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Former, guider, élever

Former, guider, élever

Dans une industrie en mutation, l’adhésion à la vision de l’entreprise et l’adaptabilité des équipes sont clés. L’employeur doit gérer activement le changement et accompagner ses collaborateurs à chaque étape. Interview d’Alexandra Damian, senior HR officer chez Cimalux.

Quels défis rencontrez-vous en tant que gestionnaire des ressources humaines dans l’industrie lourde ?

Nous sommes dans une situation paradoxale : d’un côté, nous avons besoin de stabilité parce que nous évoluons dans un contexte en pleine mutation ; mais de l’autre, il nous faut remettre en question des systèmes parfois trop rigides. L’industrie exige de la prévisibilité : nos clients attendent des produits de qualité constante, livrés en temps et en heure. Mais, de l’autre, nous devons aussi nous adapter aux transformations écologiques et numériques. Cela rend le change management - responsabilité qui incombe également aux RH - particulièrement complexe.
Par ailleurs, nous devons maîtriser les évolutions en interne. Alors que des collaborateurs expérimentés partent à la retraite, il fait partie de notre mission de conserver les compétences clés dans l’entreprise, d’assurer leur transmission et d’attirer une nouvelle génération de collaborateurs. Ceci dans un secteur perçu comme traditionnel et peu innovant – ce qui est loin d’être le cas dans la réalité. Ces candidats arrivent avec de nouvelles idées, ce qui entraîne un changement dans la façon de travailler. Notre rôle est alors d’accompagner nos collaborateurs actuels pour qu’ils puissent s’adapter à ces évolutions.

Avez-vous des difficultés à recruter certains profils ou compétences ? Lesquels sont particulièrement difficiles à trouver ?

Oui, c’est le cas de profils combinant des compétences variées. Par exemple, nous avons actuellement un poste ouvert de SAP Key User. La personne doit à la fois avoir une bonne compréhension de la maintenance industrielle, maîtriser SAP et être capable de former d’autres collaborateurs à cet outil. Les compétences techniques restent essentielles, mais les profils sont souvent définis de manière linéaire : technicien, recruteur, gestionnaire. Alors que ceux dont nous avons besoin sont des personnes capables de bâtir des ponts entre compétences techniques, réalité de l’entreprise et stratégie à long terme. Il est essentiel pour nous que le candidat comprenne le contexte dans lequel nous évoluons, notre vision pour les années à venir, et soit capable d’aligner son action sur cette stratégie.
Ensuite, face aux défis posés par la décarbonation nécessaire de notre industrie, nous avons besoin de profils à l’aise avec l’innovation, capables de proposer des idées créatives « out of the box » et de s’engager dans une dynamique de changement.

La digitalisation et la transition écologique sont deux moteurs de changement. Comment ces évolutions impactent-elles les métiers ?

Contribuer à l’atténuation du dérèglement climatique est vital pour notre secteur, qui est l’un des plus gros émetteurs de CO₂. Cela change fondamentalement nos métiers. Des formations sont en cours, la sensibilisation de nos employés progresse et différents projets comme le CCUS (Carbon Capture, Utilization, and Storage) sont menés. Cela implique, pour chacun, de repenser sa manière de travailler. La sécurité des personnes est et restera toujours notre priorité, mais la sécurité environnementale fait également partie de nos préoccupations majeures. Nos objectifs - les objectifs de chaque personne - ont également évolué. Là où nous menions auparavant des projets sur trois à six mois, nous travaillons désormais sur des horizons de cinq, dix, voire quinze ans. Cela demande à chacun de bien comprendre la stratégie globale et d’être en mesure de s’inscrire dans cette perspective à long terme. C’est fondamental pour préserver nos emplois et continuer à avancer.

Comment vous y prenez-vous pour attirer les candidats, puis les encourager à rester ?

Nous renforçons notre présence sur les salons de l’emploi, pour mieux faire connaître Cimalux. Nous communiquons beaucoup autour de nos projets de décarbonation, afin que les gens comprennent non seulement notre activité, mais aussi les valeurs qui sous-tendent nos missions.
Par ailleurs, nous avons la chance d’avoir des collaborateurs qui sont globalement très satisfaits de notre culture d’entreprise et de nos conditions de travail. Ils parlent positivement de Cimalux dans leur vie privée. Le bouche à oreille fonctionne et des CV émanant de proches de nos collaborateurs et collaboratrices nous parviennent. Ceci est précieux.
Nous encourageons fortement la mobilité interne et investissons beaucoup dans la formation. Dans l’industrie, les grands slogans ne suffisent pas. Ce qui compte pour nos collaborateurs, c’est de recevoir un salaire juste de manière ponctuelle, d’avoir accès à la formation, et surtout de se sentir reconnus et valorisés. Et c’est quelque chose que nous estimons savoir faire dans notre maison.
Beaucoup de responsables suivent l’approche 3L : Learn, Lead, Lift.
Learn : le ou la responsable cherche d’abord à comprendre ce dont le collaborateur a besoin. Une formation ? Un accompagnement ? Un soutien dans une prise de décision ? Chaque employé est différent, donc il est essentiel de maintenir une communication ouverte, honnête sans jamais que l’employé ne se sente dévalorisé.
Lead : ensuite, le manager met en œuvre ce qu’il a appris. Par exemple, si un collaborateur hésite à prendre certaines décisions, le responsable peut lui offrir un regard extérieur, une validation pour l’aider à progresser.
Lift : enfin, le responsable encourage l’employé à sortir de sa zone de confort, à oser faire des choses qu’il ou elle ne se sentait peut-être pas capable de faire, tout en l’accompagnant.
C’est un processus gagnant-gagnant : pour l’employé qui se sent soutenu et valorisé, et pour l’entreprise qui bénéficie de collaborateurs et de collaboratrices pleinement engagés et créatifs.

Que diriez-vous pour conclure ?

D’abord, même si nous sommes une petite entreprise avec environ 160 collaborateurs, nous faisons partie du groupe Buzzi, ce qui nous donne à la fois les avantages d’une structure à taille humaine et les ressources d’un grand groupe. Cela signifie que les décisions peuvent être prises rapidement, sans passer par une hiérarchie trop lourde, ce qui est appréciable au quotidien. En même temps, nous bénéficions de la stabilité financière d’un groupe international.
Je tiens tout particulièrement à mettre en lumière le travail réalisé par notre équipe RH. Nous accompagnons 160 collaborateurs au quotidien et nous faisons tout en interne avec une équipe restreinte : au-delà de la gestion des absences et de la paie, notre rôle couvre l’ensemble du cycle de vie d’un employé - recrutement, intégration, démarches administratives journalières, entretiens de performance, offboarding, production d’indicateurs RH et de statistiques, suivi régulier des évolutions législatives et règlementaires, sans oublier la gestion des relations externes ou encore la participation à de nombreuses conférences. Parallèlement, nous travaillons sur des projets variés, comme la digitalisation. Nous nous efforçons aussi de promouvoir une culture d’entreprise forte, tournée vers l’innovation, la diversité et le bien-être au travail. Il y a énormément de choses que nous faisons dans l’ombre, et je pense qu’il est important de valoriser ce travail en équipe.

Mélanie Trélat
Article paru dans Neomag #72 - juillet 2025

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Publié le mardi 22 juillet 2025
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