
Former aux TP de demain : sécurité renforcée et éco-conduite
L’IFSB propose aux conducteurs d’engins des formations adaptées aux réalités du terrain, qui anticipent les défis à venir en matière d’environnement et de ressources humaines.
Interview de Fabrice Remlinger, responsable des formations Engins au sein du service Construction mécanisée à l’IFSB.
Quelles évolutions observez-vous dans les travaux publics, ces dernières années ?
La première évolution – et je parlerais presque d’une révolution - est déjà amorcée depuis un moment. Elle concerne la sécurité, qui a beaucoup évolué dernièrement, au sens positif du terme. On ne travaille plus aujourd’hui comme on travaillait il y a 20 ans : le personnel est formé, il porte ses EPI, et c’est un immense progrès.
Ceci dit, il reste encore de mauvaises habitudes qui persistent : sauter des engins avec tous les risques de mauvaise réception ou de claquage que cela présente – c’est un des accidents les plus rapides et les plus courants -, laisser les équipements en l’air lorsqu’on descend de la machine ou encore ne pas boucler sa ceinture de sécurité lorsqu’on conduit. Notre rôle est de faire prendre conscience aux stagiaires des risques encourus et de les aider à adopter les bons réflexes.
Et la deuxième évolution, quelle est-elle ?
La deuxième évolution qu’on voit désormais apparaître dans certains appels d’offres, est la décarbonation. Elle va avoir un impact énorme dans les années à venir. C’est pourquoi nous sensibilisons et formons dès aujourd’hui les salariés à l’économie circulaire appliquée au chantier. Cela passe notamment par la déconstruction, la réutilisation des matériaux, la valorisation des déchets et la préservation des matières premières non renouvelables, comme le sable ou le gravier. Toutes ces thématiques sont intégrées dans nos formations qualifiantes et « saupoudrées » dans nos formations à l’éco-conduite.
Qu’est-ce que l’éco-conduite ? Et pourquoi est-ce important ?
Notre ambition est de former des éco-conducteurs pour limiter les émissions de carbone. En France, les transports, déplacements et acheminements de matériaux totalisent 23 millions de tonnes de gaz à effet de serre, et les engins représentent un quart des émissions annuelles de CO2 du secteur des travaux publics.
Heureusement, il existe une multitude de petits axes d’amélioration : préchauffer la machine, éviter de laisser tourner le moteur au ralenti lorsqu’on en descend ou de rouler fenêtres ouvertes avec le chauffage ou la climatisation à fond, travailler en mode économique quand la tâche le permet – pour un travail de réglage ou de précision, par exemple. Il faut savoir qu’en pleine puissance, on gagne environ 7 % de puissance mais, en contrepartie, on consomme 15 % de carburant en plus.
Ensuite, une méthode de travail adaptée permet de gagner à tous les niveaux. Par exemple, en choisissant l’engin le plus en adéquation avec le travail à réaliser, on optimise son temps et on diminue les émissions de CO2. L’entretien doit être également être soigné : nettoyage des filtres à air, changement des dents du godet au moment opportun pour permettre une meilleure pénétration dans le sol et optimiser les temps de cycle, etc. vont réduire l’impact climatique de la machine, tout en permettant de réaliser des économies.
Nous avons un gros travail à faire pour faire prendre conscience à nos stagiaires de l’impact direct de leurs habitudes sur leur travail de demain, et probablement aussi sur leur salaire, car, demain, le moindre gramme de carbone nous coûtera, à tous, sans doute très cher. Si on ne s’occupe pas du climat, c’est lui qui va s’occuper de nous. L’éco-conduite est un projet collectif, c’est l’affaire de chacun : le machiniste, bien sûr, mais aussi le mécanicien chargé de l’entretien des machines, ainsi que le chef d’entreprise à qui il revient de donner l’impulsion et de créer une culture d’entreprise autour de la décarbonation. L’encadrement de chantier est lui aussi concerné, car il faut aussi pouvoir mesurer l’impact des actions entreprises.
Comment la digitalisation impacte-t-elle les engins de travaux publics ?
L’utilisation des GPS dans les machines a changé la donne : le temps passé à faire des implantations est moindre, le conducteur est plus autonome car il n’a plus besoin d’être secondé par une autre personne pour le guider au sol, et la précision est augmentée. Davantage de rapidité, de précision, moins de descentes de la machine nécessaires pour faire des contrôles : l’impact carbone se trouve, de fait, lui aussi réduit.
Un autre avantage : les technologies qui équipent aujourd’hui les machines permettent de savoir depuis un bureau quelle machine tourne, depuis combien de temps et à quel régime, où elle se trouve, dans combien d’heures il faudra prévoir un entretien ou la vidange, ce qui permet notamment d’anticiper certaines pannes.
Les formations proposées par l’IFSB intègrent toujours un volet pratique. Comment cela se traduit-il dans le domaine des engins ?
Nous avons des pelles hydrauliques, chargeurs, compacteurs, dumpers, chariots frontaux et télescopiques et, bien entendu, aussi des engins électriques - un petit gerbeur, une nacelle et un chariot frontal -, sur lesquels nos stagiaires peuvent s’exercer en conditions réelles.
Nous mettons aussi un simulateur de pelle à disposition des conducteurs d’engin débutants, afin qu’ils puissent apprendre à travailler en sécurité et dans des conditions favorables. Cet outil est intégré à certaines formations et sert également d’outil de promotion auprès des jeunes, que nous cherchons à attirer vers nos métiers.
Mais parfois aussi, pour aider les stagiaires à comprendre certains principes, nous avons simplement recours à des méthodes concrètes et visuelles. Par exemple, nous nous servons d’un gabarit pour simuler les cycles de chargement des camions et analyser objectivement l’impact d’un positionnement en biais, à 45 degrés, et ceux d’un positionnement perpendiculaire, à 90 degrés. Dans le premier cas (avec un angle 45 degrés), on gagne sur tous les plans : le nombre de manœuvres nécessaires est réduit donc le conducteur se fatigue moins, le sol est moins abîmé, la consommation de carburant baisse et le chargement est plus rapide.
Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #73 - septembre 2025