doit être établi par le maître de l’ouvrage. Après l’achèvement de l’immeuble, ce registre doit être mis à jour par le propriétaire ou le syndic de copropriété.
D’ores et déjà, préalablement à toute déconstruction d’un bâtiment d’un volume bâti de plus que 1.200 m3 et produisant au moins 100 m3 de déchets, le maître de l’ouvrage doit établir un inventaire des matériaux qui se trouvent dans l’ouvrage à déconstruire. Cet inventaire doit pouvoir être présenté à l’administration compétente et aux fonctionnaires de l’Administration des douanes et accises ainsi que de l’Administration de l’environnement compétents pour la recherche et la constatation des infractions en vertu de l’article 45 de la loi de 2012.
L’inventaire des matériaux doit prévoir, en cas de déconstruction, une collecte séparée des différents matériaux en vue de leur traitement respectif en tenant compte des priorités fixées à l’article 9 de la Loi de 2012, à savoir la prévention, la préparation en vue du réemploi, le recyclage, toute autre valorisation, notamment valorisation énergétique, et en dernier lieu l’élimination.
En cas de projets de déconstruction de bâtiments ayant un volume bâti supérieur ou égal à 3 500 m3, cet inventaire doit être réalisé par un organisme agréé en vertu de la loi du 21 avril 1993 pour l’accomplissement de tâches techniques d’étude et de vérification dans le domaine de l’environnement.
Ainsi, l’article 26 de la loi du 21 mars 2012 relative aux déchets, tel que modifié par la loi du 9 juin 2022, impose des obligations accrues aux propriétaires et gestionnaires d’immeubles concernant l’inventaire des matériaux, et relativise pour ainsi dire la distinction entre déchets et matériaux de construction.
Les détenteurs de « déchets » au sens de la loi, y compris les entreprises de construction, démolition, et autres secteurs produisant des déchets substantiels, doivent désormais établir et maintenir un inventaire précis des matériaux en question. Cet inventaire doit permettre de documenter et d’identifier la composition, la quantité, et les caractéristiques des matériaux présents sur les sites concernés, en particulier pour les matériaux susceptibles d’être recyclés ou valorisés.
Les principales obligations en matière d’inventaire des matériaux incluent :
- Documentation détaillée : chaque détenteur de déchets doit tenir à jour un inventaire des matériaux afin de faciliter la traçabilité des flux de déchets et d’assurer que les matériaux sont gérés en conformité avec les normes de sécurité et de protection de l’environnement.
- Identification des matériaux valorisables : l’inventaire doit distinguer les matériaux qui peuvent être réutilisés ou recyclés, conformément à la hiérarchie des déchets. L’objectif est de favoriser le recyclage et la valorisation des ressources en évitant l’enfouissement ou l’incinération.
- Déclaration et communication des informations : les détenteurs sont tenus de communiquer aux autorités compétentes les informations pertinentes issues de cet inventaire, permettant ainsi un suivi rigoureux et un contrôle régulier.
- Transparence et traçabilité : l’inventaire des matériaux est un outil de transparence dans la chaîne de gestion des déchets. Il est destiné à garantir que chaque matériau est traité conformément aux obligations légales et à faciliter le suivi des mouvements de matériaux entre les différents acteurs.
Les sanctions pour les infractions obligations liées à l’établissement d’un inventaire des matériaux incluent entre autres des amendes de 25 euros à 1 000 euros, la confiscation des véhicules, engins et instruments utilisés, sans compter les sanctions plus lourdes qui peuvent s’appliquer par rapport à d’autres violations de la loi de 2012.
Cette législation vise à renforcer la gestion durable des matériaux en instaurant une meilleure transparence et traçabilité, tout en promouvant l’utilisation de matériaux durables et réutilisables en réduisant ainsi les déchets dans une économie circulaire et devrait associer aux bâtiments en exploitation une prise en considération en tant que stock de matériaux de matières premières.
Dans la pratique, le maître de l’ouvrage et ses conseils pourront avoir recours à des solutions digitales qui reprendront les données associer à partir d’une modélisation BIM, sinon du cahier des charges.
Si les obligations sont actuellement limitées à certains bâtiments seulement, les propriétaires auront un intérêt à anticiper l’avenir et établir un inventaire des matériaux mêmes pour les bâtiments qui ne sont pas actuellement soumis à telle obligation, alors qu’il prévisible que cette obligation sera au fur et à mesure élargie, et il sera toujours plus facile d’établir un inventaire de matériaux en phase de planification.
En même temps, intégrer l’inventaire des matériaux en tant qu’instrument de planification permettra de concevoir des immeubles plus durables et respectueux de l’environnement en passant par l’utilisation de matériaux durables et soit réutilisables, soit recyclables, pour réduire le coût d’une future déconstruction et en même temps augmenter la valeur de l’immeuble.
Maître Mario Di Stefano, Managing Partner – Avocat à la Cour, DSM Avocats à la Cour
Article DSM Avocats à la Cour paru dans Neomag #67 - décembre 2024