
House of Training et CRTI-B : never stop learning !
Depuis 2018, la House of Training et le CRTI-B proposent une offre de formation commune pour accompagner les professionnels de la construction dans leur montée en compétences autour de la digitalisation et du BIM. Interview de Muriel Morbé et Muriel Olszowiak de la House of Training et Charlie Boon-Bellinaso du CRTI-B.
Quels sont les objectifs du partenariat entre la House of Training et le CRTI-B ? Et comment se traduit-il concrètement ?
Muriel Morbé : Le point de départ de cette collaboration est l’alignement stratégique sur les objectifs en termes d’innovation et de développement des compétences — compétences ici spécifiques à la construction et à l’utilisation d’outils de digitalisation.
À la House of Training, nous nous entourons de partenaires institutionnels qui nous transmettent les besoins du terrain. Nous réfléchissons ensuite collectivement à leur traduction en formations, en identifiant les savoirs, savoir-faire et savoir-être à acquérir en fonction des profils, et en choisissant les bons experts pour les transmettre. Ensuite, nous assurons la mise en œuvre du programme de formation : planification, gestion administrative, relations clients et communication.
Avec nos partenaires, nous réalisons également des bilans réguliers afin d’assurer l’amélioration continue de notre offre et pour rester en phase avec le marché. L’objectif est de permettre aux entreprises de faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain.
Charlie Boon-Bellinaso : Nous travaillons avec différents centres de formation dans le but de proposer un catalogue commun, cohérent, au niveau national. Le CRTI-B coordonne le contenu technique, alors que les centres de formation gèrent le volet opérationnel.
Depuis 5 ans, nous proposons un package plus ou moins fixe avec la House of Training, mais nous entrons dans une phase de renouvellement de notre offre, visant un panel d’acteurs plus large : nous nous concentrions jusqu’à présent sur la conception, le chantier et l’exploitation ; nous voulons désormais intégrer les compagnies d’assurance, les notaires et les métiers de l’immobilier qui pourraient, eux aussi, tirer parti des outils numériques.
Avez-vous reçu un feedback des formations mises en place précédemment et quel est-il ?
Muriel Olszowiak : Les formateurs étant eux-mêmes des professionnels, nos formations sont très pragmatiques, avec peu de phases théoriques, ce qui réduit considérablement le temps d’adaptation, que ce soit pour un public qui n’a aucune pratique du BIM — puisqu’on démarre des prémices avec le cursus « BIM base » — ou pour un public expert — avec « BIM modeleur » et « BIM coordinateur ».
Depuis le début du partenariat, nous avons accueilli 1500 apprenants, et leur premier retour positif a porté sur cet aspect pratique et enseignement « peer-to-peer » : ceux qui utilisent le BIM au quotidien s’adressent à leurs pairs, il y a donc une parfaite adéquation entre la formation et les usages sur le terrain.
Dans quel sens souhaitez-vous réévaluer l’offre de formation ?
CBB : 8 ans après son lancement au Luxembourg, le taux d’adoption du BIM n’est pas satisfaisant, ce qui est probablement dû à l’écart trop important entre la méthodologie traditionnelle « papier » des acteurs non digitalisés et les cas d’usage complexes généralement mis en avant lorsque nous parlons de BIM : il manque des échelons intermédiaires pour que les entreprises puissent se projeter dans ces processus en trouvant facilement leur intérêt.
Nous voulons accompagner les entreprises dans une transition progressive, en commençant par la collaboration numérique et en ajoutant, au fur et à mesure, des couches supplémentaires de méthodologie et de fonctionnalité. Cette nouvelle approche, plus globale, porte sur les standards, outils, méthodologies et procédures administratives, avec un plan de formation adapté, un plan de support financier et un accompagnement lors de l’implémentation sur les premiers projets des entreprises – notamment les TPE qui sont les plus concernées par cet écart du fait de l’investissement financier et temporel ainsi que de la perte de rentabilité que peut engendrer le BIM lors de la transition.
Quelles compétences cherchez-vous à développer, plus spécifiquement ?
CBB : En premier lieu, la compréhension du BIM et de ce qui constitue ses fondements : la collaboration au sein d’une plateforme numérique. Avant de pouvoir se projeter dans des cas d’usage plus complexe, il faut être capable de déposer et de commenter des documents sur une plateforme. Nous partons donc d’une vision plus large de la digitalisation qui ne se limite pas au BIM : il y a aussi, par exemple, le CIM — le modèle numérique à l’échelle urbaine avec des données associées – ou encore les données GIS qu’on trouve notamment sur le géoportail. Regrouper toutes ces données de différents niveaux au même endroit permettrait de les croiser pour automatiser certaines requêtes - permis de construire, passeport énergétique, procédure administrative – et ainsi, de simplifier le processus pour l’utilisateur final.
MO : Pour compléter, au-delà des compétences techniques, les entreprises recherchent de plus en plus de soft skills, d’adaptabilité, de capacité à communiquer et à échanger avec des personnes qui ne parlent pas le même langage – ce qui est essentiel quand on utilise un outil collaboratif comme le BIM qui regroupe différents métiers.
Quelles nouvelles thématiques proposerez-vous dans les mois à venir ?
CBB : Un exemple concret est le passeport matériau qui sera obligatoire en 2028 pour chaque nouveau bâtiment construit. Nous anticipons ce changement réglementaire en travaillant avec la cellule Construction durable du ministère de l’Économie sur la mise en place d’un processus automatisé permettant d’extraire de la maquette numérique les données nécessaires à l’élaboration du passeport. Et, en parallèle, nous développons des formations de sorte que les entreprises soient prêtes et les outils à disposition au moment où la loi entrera en vigueur. Plutôt que d’ajouter une couche de complexité, nous cherchons à apporter des solutions pour que ces nouvelles contraintes soient le plus simple possible à absorber par les entreprises.
En quoi le développement de compétences est-il un levier stratégique pour les entreprises et un avantage concurrentiel pour les employés ?
MM : Notre environnement évolue sans cesse avec l’apparition de nouvelles technologies, des évolutions réglementaires et d’organisation du travail... Ce que nous savons aujourd’hui ne suffira plus demain. Pour nous adapter et progresser de manière continue, nous devons rester curieux, car la curiosité est à l’origine de tout apprentissage. On ne parle plus aujourd’hui de « lifelong learning », mais de « never stop learning ».
Et l’entreprise en bénéficie également : le développement de compétences par la formation garantit et renforce l’adaptabilité des équipes, préserve un haut niveau de savoir-faire et soutient la compétitivité, ce qui lui permet de rester innovante et agile.
Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #73 - septembre 2025